La faillite du système capitaliste se lit de façon flagrante dans les chiffres du chômage et de la précarité. Dans la plupart des pays européens, y compris la France, la récession mondiale de 73-74 a sonné la fin du « plein emploi » de l’après-guerre. Comme dans les années 30, les chômage de masse s’est installé dans le corps social comme une tumeur, y distillant en misère et déchéance. Ce phénomène s’accompagne inévitablement d’une précarité croissante : temps partiel imposé, intérim, CDD, « stages » à répétition, etc.
En France, le taux de chômage se situe officiellement aux alentours de 9,2%. Mais au cours de ces 10 dernières années, le mode de calcul de ce taux a été modifié à de nombreuses reprises, de façon à le faire artificiellement baisser. Dans les faits, si l’on tient compte de la précarité – qui est une forme de chômage larvé – et de tous ceux qui ne sont pas inscrits à l’ANPE, le taux de chômage se situe bien au-dessus de 10 %. Il frappe davantage les femmes (au moins 2% de plus que les hommes). Chez les moins de 25 ans, il est officiellement de 22 %. Chez les jeunes d’origine immigrée, dans les quartiers les plus pauvres de nos villes, il est de 40 % ! Lorsqu’on sait que ces derniers sont également victimes de racisme et de harcèlement policier, il n’est pas besoin de chercher plus loin l’explication des événements qui ont embrasé les banlieues, en novembre 2005.
Le chômage et de la précarité entraînent une exploitation accrue de la force de travail. L’épée de Damoclès du chômage favorise les pressions des employeurs pour accélérer les cadences, allonger le temps de travail, geler les salaires, etc. L’intérimaire trop exigeant ne sera pas rappelé. Le CDD qui se syndique ou proteste ne verra pas son contrat renouvelé ou converti en CDI. Le CPE était dans la droite lignée de cette politique, qui s’efforce de placer la crise du capitalisme sur les épaules de la jeunesse et des travailleurs.
Face à cette situation, ils est temps de tirer les conclusion de l’échec des « politiques de l’emploi » mises en œuvre par les gouvernements de gauche au cours de ces 25 dernières années. Dans ce domaine, la faillite des recettes réformistes est patente. Malheureusement, nous pensons que projet de « Sécurité d’emploi et de formation » (la SEF), qui est l’axe central de notre programme contre le chômage, ne constitue pas une alternative sérieuse. Il est illusoire de penser qu’il sera possible d’éliminer le chômage, dans le cadre du capitalisme, au moyen d’une réforme de la fiscalité patronale – car la SEF, au fond, se ramène à cela. Les patrons embauchent, non lorsque l’Etat leur promet des réductions de charges ou de taux d’intérêts, mais lorsque le marché leur offre des perspectives de profit s’ils embauchent (ce qui ne les empêchera pas, au passage, d’encaisser les subsides de l’Etat, comme ils l’ont fait avec les 35 heures !). A l’inverse, les capitalistes qui veulent licencier ne se laisseront pas arrêter par des « amendes » : soit ils payeront ces amendes, soit ils feront pression pour ne pas les payer – par exemple en menaçant de licencier davantage.
Tout en apportant son soutien actif aux luttes pour défendre l’emploi, le MJCF doit dire clairement qu’il ne sera pas possible d’éliminer le chômage sur la base du système capitaliste. N’oublions que nous sommes supposés être en période de croissance économique ! Lorsqu’une récession frappera l’économie française – ce qui est absolument inévitable, et sans doute assez proche dans le temps – le taux de chômage s’aggravera considérablement.
Ainsi, seul le renversement du système capitaliste et son remplacement par une planification rationnelle et démocratique de l’économie permettront d’extirper le chômage de la société. Cependant, la grande majorité des travailleurs et des jeunes ne peuvent être gagnés au programme socialiste que dans le cours de leur lutte pour des revendications « immédiates » – qui, en elles-mêmes, ne visent pas l’abolition du capitalisme. Aussi devons-nous élaborer et populariser des revendications transitoires, qui font le lien entre les besoins les plus brûlants de la population et la nécessité de renverser le système capitaliste. Voici quelques revendications que le MJCF devrait, selon nous, intégrer à son programme :
1- Mise en œuvre d’un vaste programme de travaux publics, de façon à créer des emplois et répondre aux besoins sociaux. Face à cette revendication, la droite et le patronat pousseront leur cri habituel : « Mais les caisses sont vides ! ». Cependant, les caisses ne sont pas vides lorsqu’il s’agit d’augmenter les dépenses militaires ou de faire des cadeaux aux capitalistes. Nous manquons cruellement de logements, d’universités, d’hôpitaux, de centres culturels – et, dans le même temps, des millions de travailleurs sont sans emploi !
L’objectif d’un programme de travaux publics ne doit pas être de fournir une nouvelle source de profit au patronat. Pour l’exécution des travaux, les entreprises publiques existantes doivent être mobilisées, et les grandes entreprises privées du bâtiment doivent être expropriées et intégrées au secteur public. Enfin, des comités de contrôle composés de représentants syndicaux doivent être étroitement associés à la planification et à la marche des travaux.
2- Diminution du temps de travail et nationalisations. Les salariés n’ont pas à faire les frais de la crise économique et des baisses d’activité qui en résultent. Si, dans une entreprise donnée, la charge de travail diminue, le travail doit être partagé entre les salariés au moyen d’une réduction du temps de travail, sans perte de salaire. Si la direction ou les actionnaires refusent cette mesure, l’entreprise doit être nationalisée et faire l’objet d’un plan de financement public, sous le contrôle d’une commission syndicale. Il en va de même dans le cas de fermetures annoncées sous prétexte de rentabilité insuffisante. L’intégration d’une entreprise au secteur public ne doit pas faire l’objet d’un rachat, mais d’une expropriation : seuls les petits actionnaires seront être indemnisés. Les autres ont eu tout le temps de faire fortune grâce aux richesses produites par les salariés. Il n’y aucune raison de les enrichir davantage.
Les capitalistes sont incapables de fournir du travail à tout le monde. Leur système est en faillite. Dans ces conditions, le mouvement ouvrier doit exiger que l’emploi disponible soit réparti entre tous les salariés existants, au moyen d’une baisse correspondante de la durée de la semaine de travail – sans perte de salaire. A la différence des « 35 heures » mises en place par le gouvernement Jospin, la réduction du temps de travail doit s’appliquer à tous les salariés et ne doit pas être assortie de mesures augmentant la productivité et la flexibilité, qui annulent les effets de la RTT (les travailleurs produisent autant… en moins d’heures). Par ailleurs, une telle RTT ne doit s’accompagner d’aucun système d’« indemnisation » des employeurs.
3- Renforcement des effectifs de la Fonction Publique. Les gouvernements successifs n’ont cessé réduire les effectifs de la Fonction Publique. La droite s’est même fixée pour objectif de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux. Cela ne peut qu’accroître massivement le nombre de chômeurs et réduire la qualité des services publics. Exigeons qu’à chaque départ à la retraite corresponde une embauche. Par ailleurs, les innombrables travailleurs précaires de la Fonction Publique devraient être titularisés. Cela mettrait fin à la scandaleuse situation actuelle, où le plus grand exploiteur du travail précaire, dans ce pays, n’est autre que l’Etat. Enfin, dans chaque service, des commissions composées de représentants des salariés doivent établir le nombre d’embauches que nécessite le niveau d’activité de leur service.
4- Contre la précarité de l’emploi. Alors que le mouvement ouvrier a toujours lutté pour le partage du travail, les employeurs ont imposé, au moyen de la précarité de l’emploi, le partage du chômage. Soumis à la pression des agences d’intérim, des contrats à temps partiels ou à durée déterminée, des centaines de milliers de salariés vivent dans l’angoisse permanente du lendemain.
Les CDD ne doivent être proposés que pour remplacer des salariés temporairement absents (maternité, maladie, etc) ou pour des travaux proprement saisonniers. Tout recours à un CDD en dehors de ces cas précis doit être validé par les instances syndicales ou, à défaut, par le délégué du personnel.
La généralisation de la précarité est devenue une énorme source de profits pour les agences d’intérim. Il faut revendiquer la nationalisation des plus importantes d’entre elles, sans indemnisation, sauf pour les actionnaires les plus modestes. Les ressources matérielles et humaines de ces agences d’intérim doivent alors être intégrées dans les structures de l’ANPE, afin de renforcer le dispositif public d’aide et d’accompagnement des chômeurs.
5- Pour une indemnisation correcte des chômeurs. Pendant que le patronat licencie et freine les embauches, la droite taille dans le système des allocations chômage, avec pour objectif de pousser les chômeurs à accepter des emplois précaires et des salaires de misère. Ces attaques sont aussi destinées à alléger le coût du chômage pour le patronat et pour l’Etat, quitte à plonger les chômeurs dans une plus grande misère.
En attendant de trouver un emploi, les chômeurs doivent bénéficier d’un revenu qui ne soit jamais inférieur à 80 % du SMIC, quels que soient leur âge et leur expérience professionnelle.
Face à la crise du capitalisme : l’alternative socialiste
Encore une fois, il est nécessaire de lier les revendications précédentes à la perspective d’une rupture avec le capitalisme, c’est-à-dire d’une transformation socialiste de la société. La satisfaction des besoins sociaux se heurte dans tous les domaines à la mainmise d’une petite minorité de profiteurs sur les ressources productives. Les chômeurs forment une « armée de réserve » – pour reprendre l’expression de Marx – qui permet aux capitalistes de comprimer les salaires de ceux qui travaillent tout en ayant la possibilité de faire face aux périodes de plus forte activité. A notre époque, le capitalisme n’a rien de mieux à offrir que le chômage et la précarité de l’emploi qui l’accompagne.
Aujourd’hui, le salariat constitue 86 % de la population active. Il assure toutes les fonctions essentielles de l’économie et des infrastructures sociales. Il dispose, en conséquence, d’une immense puissance potentielle. Rien n’est produit sans le consentement des salariés. C’est au salariat que doit revenir le contrôle et la gestion des banques et de l’appareil industriel du pays, qui doivent être gérés collectivement et démocratiquement dans l’intérêt de l’ensemble de la société, et non pour le profit d’une poignée de multi-millionnaires.
Sur la base d’une gestion démocratique et socialiste de l’économie, les salariés se fixeront comme objectif immédiat d’éliminer le chômage. Lorsque les capitalistes introduisent une machine plus productive, ils se demandent combien de salariés cela va leur permettre de licencier. A l’inverse, dans un système socialiste, de tels progrès rendront possible une diminution graduelle du temps de travail de tous les salariés. Dans tous les domaines, l’organisation de la société sur des bases socialistes permettrait d’améliorer rapidement les conditions de vie de la vaste majorité de la population.
Signataires :
Christophe C. (Toulouse) ; SG (Toulouse) ; Hubert Prévaud (Toulouse) ; Boris Campos (Toulouse) ; Pascal Cauchard (Toulouse) ; Jérôme Métellus (Paris) ; Ulrich Savary (Lille) ; Xavier Dubois (Lille)