Du 14 au 17 décembre dernier, près de 400 délégués ont participé au congrès du Mouvement des Jeunes Communistes de France (MJCF), à Ivry-sur-Seine. Depuis le dernier congrès du MJCF, début 2004, la France a connu deux mouvements massifs de la jeunesse : celui des lycéens contre la loi Fillon, en 2005, puis bien sûr la lutte contre le CPE. L’intervention du MJCF dans ces mobilisations lui a permis de se renforcer. De nombreux jeunes ont rejoint le mouvement. Dans plusieurs fédérations, l’afflux de nouveaux adhérents a permis de relancer une activité jusqu’alors éteinte, faute de militants. L’intervention des jeunes communistes dans ces grandes luttes leur a également permis d’y puiser une précieuse expérience militante.
C’est donc un MJCF en plein développement qui a discuté de ses idées, de ses perspectives, de son programme et de ses méthodes organisationnelles. La discussion était souvent riche, enthousiaste et marquée par la ferme intention de contribuer à chasser la droite du pouvoir, en 2007.
Carences démocratiques
La période à venir, qui verra de nouvelles mobilisations de la jeunesse, ouvre de grandes perspectives de développement au MJCF. Cependant, la pleine réalisation du potentiel du mouvement risque de se heurter aux sérieuses carences de son fonctionnement et de sa démocratie interne. Ce congrès en fut malheureusement une claire illustration.
Dans une contribution signée par plusieurs JC, nous avions déjà formulé notre opposition à la façon dont les textes discutés en congrès ont été élaborés. A l’inverse de ce qui se passe dans le PCF, la procédure du congrès des JC ne prévoyait pas la possibilité de présenter des textes alternatifs à ceux rédigés par la direction sortante – laquelle justifie cette anomalie en prétendant réaliser la « synthèse » des différentes opinions exprimées dans les fédérations. Or on ne peut pas « synthétiser » tout et n’importe quoi. De fait, les textes présentés au congrès ne reflétaient pas les idées de tous les JC – et certainement pas les idées marxistes d’un nombre croissant d’entre eux. La « synthèse » a été arbitrairement concoctée au sommet dans l’éprouvette du réformisme.
Mais ce n’est pas tout. La méthode retenue pour amender les 6 textes en discussion était anti-démocratique. Les « commissions des amendements » – largement composées de dirigeants nationaux – jouissaient de pouvoirs tout à fait stupéfiants. D’une part, ces commissions avaient intégré d’office, dans le texte soumis aux congressistes, des amendements qui avaient été adoptés par telle ou telle fédération, de sorte qu’on discutait, en congrès national, sur d’autres textes que ceux amendés en congrès fédéraux ! Dans le même temps, les amendements des congrès fédéraux qui n’étaient pas intégrés d’office connaissaient bien souvent un sort moins glorieux : l’élimination pure et simple, sans discussion. Enfin, pour les amendements qui avaient la chance d’être soumis à la discussion du congrès, les toutes-puissantes commissions se permettaient de défendre longuement leur point de vue, au lieu de donner d’une phrase l’avis de la direction nationale, de sorte que la discussion se transformait en un long et fastidieux dialogue entre la commission et les congressistes.
Cette caricature de démocratie a révolté une grande partie des délégués, dont bon nombre ont bien compris que le minutieux travail de sape des « commissions » avait pour objectif d’éliminer, dans la mesure du possible, tous les amendements en contradiction avec la « ligne ». Les amendements les plus à gauche, ou ceux qui essayaient d’introduire des idées marxistes dans les textes, n’ont presque jamais été soumis à la discussion. L’ironie de l’histoire, c’est que face aux protestations des JC, les dirigeants se justifiaient en expliquant que l’objectif était de « créer du commun » ! « Créer du commun » en muselant les oppositions : voilà une assez bonne définition du rôle joué par la direction nationale, au cours de ce congrès.
Le rôle de la théorie
Il est impossible de rendre compte, ici, des discussions politiques qui ont eu lieu. Le congrès a duré deux jours et demie, et de très nombreux sujets – la précarité, les perspectives politiques, les discriminations, la situation internationale, etc. – ont été abordés. Mais toutes les discussions ont été marquées, à des degrés divers, par une opposition entre les partisans du réformisme et ceux du marxisme. La présence de délégués soutenant les idées de La Riposte a contribué à cette cristallisation, de même que les excellentes interventions des camarades de la Gironde – entre autres. De leur côté, les dirigeants nationaux du MJCF ont fait ce qu’ils ont pu pour discréditer les idées du marxisme. Ce faisant, ils étaient un peu embarrassés par leur complète ignorance de ces idées. Aussi eurent-ils recours à des formules oratoires parfaitement creuses. Un tel a ironisé sur « les petites fleurs bleues du socialisme ». Un autre a raillé « les cours de marxisme » de certains camarades. Un troisième a pouffé en évoquant la « révolution prolétarienne mondiale » (la bonne blague !). Anne-laure Perez, secrétaire à l’organisation, s’est élevée contre l’idée de « réciter Marx » aux jeunes des quartiers populaires. Et ainsi de suite.
Les dirigeants du MJCF méprisent la théorie, et les jeunes communistes ont tout intérêt à ne pas suivre leur exemple. La théorie marxiste n’est pas un dogme : c’est une méthode scientifique d’analyse de la société. Sans cette méthode, et sans les mots d’ordre, le programme et la stratégie révolutionnaires qu’elle permet d’élaborer, il est impossible de renverser le capitalisme et d’instaurer une société socialiste. C’est ce qu’atteste toute l’histoire du mouvement communiste. On ne renversera pas le capitalisme avec des notions soporifiques comme le « vivre ensemble » ou « l’égalité dans la différence », qui sont très à la mode dans les cercles dirigeants du MJCF.
Personne n’a jamais parlé de « réciter Marx » à la jeunesse populaire. L’idée même de « récitation » est étrangère au marxisme. Par contre, nous avons le devoir d’élever le niveau de conscience politique de cette jeunesse, de l’aider à comprendre les mécanismes de l’oppression dont elle est victime, et de l’entraîner dans une lutte consciente et déterminée contre le capitalisme. Il ne sert à rien d’aller la trouver pour lui dire qu’elle est exploitée et discriminée : elle le sait mieux que quiconque. Notre rôle, c’est de lui expliquer les causes fondamentales de cette exploitation et le programme qui permettra d’y mettre un terme. Et pour ce faire, on n’a rien trouvé de mieux que les idées du marxisme, n’en déplaise aux théoriciens du « vivre ensemble ».
Des méthodes inacceptables
A la fin du congrès, l’hostilité des dirigeants du MJCF à l’égard des idées de La Riposte a pris une tournure particulièrement scandaleuse. Alors que 6 ou 7 militants de La Riposte diffusaient un tract sur la situation économique et sociale de la France, une quinzaine de « gros bras » du MJCF leur sont violemment tombés dessus, leur arrachant les tracts des mains et projetant à terre deux de nos camarades. Puis l’un de ces valeureux gaillards a volé le téléphone portable d’une camarade – lequel portable est, depuis, porté disparu.
Ces imbéciles ne peuvent pas avoir agi sans l’accord de certains dirigeants du MJCF. Or, rien ne peut justifier une telle violence entre militants communistes. De tels actes sont absolument contraire aux meilleures traditions du mouvement ouvrier. Le MJCF est traversé par toutes sortes de courants d’idées distincts : comment pourrait-il en être autrement ? Cependant, les désaccords politiques doivent se régler par la discussion démocratique, et non par la violence physique, l’intimidation ou les menaces.
Dans le feu de l’action, l’un de nos agresseurs nous a lâché : « ce que vous avez fait à Toulouse est scandaleux ! ». Il faisait référence au dernier congrès du MJCF de la Haute-Garonne, qui a vu les jeunes marxistes prendre la direction de la fédération. Lors de nos conversations avec les congressistes, nous avons pu constater que les JC des quatre coins du pays avaient été « travaillés » par la direction nationale, à ce sujet. L’idée véhiculée était que les nouveaux dirigeants de la fédération toulousaine avaient réalisé un « coup d’Etat ». Rien n’est plus faux. La nouvelle direction du MJCF de la Haute-Garonne a été élue avec 70 % des voix. Par contre, lors du congrès national, aucun des jeunes marxistes du MJCF de Haute-Garonne n’a été proposé, par la direction du MJCF, pour faire partie du nouveau Conseil National. Et pour éviter que cette fédération importante n’ait aucun élu au Conseil National, ils y ont intégré une militante qui n’avait pas été proposée par le congrès fédéral de la Haute-Garonne, et qui d’ailleurs était montée au congrès national sur un mandat du Tarn-et-Garonne ! Et après cela, on ose parler de « coup d’Etat » !
De plus en plus de jeunes communistes sympathisent avec les idées marxistes de La Riposte. Ceux que cela dérange devront s’y habituer. Mais nous avons un conseil à leur donner : plutôt que de tenter de marginaliser les marxistes par des moyens purement organisationnels, ils feraient mieux de tenter de répondre aux idées que nous défendons. Lorsqu’ils sont discutés, les désaccords permettent d’alimenter le débat et, ainsi, d’élever le niveau politique des militants. C’est la seule façon correcte d’aborder la question !