Cet article a été écrit début mars 2014.


Le Front de Gauche et le NPA appellent à manifester à Paris, le 12 avril prochain, contre les récentes mobilisations de la droite et de l’extrême droite, mais aussi contre la politique d’austérité du gouvernement « socialiste ». D’autres organisations – partis, syndicats et associations – vont se joindre à la mobilisation.La Riposte appelle à y participer massivement.

Depuis l’élection de François Hollande, le Front de Gauche a organisé trois grandes manifestations : contre le Traité européen le 30 septembre 2012, pour la « VIe République » le 5 mars 2013 et pour une « révolution fiscale » le 1er décembre dernier. Elles furent l’occasion de rappeler ce que la campagne électorale de 2012 avait clairement démontré : le Front de Gauche dispose d’une large base militante qui dépasse les rangs des organisations qui le constituent. De nombreux militants de la CGT ont participé à ces manifestations, mais aussi des jeunes et des travailleurs qui ne sont pas organisés.

Le succès de ces mobilisations ne nous dispense pas d’en établir un bilan critique. Ainsi, celle du 1er décembre 2013 fut moins grande que les deux précédentes. Que Valls ait publié des chiffres ridiculement bas est dans l’ordre des choses. Il fallait le dénoncer. Mais nier le reflux, même dans le but de soutenir le moral des troupes, est contre-productif. Les militants du Front de Gauche ont besoin, non d’agréables illusions, mais d’une analyse sérieuse et d’une stratégie claire.

Division et opportunisme

L’intensification des conflits internes au Front de Gauche, depuis près d’un an, est un élément important de l’équation. On ne peut se contenter de reprocher aux grands médias de « ne parler que de cela ». Bien sûr qu’ils ne parlent que de cela : ce sont nos adversaires politiques. Mais ils n’ont pas inventé le fait que dans un grand nombre de villes, le PCF et le Parti de Gauche ne sont pas sur la même liste au premier tour des élections municipales. Ils n’ont pas inventé, non plus, la longue et futile guerre au sujet du logo du « Front de Gauche ». Futile, car lorsque le PCF et le PG sont sur deux listes distinctes, il n’y a plus réellement de Front de Gauche, sur le plan électoral.

Quelles conclusions les travailleurs qui sympathisent – ou sympathisaient – avec le Front de Gauche peuvent-ils tirer de cette situation ? Nombre d’entre eux se disent : « Au lieu de s’unir pour lutter contre la politique du gouvernement, ils luttent les uns contre les autres, pour des postes. » Ce jugement est parfaitement fondé. La division du PCF et du PG aux élections municipales ne repose sur aucune divergence programmatique ou de principe. Des deux côtés, le conflit repose sur des logiques d’appareil. Par ailleurs, cette division se double d’une tactique opportuniste. En effet, pendant que le PCF fait de nombreuses alliances au premier tour avec le PS, principal parti gouvernemental, le PG se félicite de ses alliances au premier tour avec les Verts, deuxième parti gouvernemental. Et dans le même temps, les dirigeants du Front de Gauche se présentent comme une « opposition de gauche » au gouvernement ! Ce n’est pas crédible.

La manifestation du 12 avril permettra d’afficher l’unité du Front de Gauche dans la rue. C’est une bonne chose. Mais si, dès le lendemain, les logiques d’appareil reprennent le dessus, par exemple au sujet des investitures pour les élections européennes, cela n’aura servi à rien. Par ailleurs, il est urgent que les partis du Front de Gauche rompent clairement avec le PS et les Verts.

Le programme

La plus grande faiblesse du Front de Gauche, c’est son programme réformiste. Plus la crise du capitalisme s’intensifie et frappe la masse de la population, plus le chômage et le désespoir augmentent, moins les mots d’ordre tels que « révolution fiscale » ou « VIe République » sont à la hauteur de la situation. Ils ne répondent pas concrètement aux problèmes brûlants de millions de travailleurs – et en particulier à la flambée du chômage, à la multiplication des plans sociaux, à la baisse du pouvoir d’achat et à la casse des services publics.

L’« opposition de gauche » au gouvernement doit s’incarner dans un programme offensif qui s’attaque à la racine de la crise, c’est-à-dire à la domination et au saccage de l’économie par une poignée de grands capitalistes. Les revendications « immédiates » – sur les salaires, les conditions de travail, la fiscalité, etc. – doivent être liées à l’objectif clairement affiché de « prendre le pouvoir » à la classe capitaliste et de reconstruire la société sur des bases socialistes. Face à la complète capitulation des dirigeants du PS (et des Verts) à l’économie de marché, un tel programme susciterait énormément d’enthousiasme chez les millions de victimes du capitalisme en crise. Le Front de Gauche y puiserait de nouvelles forces pour les luttes sociales et politiques à venir.

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