La santé des « étrangers » résidant en France sert régulièrement d’argument de campagne aux politiciens de droite et d’extrême droite. Ainsi, Le Pen et Fillon défendent la suppression de l’Aide Médicale d’Etat (AME), cette prestation censée prendre en charge les frais médicaux des étrangers en situation irrégulière. Elle constituerait une « attraction » pour les étrangers « profiteurs » et serait une mesure « au-dessus de nos moyens ». Et que proposent-ils à la place ? Rien. Or, si les sans-papiers ne sont pas soignés, c’est un problème de santé pour l’ensemble de la population. Mais la démagogie ne s’embarrasse pas de ce genre de réflexions.
Ceci dit, l’AME est un système très précaire et insuffisant. Les sans-papiers n’ont pas de carte Vitale. L’AME donne droit à la gratuité des soins sur attestation administrative pour les étrangers en situation irrégulière qui : 1) gagnent moins de 720 euros par mois et 2) parviennent à prouver qu’ils résident en France depuis plus de trois mois. Cela concerne au total aux alentours de 300 000 personnes qui (sur)vivent en France et, pour beaucoup, travaillent. Mais compte tenu des critères retenus pour ouvrir droit à l’AME et de la situation d’exclusion inhérente à la condition de sans-papiers, il y en a au moins autant qui se retrouvent sans aucune espèce de couverture maladie.
Même ceux qui bénéficient de l’AME sont en danger sanitaire. Selon un rapport sur l’AME rédigé par les Inspections Générales des Finances et des Affaires Sociales, « l’absence de reconnaissance de la qualité d’assuré social aux bénéficiaires de l’AME rend inapplicable la maîtrise médicalisée et le suivi mis en œuvre pour les assurés sociaux ».
Cette réalité est d’autant plus scandaleuse que la situation des sans-papiers conduit à un sur-risque de maladies somatiques et psychiques. Tous devraient bénéficier de la Sécurité Sociale et de la gratuité des soins, comme ce devrait aussi être le cas pour l’ensemble de la population. En 1993, la loi Pasqua imposait un recul majeur dans ce domaine en introduisant une condition de régularité de séjour pour bénéficier de la Sécurité Sociale. Cette loi raciste doit être abrogée !
A l’inverse, les politiciens réactionnaires considèrent que l’AME, c’est déjà trop. Avec eux, c’est toujours la même rengaine démagogique : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! ». Ces discours sont insupportables à l’heure de l’opulence révoltante des milliardaires du CAC 40. Les dépenses liées à l’AME ne représentaient en 2015 que 0,45 % de l’ensemble des dépenses de soins en France : 678 millions d’euros sur un total de 159 milliards, selon le ministère de la Santé. A titre de comparaison, la fortune personnelle de Liliane Bettancourt (L’Oréal) s’élève à 32 milliards d’euros.
Oui, il faut en finir avec l’AME, mais pas pour jeter les sans-papiers dans une précarité encore plus grande. Cette prestation inefficace doit être remplacée par une prise en charge médicale, psychologique et sociale par la Sécurité Sociale. Celle-ci doit garantir une santé gratuite – pour toute la population – financée par les cotisations sociales. Il faut une intégration précoce de tous dans le parcours de soin avec une médecine préventive digne de ce nom. Enfin, tous les sans-papiers doivent être régularisés : c’est la condition première de leur accès aux services publics, dans lesquels il faut massivement investir.