Plus d'une semaine après la vague de perquisitions visant à discréditer Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise (FI), cette offensive politique sans précédent se poursuit à travers les grands médias : presse, télés, radios. Au travail de la Justice « indépendante » succède le travail de journalistes « indépendants ».
Que reprochent-ils à Mélenchon et la FI ? Tout et n'importe quoi, désormais. Ils ont sonné l'hallali. Dans leur jubilation, ils jettent tout ce qu'ils ont sous la main. Par exemple, si Mélenchon se défend et réplique, cela devient une preuve de plus qu'il est coupable. De quoi ? Mais d'avoir répliqué, déjà ! Et puis, s'il se défend, n'est-ce pas la preuve infaillible qu'il « cache » quelque chose ? Et ainsi de suite. La caste des journalistes réactionnaires – car oui, c'est bien une caste au service de la bourgeoisie – donne libre cours à sa détestation de la FI, qui ne date pas de la semaine dernière. Plus précisément, ces gens détestent et craignent les millions de personnes qui soutiennent la FI, mais aussi les millions d'autres qui pourraient la soutenir dans la période à venir. Tel est le fond de l'affaire.
Dans un contexte d'impopularité croissante du gouvernement, nous assistons à une offensive politique majeure contre la FI, première force d'opposition de gauche. Pour convaincre de ce fait ceux qui en doutent sincèrement, Mélenchon et ses camarades font tout ce qu'ils peuvent à travers des articles, des vidéos et des interventions médiatiques. Mais ils sont bien seuls – beaucoup trop seuls. Face à cette agression brutale, qui est aussi une atteinte flagrante à la démocratie la plus élémentaire, l'ensemble des organisations du mouvement ouvrier devraient se mobiliser vigoureusement – et ce, quoiqu'elles pensent des idées et du programme de la FI.
La question, ici, n'est pas de savoir si l'on est d'accord avec l'ensemble du programme de Mélenchon – ou, a fortiori, si l'on apprécie son « tempérament » ! Ce n'est pas du tout la question. Il s'agit, pour le mouvement ouvrier, de défendre une organisation de gauche contre une agression flagrante orchestrée par le gouvernement, qui pour cela s'appuie sur des magistrats et des journalistes réactionnaires. Autrement dit, c'est à la fois une question démocratique élémentaire et une question de classe. Cette agression vise la FI, mais elle vise aussi à affaiblir les capacités de résistance de l'ensemble du mouvement ouvrier contre les mauvais coups qui se préparent. Et donc, c'est tout le mouvement ouvrier qui doit répliquer avec force.
Malheureusement, à ce jour, les réactions de la plupart des dirigeants des organisations syndicales et des partis de gauche sont indignes, voire scandaleuses. Les sommets des syndicats, CGT comprise, ne lèvent pas le petit doigt pour défendre la FI, comme si le problème ne les concernait pas. Les directions du PS et des Verts défendent... la « justice indépendante » – contre Mélenchon. Enfin, la situation n'est pas tellement meilleure du côté du PCF et de Génération.s (le mouvement dirigé par Benoît Hamon).
Mehdi Ouraoui, porte-parole de Génération·s, a déclaré : « L’émotion suscitée par la perquisition spectaculaire au siège d’un parti d’opposition et au domicile de plusieurs de ses dirigeants peut s’entendre, même si personne n’est au-dessus de la justice [1]. En revanche, rien ne justifie la violence des attaques que subissent les journalistes. » Même son de cloche du côté d'Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF : « Nous avons pu partager la colère et l’indignation de Jean-Luc Mélenchon à la suite de la perquisition de mardi matin, dire qu’il y avait deux poids, deux mesures. On peut également ne pas être d’accord avec un traitement journalistique, critiquer la mainmise des puissances financières sur les grands médias, mais il n’est pas possible dans une vie démocratique d’appeler à pourrir des journalistes. » [2]
N'est-ce pas lamentable ? La colère de Mélenchon « peut s'entendre » ; on « peut » même la « partager » ; mais Grand Dieu, que Mélenchon ne s'attaque pas aux journalistes qui le calomnient à longueur de journée ! On en vient à se demander si Mélenchon a le droit de poursuivre en justice les médias qui le diffament – ou si ce serait une trop « violente » atteinte à la « vie démocratique » dont Dartigolles et Ouraoui se font les ardents défenseurs.
Par ailleurs, pour leur information, lorsque Mélenchon appelle ses partisans à « pourrir » les journalistes qui le calomnient sans cesse, il ne veut pas dire, par là, qu'il faut les crucifier en plein soleil jusqu'à ce qu'ils pourrissent. Non : Mélenchon appelle à les « pourrir » au sens de démasquer – sur les réseaux sociaux – leurs mensonges et leur mauvaise foi. Car enfin, au cas où cela aussi aurait échappé à Ouraoui et Dartigolles, les nombreux arguments qu'avancent Mélenchon et ses camarades, à propos des deux prétendues « affaires », ne sont pas sérieusement examinés par les journalistes « indépendants » qui, sans cesse, accablent la FI de toutes les tares politiques et morales. Dès lors, Mélenchon appelle ses partisans à leur répondre sur les réseaux sociaux. Est-ce si difficile à comprendre ?
Mais il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Or Dartigolles et Ouraoui ne veulent pas entendre, font semblant de ne pas comprendre, car ils espèrent profiter, électoralement, de l'offensive actuelle contre la FI. Ils mettent les intérêts de leurs petites barques bureaucratiques au-dessus des intérêts de l'ensemble du mouvement ouvrier. Au passage, ils envoient leurs aimables salutations à la caste des journalistes réactionnaires – et, à travers elle, à toute la société officielle. Car voyez-vous, Ouraoui et Dartigolles sont des gens « raisonnables », tempérés, qui se proposent de changer la société en profondeur – mais sans jamais hausser le ton, ni marcher sur les chaussures d'un magistrat ou d'un journaliste.
Dans les syndicats et les partis de gauche, les militants honnêtes et qui réfléchissent doivent fermement protester contre la passivité – voire la complaisance – de leurs dirigeants. Ce qui se passe depuis plus d'une semaine est sérieux, est grave – et n'est pas terminé. Or n'oublions pas que la faiblesse invite à l'agression. Si le gouvernement et ses sbires médiatiques constatent que l'offensive contre la FI ne déclenche pas de réaction particulière, dans le reste du mouvement ouvrier, ils y verront un encouragement à aller plus loin. Et la FI, bien sûr, ne sera pas la seule concernée.
[1] Personne n'est au-dessus de la justice ? Au lieu de dire de telles âneries, le camarade Ouraoui devrait méditer la formule du philosophe grec Anacharsis : « Les lois sont comme une toile d'araignée : les petits s'y font prendre et les grands la déchirent. »
[2] On trouve les deux citations dans cet article de L'Humanité : Justice. Difficile « contre-offensive » pour les insoumis