La réforme des retraites que prépare le gouvernement est l’une des plus graves offensives menées contre les travailleurs depuis des décennies. Le rapport Delevoye, qui dessine les grands axes de la réforme, ne laisse aucun doute sur ses conséquences : l’âge de départ à la retraite serait repoussé et le niveau des pensions nettement réduit.
La retraite par points
Si cette réforme passe, les 42 régimes de retraite existants fusionneront en un seul, sous couvert « d’égalité ». Un euro cotisé ouvrira les mêmes droits, que l’on soit ouvrier ou cadre supérieur. C’est le régime « par points », vieux rêve de la classe dirigeante. Les travailleurs seront « égaux » face à… la baisse généralisée des pensions et l’allongement du temps de travail.
D’abord, le calcul du montant des pensions ne se fera plus sur les 25 dernières années pour les salariés du privé, ou sur les six derniers mois pour ceux du public, mais sur l’ensemble de la carrière. Ainsi, les périodes de chômage, de formation ou de réorientation pèseront négativement sur le montant des retraites. Et, bien sûr, les femmes seront particulièrement pénalisées : les périodes de grossesse et de congé maternité entreraient en compte dans le calcul des pensions, réduisant mécaniquement leur montant. Les femmes touchant déjà un salaire plus faible que les hommes, en moyenne, elles subiraient donc une double peine. Ou plutôt : cette double pleine s’aggraverait, puisqu’elle existe déjà.
En 2016, dans un de ses rares moments d’honnêteté, François Fillon avait publiquement reconnu l’arnaque d’une telle réforme : « le système par points, en réalité, ça permet une chose, qu’aucun homme politique n’avoue. Ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions ». En effet, la valeur du point sera modulée suivant plusieurs facteurs. D’abord, l’espérance de vie : plus celle-ci sera élevée, plus le point baissera. Le gouvernement poussera-t-il le cynisme jusqu’à annoncer que les coupes budgétaires dans la santé publique et les EHPAD seront bénéfiques pour le montant de nos retraites ? On se le demande…
Ensuite, la valeur du point sera indexée sur les perspectives de croissance économique. Le capitalisme mondial traversant une crise organique, donc durable, les pensions baisseront inexorablement. Et même dans les phases de reprise économique, les gouvernements évoqueront sans doute les « sombres perspectives » pour ne pas réévaluer le point. « Pile je gagne ; face tu perds ! »
Le coup de grâce, c’est la mise en place d’un « âge pivot », que le rapport Delevoye propose de fixer à 64 ans. Avant et après cet âge, un système de décote/surcote sera appliqué. Ainsi, s’il prend sa retraite à 62 ans, un travailleur gagnera 10 % de moins par mois. Sur 1000 euros à taux plein, il perdra 100 euros par mois, soit 1200 euros par an. Si l’on se base sur l’espérance de vie actuelle, ce travailleur perdra 24 000 euros sur l’ensemble de sa retraite.
Notre programme
La jeunesse et le mouvement ouvrier doivent passer à l’offensive. Or des « journées d’actions » syndicales ne feront pas reculer le gouvernement. Il faut un puissant mouvement de grèves reconductibles dans plusieurs secteurs clés de l’économie. Les grèves du 5 décembre peuvent et doivent être le point de départ d’un tel mouvement.
Sur la question des retraites, on ne doit pas seulement s’opposer à la réforme du gouvernement. On ne doit pas se contenter du statu quo. Le mouvement ouvrier doit mobiliser sur la base d’un programme offensif : 1) L’abrogation de toutes les contre-réformes qui ont miné les retraites depuis 1993. 2) Le droit à une retraite à taux plein au plus tard à 60 ans, avec un maximum de 37,5 annuités de cotisations requises, selon des critères de pénibilité. Aucune pension ne doit être inférieure au SMIC, quel que soit le nombre d’années de cotisations. 3) La fin des exonérations des cotisations patronales et leur relèvement au niveau des besoins de financement des assurances vieillesse, famille et maladie. 4) L’intégration dans le secteur public des maisons de retraite privées et l’embauche massive de personnels dans ce secteur. 5) La nationalisation de toutes les banques privées pour financer des programmes sociaux, la construction d’hôpitaux, de maisons de retraite, de logements – avec les embauches correspondantes. 6) L’expropriation de tous les capitalistes qui, d’une façon ou d’une autre, feraient obstacle à ces mesures.
Le capitalisme a démontré qu’il ne pouvait plus maintenir nos acquis sociaux les plus fondamentaux. Il est incapable d’offrir une vie digne à l’ensemble de la population. Il condamne des millions de personnes âgées à la misère et à la solitude, après les avoir exploitées toute leur vie. Le socialisme mettra un terme à ce scandale. Il donnera aux personnes âgées de quoi vivre dignement. Mais il leur donnera aussi la possibilité de participer à la vie économique et sociale, c’est-à-dire d’enrichir la société de leur expérience et de leurs compétences.