A la fin de l’été, la France insoumise (FI) et la NUPES ont lancé une pétition en ligne demandant « que soit votée dans les plus brefs délais une loi de taxation des super-profits des multinationales ». Début octobre, près de 150 000 personnes l’avaient signée.
Les marxistes sont évidemment favorables à la taxation des profits en général – et des profits colossaux des multinationales en particulier. Ces dernières payent très peu d’impôts et, par-dessus le marché, bénéficient de toutes sortes de subventions publiques, directes ou indirectes. Loin d’alimenter le budget de l’Etat (leur Etat), elles le pillent.
Ceci dit, le mot d’ordre « taxer les super-profits » et, surtout, la façon dont il est popularisé par la FI, ne sont pas satisfaisants. Expliquons pourquoi.
Confusion et modération
La pétition est accompagnée d’un court « appel ». Il commence par souligner que l’impact de l’inflation galopante « est considérable pour des millions de jeunes, de salariés, de chômeurs ou de retraités qui ne parviennent tout simplement plus à vivre, à se nourrir ou à se déplacer. Il y a urgence ! » C’est exact, et l’on s’attendrait à ce que l’appel propose des mesures concrètes pour lutter contre l’impact de l’inflation. Mais non : l’appel se poursuit en évoquant les profits faramineux des multinationales, puis en demandant que ces profits soient taxés. L’appel n’explique pas comment la taxation des super-profits pourrait limiter l’impact de l’inflation. Et pour cause : il n’y a aucun lien direct entre les deux phénomènes. La taxation des superprofits n’est pas, en elle-même, une mesure susceptible de faire baisser l’inflation ou d’en limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des masses.
L’actuelle crise inflationniste est la conséquence de nombreux facteurs, tous liés à la crise du capitalisme : la « reprise » chaotique après la pandémie, la perturbation des chaînes de production et d’approvisionnement, les énormes quantités de liquidités dont les Banques centrales ont arrosé les marchés depuis 2008, et plus récemment la guerre en Ukraine. Dans cette équation complexe, le taux d’imposition des profits n’entre pas directement en ligne de compte. Et dès lors, une plus forte taxation des profits, à elle seule, ne constitue pas une solution concrète au problème de l’inflation.
Au passage, relevons que même sur la question de la taxation des riches, cet appel marque un recul par rapport à des mesures programmatiques défendues par la FI avant la constitution de la NUPES. Par exemple, il n’y a pas si longtemps, Mélenchon affirmait : « au-dessus de 300 000 euros par an, on prend tout ». C’était plus radical qu’un vague appel à taxer les super-profits.
L’appel cite – comme des exemples à suivre – des lois adoptées en Italie et en Grande-Bretagne par Matteo Renzi et Boris Johnson. Mais à notre connaissance, les travailleurs britanniques et italiens continuent de subir la crise inflationniste ! De son côté, Elisabeth Borne a déclaré qu’elle n’était pas hostile au principe d’une taxe sur les super-profits. Du point de vue de la bourgeoisie, une telle mesure permettrait de donner l’illusion que « les riches, eux aussi, se serrent la ceinture ». Or c’est précisément à quoi se réduit, au fond, la pétition de la FI-NUPES : l’inflation n’est mentionnée que pour justifier la taxation des super-profits, comme si l’essentiel était d’exiger que le fardeau de la crise soit « supporté par tout le monde », riches et pauvres. Tout ceci est directement lié aux limites politiques de la NUPES, car le PS et les Verts sont des chantres de « l’effort partagé » entre... smicards et multi-millionnaires.
Comment lutter contre la vie chère ?
Pour défendre le pouvoir d’achat des travailleurs, deux mesures s’imposent : 1) une augmentation significative et générale des salaires ; 2) l’indexation des salaires sur l’inflation, de façon à ce que toute nouvelle hausse des prix soit automatiquement et immédiatement suivie d’une hausse correspondante de salaires. Cette mesure ne figure pas dans le programme de la NUPES, ni d’ailleurs dans celui de la FI, mais elle a été publiquement défendue par François Ruffin, cet été. La FI devrait en faire l’un des points centraux de sa campagne contre la vie chère – et donc l’un des principaux mots d’ordre de la grande marche du 16 octobre.
Par ailleurs, même si le gouvernement taxait davantage les multinationales telles que Total (citée par l’appel), elles continueraient à engranger de juteux profits et à verser d’énormes dividendes à leurs actionnaires – le tout sur le dos des travailleurs, qui sont souvent obligés de se rendre au travail en voiture, par exemple. La FI devrait donc proposer de lutter pour l’expropriation de Total et de tous les grands groupes du secteur énergétique, de façon à les placer sous le contrôle de leurs salariés et de représentants des consommateurs. Cette même mesure devrait s’appliquer à la grande distribution ou au secteur pharmaceutique, qui se sont enrichis durant la pandémie et s’enrichissent encore grâce à l’inflation.