Avant sa première élection, en mai 2017, le candidat Macron annonçait vouloir réformer l’assurance chômage, de façon à l’ouvrir aux travailleurs indépendants (artisans, libéraux, paysans, etc.), mais aussi aux salariés démissionnaires.
Votée deux ans plus tard, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » est, en réalité, une attaque en règle contre les travailleurs privés d’emploi.
Depuis le 1er novembre 2019, les demandeurs d’emploi doivent justifier d’au moins six mois d’activité pour bénéficier d’une indemnité, contre quatre mois précédemment. Selon l’Unédic, dans l’année qui a suivi cette mesure, 200 000 personnes ont perdu la possibilité de toucher l’allocation chômage.
En avril 2020, le calcul de l’indemnité journalière a été modifié pour ne prendre en compte que les salaires des 24 derniers mois. La mesure a particulièrement impacté les intérimaires, qui alternent périodes d’emploi et de chômage. Le montant des allocations chômage a baissé de 16 %, en moyenne. En septembre 2021, la moitié des allocataires touchaient moins de 1100 euros par mois (le seuil de pauvreté). Dans le même temps, l’inflation frappait leur pouvoir d’achat.
Propagande et réalité
En juillet 2021, la dégressivité des droits au chômage pour « les plus hauts revenus » (supérieurs à 4700 euros) entrait en vigueur. Puis, en novembre 2022, l’Assemblée nationale votait une loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Cette loi autorise le gouvernement à moduler la durée d’indemnisation des chômeurs « en fonction de l’état du marché du travail ». Dans la foulée, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, annonçait sa volonté de réduire cette durée de 25 %.
Jusqu’alors, un jour travaillé donnait droit à un jour indemnisé. A partir du 1er février 2023, les chômeurs nouvellement inscrits seront indemnisés au maximum 18 mois, au lieu de 24 actuellement, même s’ils ont cotisé plus de deux ans. Dans l’hypothèse d’un taux de chômage inférieur à 6 %, la durée d’indemnisation serait même réduite de 40 %.
Comment ces mesures permettraient d’atteindre le « plein emploi » que prétend viser l’intitulé de cette loi ? C’est simple : puisqu’un certain nombre d’entreprises ont du mal à embaucher, il faut diriger les chômeurs vers ces emplois vacants. Comment les y diriger ? En leur coupant les vivres. C’est la bonne vieille croisade contre le prétendu « assistanat ».
Un seul chiffre, publié par la Dares [1], suffit à réfuter cette propagande : sur le marché du travail, aujourd’hui, il n’y a qu’un emploi disponible pour 13 chômeurs. Autrement dit, même si tous les emplois disponibles étaient pourvus en 24 heures, sous les coups de fouet du gouvernement, 93 % des chômeurs (12 sur 13) resteraient sur le carreau.
En réalité, le « plein emploi » n’est pas le véritable objectif du gouvernement. Ce n’est qu’un prétexte pour : 1) forcer une petite minorité des chômeurs à accepter des emplois à la fois pénibles et mal payés ; 2) réaliser des milliards d’euros d’économie en aggravant la misère de tous les autres chômeurs. Le gouvernement ne s’en cache pas, d’ailleurs, et peut se réjouir : grâce à la réforme de 2019, le régime de l’assurance chômage était excédentaire de 4,4 milliards d’euros, en 2022.
Quelles offres d’emplois ?
Autre fait majeur que le gouvernement passe sous silence : parmi les offres de Pôle emploi, on trouve beaucoup de CDD courts et de missions d’intérim. Ces offres ne permettent pas d’insérer durablement les demandeurs d’emploi sur le marché du travail. Nombre d’entre eux sont condamnés à jongler entre des périodes de travail et de chômage. En conséquence, ces travailleurs à la carrière hachée ne cotisent pas suffisamment pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Enfin, le gouvernement omet de préciser que les secteurs « en tension » – où l’offre d’emploi est supérieure au nombre de candidats – sont ceux où le travail est à la fois très pénible et très mal payé : industrie, BTP, hôtellerie-restauration.
Le RSA dans le viseur
En amont de sa réélection, en mai 2022, Macron annonçait vouloir fusionner la plupart des services publics de l’emploi – Pôle emploi, les missions locales, l’AFPA, Cap emploi, etc. – dans une seule structure intitulée « France Travail ». L’une de ses missions consisterait à obliger les allocataires du RSA à effectuer 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires, sous la forme d’un suivi rapproché et de périodes d’immersions professionnelles, sur le modèle du Contrat d’Engagement Jeune (CEJ). Le moindre manquement serait sanctionné par la perte des droits au RSA.
La conjoncture économique ne permettra pas de trouver un emploi à tous les bénéficiaires du RSA. Mais ce n’est pas l’objectif du gouvernement. Son objectif est double : d’une part, offrir aux capitalistes une main d’œuvre d’appoint gratuite ; d’autre part, faire des économies, là aussi, en supprimant le RSA (575 euros) aux récalcitrants. 19 départements ont été choisis pour mettre ce dispositif à l’essai, dès cette année.
[1] Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques