« On veut ceux qui bossent, pas ceux qui rapinent » : cette formule de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, résume à elle seule le projet de « loi immigration » initialement porté par le gouvernement. Dans le contexte d’une très forte mobilisation contre la réforme des retraites, Macron a été contraint d’annoncer que cette loi serait finalement « scindée », « réagencée » et repoussée de plusieurs semaines.
Le mois dernier, la majorité sénatoriale des Républicains (LR) avait protesté contre un texte qu’elle jugeait trop « timoré ». En révisant sa copie, l’exécutif espère gagner les voix de la droite et éviter un nouveau passage en force à l’Assemblée nationale. Les Républicains comptent évidemment en profiter pour durcir la réforme et pousser encore plus loin la surenchère raciste. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le contenu exact de la réforme est incertain. Cependant, le texte d’origine montre clairement les objectifs du gouvernement.
Main d’œuvre d’appoint
En matière d’immigration, la bourgeoisie française joue sur plusieurs tableaux en même temps. D’un côté, elle stigmatise les travailleurs sans papiers dans le but de diviser notre classe et de faire diversion ; de l’autre, elle les exploite brutalement. Le mouvement ouvrier doit dénoncer haut et fort l’hypocrisie et le double jeu permanent de la classe dirigeante. Le projet de loi de Darmanin en est le parfait exemple, puisqu’il vise à la fois à multiplier les expulsions du territoire et à procéder à la régularisation de certains sans papiers.
Pour faciliter les « Obligations de Quitter le Territoire Français » (OQTF), le gouvernement veut conditionner l’obtention de la nationalité ou d’un titre de séjour à un certain niveau en langue française et à la réussite d’un examen « civique ». Cette mesure s’accompagnerait de la mise en place de sanctions administratives – voire économiques – contre les pays d’origine qui se montrent insuffisamment coopératifs.
Quant aux régularisations de travailleurs sans papiers, elles concerneraient ceux qui sont employés dans les métiers dits « en tension ». L’objectif est évidemment de pallier la pénurie de main-d’œuvre qui touche plusieurs secteurs de l’économie, dont l’industrie, le bâtiment et la restauration. En conséquence, les travailleurs immigrés seraient – encore plus qu’à l’heure actuelle – très fortement incités à se diriger vers les métiers les plus pénibles et les moins bien payés. Ceux qui ne le feraient pas s’exposeraient à tomber sous le coup de la loi, c’est-à-dire à être expulsés du territoire manu militari.
Surenchère de la droite
Pour les Républicains et le Rassemblement National, le gouvernement ne va pas assez loin. Lors d’un premier examen du texte au Sénat, les Républicains ont déposé des amendements contre l’Aide Médicale d’Etat (AME) dont bénéficient les étrangers, mais aussi pour durcir le regroupement familial ou encore pour instaurer des quotas annuels d’étrangers autorisés à s’installer sur le territoire.
En retirant momentanément ce texte, Macron cherche à éviter de devoir recourir, une fois de plus, au 49.3. Ce faisant, le chef de l’Etat répond favorablement à la demande du président du Sénat, Gérard Larcher (LR). Désormais, sur la question de l’immigration, le gouvernement va devoir faire de nouvelles concessions à la droite dans l’espoir de rallier suffisamment de suffrages des députés LR. Gérald Darmanin a d’ailleurs fait un pas vers eux en précisant que l’essentiel était d’avoir un texte « ferme sur l’immigration irrégulière ». Le gouvernement envisagerait désormais un projet de loi plus court, concentré sur les mesures faisant le plus « consensus » – c’est-à-dire les plus ouvertement droitières.
Solidarité de classe !
Le mouvement ouvrier ne peut pas rester les bras croisés pendant que la classe politique se prépare à une violente attaque contre les travailleurs sans papiers. En aucun cas nous ne devons accepter des mesures qui sélectionnent les migrants selon tels ou tels critères, quels qu’ils soient. Ce n’est pas une question morale ; c’est une question de classe : nous ne pouvons pas accepter que les capitalistes décident quels travailleurs restent ou ne restent pas en France.
La classe dirigeante veut semer la division en faisant le tri entre les « bons » et les « mauvais » migrants. Toute division au sein de notre classe doit être vivement combattue par l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, car c’est dans l’unité que les travailleurs puisent leur force.
Lénine expliquait qu’en dernière analyse, « la question nationale est une question de pain ». C’est le cœur du problème : la propagande nationaliste prospère sur le chômage et la misère croissante. La droite et l’extrême droite cherchent à tromper les travailleurs en désignant les étrangers comme les responsables de la situation. Pour contrer efficacement cette propagande, le mouvement ouvrier doit lier la lutte pour les droits des travailleurs étrangers à un programme capable de résoudre la question « sociale » pour l’ensemble des travailleurs. Dans le contexte actuel, celui d’une profonde crise économique, cela signifie une lutte pour l’expropriation des capitalistes et la transformation socialiste de la société.