Début avril, le Secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, affirmait que la NUPES était dépassée et qu’il fallait désormais « rassembler bien au-delà », jusqu’à Bernard Cazeneuve, l’ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement de Manuel Valls, qui avait brutalement réprimé le mouvement contre la loi travail (entre autres).
Pour atténuer l’effet déroutant de cette proposition, Fabien Roussel s’empressait d’ajouter : « Je le dis à Bernard Cazeneuve (…) : notre programme ne saura pas s’accommoder du capitalisme. Il portera avant tout une transformation sociale radicale. » Tant qu’à faire, pourquoi ne pas proposer à Macron lui-même de rejoindre la « gauche élargie », à condition que le chef de l’Etat ne « s’accommode pas » du capitalisme ?
Cette déclaration ridicule de Roussel cache (mal) les manœuvres du PCF pour nouer des alliances avec l’aile droite du PS, notamment lors des élections sénatoriales de l’automne 2023. Comme toujours, la direction du PCF veut garder les mains libres pour s’allier avec qui bon lui semble – et, ainsi, tenter de ralentir la fonte de son sacro-saint « réseau d’élus ».
« Ceux qui ont failli »
Cette nouvelle provocation du chef du PCF a suscité des cris d’orfraie de plusieurs dirigeants de la NUPES. Par exemple, le député Eric Coquerel (FI) a déclaré : « peut-on élargir [la NUPES] à tous ceux qui ont failli ? Quel est le projet ? Revenir aux années Hollande ? » Mais voyons, camarade Coquerel : est-ce que la NUPES ne consistait pas, d’emblée, en une alliance avec « ceux qui ont failli » ? Le PS et EELV se sont partagé les responsabilités gouvernementales sous la présidence de François Hollande. Mieux encore : deux candidats de la NUPES aux législatives de juin dernier avaient été élus, en 2017, sous une étiquette macroniste. Grâce à la NUPES, ils ont pu se refaire une vertu « de gauche » à peu de frais.
A l’époque de la constitution de la NUPES, nous y étions opposés précisément parce qu’elle marquait un virage à droite de la France insoumise. La NUPES marquait notamment une série de reculs programmatiques. Par exemple, le PS et les Verts se sont explicitement opposés – dans le programme officiel de l’alliance ! – à la plupart des nationalisations que proposait la FI. Quant au PS d’Olivier Faure, il a tenu à y souligner qu’il rejetait la notion de « violences policières ».
Du fait de la crise du macronisme et du mode de scrutin des élections législatives, l’alliance de la FI, du PCF, du PS et des Verts, dès le premier tour, leur a garanti un nombre important de sièges à l’Assemblée nationale. Nombre de ceux « qui ont failli » ont été élus ou réélus. Par contre, cette alliance a échoué à mobiliser davantage d’électeurs qu’en 2017. Entre le premier tour des présidentielles de 2017 et le premier tour des législatives de la même année, les partis constitutifs de la NUPES ont perdu 3,6 millions de voix. Cinq ans plus tard, ils en ont perdu 4,6 millions, soit un million de plus. Ce recul découlait de la modération incarnée par la NUPES, à contre-courant de la radicalisation croissante de la jeunesse et du salariat.
Compromis
Plusieurs dirigeants de la NUPES, dont Sandrine Rousseau et Olivier Faure, ont réclamé un « Acte II de la NUPES ». Ces politiciens représentent l’aile droite du réformisme. Ils veulent réduire l’influence de la FI au sein de la NUPES et poursuivre sa dérive droitière sur le plan programmatique, notamment dans l’optique des prochaines élections européennes de 2024.
Manuel Bompard (FI) leur a répondu qu’il était disposé à laisser les Verts diriger la liste de la NUPES aux élections européennes. Un tel compromis signifierait, à coup sûr, une campagne encore plus modérée que celle de la FI pour les européennes de 2019. Certes, il est probable qu’une liste commune de la NUPES, en 2024, recueillerait davantage de voix que la FI en 2019 (6,3 %). Mais c’est probablement l’extrême droite, une fois de plus, qui bénéficierait d’une campagne modérée de la gauche.
Cette succession de compromis tient à la logique même de la NUPES. Pour la conclure, il a fallu faire des compromis, y compris sur le programme, avec des rescapés des « années Hollande ». Pour maintenir l’alliance, ces derniers exigent de nouveaux compromis – vers la droite.
Electoralisme
Par ailleurs, toutes ces déclarations sur les prochaines échéances électorales sont à contretemps. La mobilisation massive contre la réforme des retraites a posé et pose encore la possibilité de renverser l’actuel gouvernement. Au lieu de nous parler des élections européennes de 2024, les dirigeants de la FI devraient proposer une stratégie et un programme offensifs pour en finir au plus vite avec le gouvernement Macron.
On nous rétorquera peut-être qu’une telle démarche, de la part de la FI, aggraverait les tensions internes à la NUPES. C’est certain. Mais cela signifie que la NUPES n’est compatible qu’avec la modération programmatique et l’attentisme électoraliste. Et dans ce cas, tant pis pour la NUPES !