A l’appel de Macron et de son gouvernement, la grande majorité des députés macronistes ont joint leurs voix à celles des députés LR et RN pour faire adopter une « loi immigration » que Marine Le Pen peut à bon droit qualifier de « grande victoire idéologique » de son parti. A la tribune de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est efforcé de prouver le contraire en affirmant notamment que cette loi permettrait « 10 000 régularisations par an ». Ce disant, le ministre s’adressait à la dirigeante du RN – qui, en réponse, pouffait de rire.
De fait, cette loi marque une très sévère régression sociale et démocratique. En l’état, sa mise en œuvre aggraverait brutalement la misère et la précarité de centaines de milliers d’immigrés qui vivent et travaillent en France, souvent depuis de longues années.
Nous aborderons dans un autre article le détail des mesures qui ont été adoptées, hier. De manière générale, l’une des infamies centrales de cette loi consiste à priver d’aides sociales les immigrés sans-emploi – tout en compliquant leur accès à l’emploi et en précarisant davantage ceux qui travaillent. Prises dans leur ensemble, les différentes mesures de cette loi se cumulent et se combinent pour soumettre les immigrés à une discrimination massive et systématique en matière d’emploi, de droits civiques et sociaux, d’accès au logement, à la santé, à l’éducation et aux services publics en général.
Macron a fait savoir qu’il allait lui-même saisir le Conseil constitutionnel pour obtenir la censure de certaines mesures contenues dans… sa propre loi. En d’autres termes, le chef de l’Etat demande aux « Sages » d’effacer quelques traces de son crime.
Il est fort possible, d’ailleurs, que le Conseil constitutionnel censure effectivement plusieurs mesures – non parce qu’il défend de « grands principes républicains », mais notamment parce que la mise en œuvre de cette loi, en l’état, pourrait compliquer l’exploitation éhontée de la main d’œuvre immigrée. Le patronat est évidemment favorable à la discrimination des immigrés, mais seulement jusqu’à un certain point, au-delà duquel cette discrimination risque de devenir contre-productive du point de vue même des employeurs. Pour être convenablement exploités par les capitalistes, les immigrés doivent pouvoir se loger, se soigner et disposer, pour eux-mêmes et leur famille, d’un minimum de droits.
Cette considération est d’autant plus importante, du point de vue de la bourgeoisie, que les immigrés exercent souvent des métiers à la fois très difficiles, en termes de conditions de travail, et indispensables à la bonne marche de toute l’économie. Pour s’en faire une idée, il suffit de prendre le métro parisien à l’ouverture de ses portes, c’est-à-dire à 5h30 du matin : on y croise beaucoup plus de travailleurs immigrés que de députés du Rassemblement National.
A la tribune de l’Assemblée nationale, hier, les députés de la NUPES – ou de l’ex-NUPES, on ne sait plus très bien – ont appelé au « sursaut » leurs « chers collègues » macronistes, au nom de « l’humanisme » et d’autres abstractions de ce genre. Sophie Binet, de la CGT, a fait de même. Mais le « sursaut » n’a pas eu lieu : la très grande majorité des députés macronistes ont voté la loi. Il faut croire que, dans leurs consciences, « l’humanisme » pèse beaucoup moins lourd que leurs carrières de politiciens bourgeois.
De manière générale, on ne pourra pas combattre ce gouvernement en essayant de faire vibrer la corde « humaniste » de députés qui passent leur temps à voter des attaques brutales contre l’ensemble de la classe ouvrière (immigrée ou pas). On ne pourra pas davantage mobiliser les travailleurs contre cette « loi immigration », et obtenir son abrogation, en déclamant de nobles abstractions sur les thèmes de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Contre la politique raciste et discriminatoire de la classe dirigeante, de son gouvernement, de la droite et de l’extrême droite, les organisations du mouvement ouvrier doivent défendre une politique de classe, qui unifie dans l’action, dans la lutte, tous les travailleurs – quelles que soient leur origine et leur nationalité – sur la base d’un programme de rupture avec le système capitaliste, c’est-à-dire avec le système qui exploite, appauvrit et précarise tous les travailleurs. Seule une lutte de masse sur un programme radical, qui s’attaque directement au pouvoir et aux privilèges de la classe dirigeante, est susceptible de balayer l’influence paralysante de la propagande raciste dans une fraction de la classe ouvrière. Aucune autre méthode ne permettra d’enrayer la progression électorale du Rassemblement National et de l’extrême droite en général.