L’année 2024 sera marquée par de nouvelles et graves attaques contre les travailleurs privés d’emploi – et notamment les bénéficiaires du RSA.
Adoptée en novembre dernier, la loi « Plein Emploi » entre en vigueur dès le mois de janvier 2024. Elle officialise la création de France Travail, une structure qui reprend les prérogatives de Pôle Emploi, mais qui sera aussi chargée de « suivre » les bénéficiaires du RSA – c’est-à-dire, concrètement, de conditionner le versement de leur allocation à la réalisation d’au moins 15 heures d’« activité » par semaine.
La main sur le cœur, le gouvernement jure qu’il n’est pas question de faire travailler gratuitement les allocataires du RSA. Il s’agirait seulement d’heures de « formation » et d’« accompagnement ». Mais qui peut le croire ? Le 24 novembre dernier, dans un communiqué de presse intersyndical, la CGT, la FSU et Solidaires alertaient : « le législateur n’a pas pris la peine de préciser ce qu’est une "activité", et il est clair que l’objectif à peine dissimulé est de fournir de la main d’œuvre quasi-gratuite aux entreprises. » Après tout, chaque année, le secteur privé exploite déjà des centaines de milliers de stagiaires plus ou moins gratuits : pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Flicage et chaos
Jusqu’alors, la législation prévoyait des sanctions pour les allocataires du RSA qui « manquaient » à leur obligation de recherche d’emploi, mais leur inscription à Pôle Emploi restait optionnelle. Désormais, toute personne bénéficiant de cette allocation sera automatiquement inscrite à France Travail. Et d’ici 2025, les allocataires devront signer un contrat d’engagement qui les obligera à réaliser 15 heures d’« activité » par semaine. Il est évident que ceci ouvrira la porte à des suspensions du RSA, au risque de plonger les foyers concernés dans le désespoir.
Dans le même temps, cette mesure imposera aux professionnels de l’insertion professionnelle – déjà en sous-effectif – une énorme charge de travail supplémentaire. Le chaos administratif sera d’autant plus garanti que le gouvernement annonce un doublement du nombre de « contrôles de recherche d’emploi » – de 500 000 à un million de contrôles par an.
Régression
En novembre dernier, les organisations patronales et syndicales négociaient une nouvelle convention Unedic sur l’assurance chômage. Résultat : le document signé par le patronat, la CFDT et FO comportait des centaines de millions d’euros de baisse de cotisations patronales, « en échange » de très maigres « avancées » pour quelques catégories de chômeurs (saisonniers notamment). Il prévoyait aussi 440 millions d’euros d’économie sur quatre ans et plusieurs coups de rabot immédiats, dont un nouveau calcul de l’allocation provoquant la perte de 5 à 6 jours d’indemnisation par an. Par ailleurs, une baisse des droits pour les « entrepreneurs » impactera surtout les travailleurs « ubérisés ». La CGT a refusé de signer cette régression sociale.
Mais ce n’était pas assez pour le gouvernement, qui a différé l’application de l’accord pour se donner le temps de corriger la copie. En cause : l’absence, dans l’accord, de mesures alignant la politique d’indemnisation des chômeurs sur le recul de l’âge de départ à la retraite, adopté au printemps dernier. A ce jour, les travailleurs privés d’emploi qui ont 53 ans ou plus bénéficient d’une durée d’indemnisation au chômage plus longue : 22,5 mois jusqu’à 55 ans et 27 mois au-delà, contre 18 mois pour les moins de 53 ans. Or, explique le ministre du Travail Olivier Dussopt, « nous souhaitons que cette majoration soit décalée de deux ans pour être cohérents avec ce que nous avons fait sur l’âge de départ à la retraite et parce que nous savons qu’un des enjeux pour le plein emploi en France, c’est l’emploi des seniors. »
Comprenez : s’il y a tant de seniors au chômage, ce n’est pas parce que les patrons préfèrent embaucher une main d’œuvre plus jeune, et donc moins chère… Non : c’est parce que les seniors préfèrent la belle vie des chômeurs de longue durée ! Au passage, on voit comment une contre-réforme – sur les retraites – sert de prétexte à une autre contre-réforme, au nom de la « cohérence ».
Le MEDEF était favorable à cette mesure, bien sûr, mais les dirigeants de FO et de la CFDT ont préféré que le gouvernement en assume la paternité : ils avaient déjà avalé leur ration mensuelle de couleuvres.
« Plein emploi » ?
Depuis 2019, le gouvernement affirme que s’il s’attaque systématiquement aux chômeurs, c’est pour atteindre le « plein emploi » (fixé à 5 % de chômeurs). Or le taux de chômage officiel – sans parler du taux réel – est reparti à la hausse en 2023 : de 7,1 à 7,6 % selon l’Insee (hors Mayotte). Et cette hausse devrait se poursuivre en 2024.
Les attaques contre les chômeurs n’ont jamais pour véritable objectif de parvenir au « plein emploi ». Il s’agit là d’un prétexte pour faire des économies budgétaires, d’une part, et d’autre part obliger un certain nombre de chômeurs à accepter des emplois extrêmement précaires, pénibles et mal payés.