L’Education nationale est l’objet d’attaques constantes. La question de l’uniforme scolaire, chère à Macron, vise à cacher la dégradation des conditions d’enseignement et d’étude. Il s’agit de masquer des inégalités qui ne cessent de se creuser, sur fond de contre-réformes.
Précarité et manque de moyens
Avant chaque rentrée, l’Education nationale recrute en 10 minutes, montre en main, des contractuels souvent en reconversion professionnelle et sans qualification adaptée. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il ne cesse de s’amplifier. Entre 2015 et 2020, sur l’ensemble du personnel éducatif, la part des contractuels est passée de 14,5 % à 22 %. Recrutés en CDD d’un an, ces « non-titulaires » sont très appréciés en hauts lieux, car ils sont archi-précaires et coutent moins cher que les enseignants titulaires.
Parallèlement, le gouvernement Macron poursuit ses contre-réformes. Au lycée professionnel, il applique la formule : « moins d’heures d’enseignement, plus d’heures en entreprise ». Autrement dit : moins de formation et plus d’exploitation. Sur les trois années de formation, 200 heures de cours en présentiel sont supprimées.
Le collège est aussi dans le viseur de l’exécutif : un projet de réforme veut constituer des groupes de niveau, en français et en mathématiques, pour séparer les « bons » élèves des « mauvais ». Sans moyens supplémentaires alloués, cela ne peut qu’aggraver les inégalités entre élèves issus de différents milieux sociaux. Rien n’est prévu pour régler le problème des classes surchargées, des enseignants non remplacés, du manque criant de matériel informatique et pédagogique, etc.
La carotte du « pacte enseignant »
En 30 ans, le salaire minimum des enseignants est passé de 2 à 1,2 Smic. Face à cette paupérisation du personnel de l’Education nationale, le gouvernement propose un « pacte enseignant » dont le principe n’est pas très original : « travailler plus pour gagner plus ». Les enseignants effectuant des « missions supplémentaires » – sur la base du « volontariat » – recevront une rémunération qui s’ajoutera à leur salaire de base. L’augmentation du nombre d’heures devant les élèves, d’un volume annuel de 72 heures, serait donc une condition pour augmenter les salaires.
Les « missions » incluent les remplacements de courte durée, mais aussi des responsabilités liées à l’orientation et à l’accompagnement des élèves. Dans le premier degré, la possibilité d’enseigner aussi au collège est envisagée. Chacun pourrait exercer quasiment n’importe quelle fonction : le professeur d’italien pourrait remplacer celui de mathématiques ou d’allemand, etc., et peu importe si les élèves perdent des heures d’enseignement qualifié. De plus, un enseignant en arrêt maladie pourrait être contraint de récupérer ses heures « manquées ».
Pour l’instant, le « pacte » est massivement refusé par les enseignants, car ils sont déjà soumis à une charge de travail conséquente : plus de 43 heures par semaine, en moyenne, et plus de 30 jours pendant les vacances scolaires. Les enseignants ne veulent pas travailler plus ; ils veulent travailler mieux.
L’exemple de la Seine-Saint-Denis
Dans les quartiers populaires, la situation est encore plus difficile qu’ailleurs. Prenons l’exemple de la Seine-Saint-Denis, où se combinent un manque de personnel et une explosion des effectifs par classe. En septembre, il manquait au moins un enseignant dans 6 établissements sur 10. Dans 8 établissements sur 10, il manquait du personnel éducatif (CPE, surveillant, enseignant, infirmière...). En novembre, le problème n’était pas réglé et les effectifs par classe atteignaient jusqu’à 32 élèves dans certaines filières de lycée professionnel. Dans ce département, la pénurie de personnel de remplacement entraîne la perte d’une année de cours sur l’ensemble de la scolarité des élèves.
Par ailleurs, la vétusté des infrastructures est scandaleuse. L’hiver, dans le lycée Paul Eluard (Saint-Denis), il peut faire 8 degrés dans certaines salles de cours. Le matériel informatique est souvent défaillant. Les chaises sont si vétustes qu’elles tombent sous le poids des élèves. De son côté, le lycée privé Stanislas, à Paris, a reçu en 2023 une subvention régionale de 487 000 euros. Il est vrai que la ministre de l’Education nationale y a inscrit ses enfants.
L’Education nationale a de grandes traditions de lutte. La grève du 13 janvier 2022 a montré le potentiel : 62 % de grévistes dans le secondaire, 75 % dans le primaire. Cependant, des grèves de 24 heures – même massives – ne feront pas reculer le gouvernement. Une victoire ne sera possible que sur la base d’un mouvement de grève interprofessionnel et reconductible.
La lutte pour une éducation publique et de qualité concerne l’ensemble du mouvement ouvrier. Les besoins sont clairs : il faut l’embauche massive de personnel, la fin des statuts précaires, une augmentation générale des salaires et leur indexation sur l’inflation. Pour consacrer du temps aux élèves en difficulté, il ne faut pas plus de 20 élèves par classe. Nous n’avons besoin ni de « groupes de niveau », ni de sélection, ni d’exclusion. Nous avons besoin de moyens, de personnels et de salaires décents !