Il devient de plus en plus difficile pour les travailleurs d’accéder à un logement décent. D’après un rapport de la fondation Abbé Pierre, plus de 4 millions de personnes sont aujourd’hui mal logées en France, plus d’un million d’entre elles vivent dans des habitations de fortune, sont hébergées de manière temporaire ou doivent se contenter d’une chambre d’hôtel, tandis que 18 % de la population française habite dans un logement insalubre. Le rapport souligne aussi que la situation s’est dramatiquement aggravée durant la dernière décennie. Depuis 2012, le nombre de personnes sans domicile a doublé et le nombre d’expulsions a augmenté de près d’un tiers.
Prix exorbitants et construction en berne
Cette crise s’explique d’abord par la hausse des prix du marché de l’immobilier, qu’il s’agisse des prix à la vente – qui ont augmenté de 30 % en moyenne entre 2013 et 2023 – ou des loyers. Ceux-ci représentent une part de plus en plus importante du budget mensuel des ménages : de 12 % dans les années 1980, on est passé aujourd’hui à 28 % en moyenne – et jusqu’à 50 % pour les foyers les plus modestes !
À ces prix élevés s’ajoute depuis peu une crise de la construction, qui aggrave la pénurie de logements. La politique adoptée par la Banque centrale européenne (BCE) pour limiter l’inflation a fait flamber les taux des crédits immobiliers, qui sont beaucoup moins abordables qu’il y a quelques années. Alors qu’ils étaient proches de 1 % en 2021, ils se situent aujourd’hui autour des 4 %. Sans surprise, cette hausse a fait chuter, presque de moitié, le nombre de prêts entre 2022 et 2023 tandis que le volume des ventes immobilières baissait de 22 % – du jamais vu depuis 50 ans !
Cela s’est répercuté sur la construction. L’objectif des entreprises de l’immobilier et du BTP n’est pas de fournir un logement à tous. Comme pour toute entreprise sous le capitalisme, leur but est de réaliser le maximum de profit pour leurs patrons et leurs actionnaires. Si les capitalistes ne gagnent plus assez d’argent en bâtissant des logements, ils cessent de construire et licencient massivement. L’année dernière, la construction neuve a donc chuté de 26 % tandis que 910 agences immobilières mettaient la clé sous la porte. Des plans de licenciements massifs ont été annoncés par de nombreuses entreprises du secteur, comme Nexity ou Vinci. Au total, c’est plus de 300 000 travailleurs qui vont être licenciés.
Une politique du mal-logement
La politique des gouvernements capitalistes successifs ne fait qu’aggraver la crise. Dans son discours de politique générale du 30 janvier, Gabriel Attal a par exemple annoncé une réforme de la loi SRU, qui obligeait les communes à disposer d’au moins 25 % de logements sociaux sur leur parc immobilier. Dorénavant, ce quota pourra intégrer les logements dits « intermédiaires », dont les loyers sont plus élevés et moins encadrés. Les promoteurs immobiliers et leurs amis dans les conseils municipaux se frottent les mains : cette réforme va les aider à « gentrifier » des quartiers entiers !
Parallèlement, les politiques de « renouvellement urbain » multiplient les démolitions de logements sociaux, sans que la construction ne suive. A Saint-Denis, 477 appartements de la cité des Francs-Moisins sont en train d’être détruits – malgré l’opposition de nombreux habitants – sans que des solutions de relogement soient disponibles en nombre suffisant dans la commune. Les travailleurs pauvres sont ainsi repoussés de plus en plus loin en banlieue et doivent passer plus de temps dans les transports pour se rendre au travail, en moyenne 50 minutes par jour.
Le logement étudiant est un bon résumé de la crise générale du logement : les résidences universitaires du CROUS ne sont pas assez nombreuses pour répondre aux besoins ; cela contraint la plupart des étudiants à se tourner vers les résidences privées, bien plus chères. Cerise sur le gâteau, le gouvernement a récemment décidé d’expulser 2 000 étudiants franciliens de leur résidence du CROUS pour y loger une partie du personnel des Jeux Olympiques !
Notre programme
Pour faire face à l’urgence, il faudrait commencer par imposer le gel des loyers et la réquisition immédiate des logements vacants qui servent à spéculer et enrichir une poignée de grands propriétaires fonciers. En 2020, il y avait 262 000 logements inoccupés rien qu’à Paris, alors que des dizaines de milliers de Franciliens peinent à se loger ! Mais de telles mesures ne suffiraient pas à régler définitivement la crise.
La crise du logement est une conséquence de la domination du marché sur le secteur immobilier. Pour y mettre fin, il faut nationaliser les banques et les grandes entreprises du BTP (Vinci, Bouygues, etc.) et les placer sous le contrôle démocratique des travailleurs. On pourrait alors mettre sur pied un plan massif de construction de logements décents, bien isolés, bien desservis, dont les loyers seraient contrôlés et accessibles à tous.