Dans un précédent article, nous avons analysé le contexte et les enjeux des élections européennes du 9 juin prochain. Ici, nous expliquerons pourquoi Révolution appelle à voter pour la liste de la France insoumise, malgré la modération et les erreurs droitières de ses dirigeants.
Tous les sondages anticipent une abstention massive, en particulier dans la jeunesse et les couches les plus exploitées du salariat. C’est lié, pour partie, au scrutin lui-même : les institutions de l’Union Européenne – dont le caractère réactionnaire est toujours plus flagrant – suscitent un rejet croissant dans la masse de la population.
Cependant, l’abstention reflétera aussi l’incapacité des partis « de gauche » à mobiliser l’électorat populaire.
Certes, les sondages prédisent un score inespéré au candidat du PS, Raphaël Glucksmann. Mais c’est parce qu’il mène une campagne ouvertement pro-capitaliste et pro-impérialiste, de sorte qu’il siphonne allègrement la base électorale du macronisme. Dès lors, l’idée d’un vote de gauche « utile » en faveur de Glucksmann est une mauvaise plaisanterie.
Les Verts avaient fait illusion aux élections européennes de 2019 (13,5 %), avant de retomber comme un soufflé aux présidentielles (4,6 %). Cette fois-ci, ils semblent devoir pâtir, eux aussi, de « l’effet Glucksmann ». Toujours est-il que le « capitalisme vert » est une contradiction dans les termes – et qu’elle constitue le cœur du programme des Verts. Lorsqu’ils sont au pouvoir, les dirigeants de ce parti résolvent toujours cette contradiction au profit de la classe dirigeante, c’est-à-dire au détriment de l’environnement.
En ce qui concerne la direction du PCF, on se demande parfois quels sont ses adversaires : la droite et l’extrême droite – ou les dirigeants de la France insoumise ? Par exemple, le 12 mai dernier, sur RTL, la tête de liste du PCF aux élections européennes, Léon Deffontaines, hurlait avec les loups médiatiques (de droite) sur le thème du soi-disant « antisémitisme » de Mélenchon. C’est lamentable, mais c’est ainsi : la direction du PCF cherche des voix dans les caniveaux du mensonge et de la calomnie. Il est probable qu’elle n’en trouvera pas beaucoup, car d’autres partis occupent déjà ce créneau.
Que dire des listes de Lutte Ouvrière et du NPA-révolutionnaires ? Lutte Ouvrière est une organisation pétrifiée dans un dogmatisme et un formalisme extrêmes. Elle est incapable de faire la différence entre Glucksmann et Mélenchon, entre l’aile droite et l’aile gauche du réformisme. De manière générale, elle voue aux gémonies les très nombreux travailleurs qui ont encore des illusions réformistes. En conséquence, elle n’a jamais joué et ne jouera jamais un rôle significatif dans les grandes luttes sociales. Quant au NPA-révolutionnaires, il a tous les défauts de Lutte Ouvrière, sous une forme un peu moins caricaturale.
Enfin, ces dernières années, la direction de la FI a multiplié les erreurs droitières, dont la plus flagrante fut la constitution de la NUPES en mai 2022. Le fiasco de la NUPES était prévisible, et nous l’avions prévu. Mais comme nous l’écrivions récemment, « la direction de la FI n’en tire aucune leçon. Pire : elle en redemande. Pour essayer de convaincre les électeurs de voter pour la liste dirigée par Manon Aubry, le 9 juin, Mélenchon nous annonce que si elle arrive en tête de la gauche, la FI sera en position de force pour “contraindre” les Verts, le PS et le PCF à s’unir avec elle “sur son programme”. Incroyable mais vrai : Mélenchon propose, au fond, une “NUPES 2.0”. Problème : cette perspective ne peut absolument pas mobiliser la couche la plus radicalisée de la population. »
La FI est une organisation réformiste : son programme se déploie dans les limites du système capitaliste. C’est sa carence fondamentale et la source de tous ses errements. [1] Cependant, la FI reste la seule grande organisation susceptible de cristalliser l’opposition de gauche à la politique réactionnaire du gouvernement Macron. Les dirigeants de la FI n’ont pas cessé de miner ce potentiel, mais ils ne l’ont pas encore totalement détruit. Le 9 juin, beaucoup de jeunes et de travailleurs conscients voteront pour la FI. La liste de Manon Aubry bénéficiera aussi du fait suivant : depuis le 7 octobre dernier, malgré les insultes et les calomnies, Mélenchon et ses camarades ont refusé de céder à la propagande bourgeoisie sur la guerre contre Gaza.
Le vote pour la FI est le seul qui ait une signification positive et concrète du point de vue des luttes politiques et sociales à venir. Mais encore une fois, les erreurs des dirigeants de la FI pèseront très lourd dans la balance, le 9 juin. La liste dirigée par Manon Aubry ne mobilisera probablement qu’une petite minorité des électeurs de Mélenchon en avril 2022. Ce qui sera intéressant, à cet égard, c’est la comparaison entre le résultat du 9 juin prochain et celui des européennes de 2019. La FI avait alors subi un net revers : 6,3 %, soit 1,4 million de voix, contre 7 millions (et 19,6 %) pour Mélenchon en avril 2017.
Sauf surprise, le RN sera le grand vainqueur de l’élection européenne. Marine Le Pen et ses sbires feront un pas de plus vers le pouvoir – et les macronistes un pas de plus vers le gouffre. Ceci dit, il n’est pas inévitable que la chute du macronisme – quelle qu’en soit l’échéance – débouche sur une victoire de la droite et de l’extrême droite. La gauche et le mouvement syndical, à commencer par la FI et la CGT, peuvent encore y faire obstacle. A une condition : qu’ils organisent une contre-offensive massive de la jeunesse et du mouvement ouvrier, sur la base d’un programme radical. Toute autre politique favorisera la dynamique actuelle de l’extrême droite.
[1] Lire à ce propos notre longue Critique marxiste du programme de la FI, publiée en janvier 2022.