Le mois dernier, le cyclone Chido a frappé Mayotte et y a semé la mort et la destruction. Au moment où nous écrivons ces lignes, le bilan humain officiel s’établit à 39 morts et plus de 5600 blessés. D’après les autorités, ce chiffre serait proche du bilan définitif alors que le préfet avait évoqué dans un premier temps « des milliers de morts ». Le Premier ministre François Bayrou a lui-même d’abord parlé de « dizaines » puis de « centaines » de victimes.
En réalité, le nombre de morts causés par cette catastrophe est encore difficile à estimer, mais il pourrait augmenter au fur et à mesure que les recherches se poursuivent. C’est d’autant plus le cas qu’aux victimes directes du cyclone vont s’ajouter toutes celles de ses dramatiques conséquences. L’impérialisme français traite Mayotte comme il en a l’habitude, comme une colonie. L’île est toujours privée d’infrastructures essentielles et est menacée par de possibles épidémies de choléra, de paludisme et de rougeole.
Un « plan d’urgence » qui prend son temps
Le 30 décembre, le Premier ministre a présenté le « Plan Mayotte Debout », qui prétend faire face aux conséquences de la catastrophe. Un « établissement public de reconstruction de Mayotte » va être mis en place, sur le modèle de ce qui a été fait pour Notre-Dame de Paris. Nous verrons donc si, aux yeux de la classe dirigeante, la vie des Mahorais vaut autant que la cathédrale. Au vu des premières mesures annoncées par le gouvernement, nous en doutons fortement.
Le plan de Bayrou prévoit le rétablissement de l’électricité fin janvier, sur un archipel où 10 % des foyers n’étaient de toute façon pas raccordés avant la catastrophe. Quant à l’eau, le plan prévoit de revenir début janvier au niveau de « production d’avant Chido ». Pour comprendre ce que cela signifie réellement, il faut rappeler que l’île est touchée depuis des années par une dramatique « crise de l’eau ». Quelques semaines avant le cyclone, les autorités locales annonçaient que l’eau courante serait désormais coupée pendant 30 heures tous les deux jours. Le Premier ministre a beau promettre de porter la production d’eau à 40 000 m3 « d’ici juin 2025 », cela ne représente que 3000 m3 supplémentaires. Quant aux réseaux de télécommunications, leur rétablissement n’est prévu, lui aussi, qu’en juin 2025 !
Si une aide financière est proposée aux propriétaires des logements en dur endommagés, rien de concret n’a été proposé aux habitants des bidonvilles, à part la vague promesse d’une « mise à l’abri ». En 2017, selon l’Insee, quatre logements de l’archipel sur 10 étaient pourtant faits de tôle et formaient de vastes bidonvilles. Leurs habitants sont aujourd’hui largement ignorés par les plans de reconstruction gouvernementaux.
Enfin, pour la réouverture des écoles, le plan consiste en… des appels à la charité ! La rentrée scolaire devrait se faire le 13 janvier grâce à des « tentes scolaires » données par une ONG ; pour le matériel, le gouvernement a fait appel à une collecte de dons dans les écoles de métropole ; et, pour pallier le manque d’enseignants, les retraités et les étudiants sont appelés à se porter volontaires.
A bas l’impérialisme français !
Si les mesures d’aide restent très floues ou insuffisantes, le gouvernement n’a en revanche pas perdu de temps pour lancer une nouvelle chasse aux migrants. La classe dirigeante française et les élites mahoraises accusent les migrants comoriens d’être la source de tous les maux et espèrent ainsi distraire l’attention de leur propre incurie.
Alors que l’île comptait encore ses morts, Bayrou affirmait que « quiconque prétendrait qu’il n’y a pas de problème d’immigration brûlant à Mayotte est irresponsable ». Il a aussi profité de la catastrophe pour remettre une nouvelle fois en cause le droit du sol dans l’archipel, tandis que le Président Macron annonçait qu’il fallait augmenter le nombre d’expulsions annuelles.
Même si l’Etat avait prétendu qu’il viendrait en aide à tous, sans faire de distinction entre les « clandestins » et le reste des Mahorais, de nombreux immigrés craignaient que les « abris » mis en place par la Préfecture ne deviennent des pièges. Ils avaient raison : le Premier ministre a annoncé l’expulsion de tous les sans-papiers qui s’y étaient réfugiés pour fuir le cyclone.
Le gouvernement prétend qu’il va « reconstruire » Mayotte « en deux ans », mais cela fait presque 200 ans que la classe dirigeante française « construit » Mayotte, avec les résultats que l’on connaît. La population est laissée à l’abandon, privée d’infrastructures et de services publics par l’impérialisme français, qui n’a rien d’autre à lui proposer que la répression et la xénophobie.
Les travailleurs mahorais et les clandestins ont un ennemi commun : la bourgeoisie et l’impérialisme français, qui sont les seuls responsables de la pauvreté et de l’ampleur de la catastrophe actuelle à Mayotte. Une chose est sûre : le peuple mahorais ne pourra pas compter sur les pyromanes pour éteindre l’incendie.