Le 3 janvier dernier, François Bayrou déclarait : « les Français ne veulent pas que l’on poursuive cette période d’instabilité », c’est-à-dire que son gouvernement chute rapidement.
Le même jour, plusieurs sondages réfutaient cette affirmation. 49 % des sondés souhaitent le vote d’une motion de censure, dont 58 % des électeurs du RN. 32 % des sondés « font confiance » à Bayrou : c’est 13 points de moins que Barnier lors de son arrivée à Matignon en septembre dernier (45 %) et quatre points de moins que lors de son départ, début décembre (36 %). Quant à Macron, il végète à 22 % d’opinion favorable. 61 % des sondés souhaitent sa démission.
Ces chiffres évolueront dans le sens d’une plus grande « instabilité » au fur et à mesure que le gouvernement précisera la politique d’austérité qu’il veut imposer. Sous la pression des marchés financiers, qui exigent des coupes budgétaires drastiques, Bayrou sera contraint de scier la branche sur laquelle il s’est assis avec empressement. Darmanin, Retailleau et Valls – entre autres – auront beau multiplier les attaques contre les immigrés, cela ne changera rien au destin de ce gouvernement, car le racisme d’Etat n’a jamais rempli un frigo, payé une facture ou empêché un licenciement.
Si elle ne veut pas s’aliéner la fraction la plus pauvre – et la plus large – de sa base électorale, Marine Le Pen ne pourra pas indéfiniment soutenir le gouvernement Bayrou. Quant aux dirigeants du PS, ils ne demandent pas mieux que de le soutenir, mais dans les conditions actuelles ce serait un suicide politique en bonne et due forme. Au passage, cela renforcerait la France insoumise. Même la bourgeoisie, au fond, n’y a pas intérêt.
Il n’est pas exclu que, pour complaire à l’électorat le plus modéré, les dirigeants du PS et du RN accordent un sursis au gouvernement Bayrou. Mais pour le reste, on peut analyser la dynamique politique générale sous tous les angles et envisager tous les scenarios possibles, la conclusion est toujours la même : c’est sur l’Elysée que la pression va s’accumuler implacablement. Une fraction croissante de la bourgeoisie, qui a besoin d’un gouvernement solide, fera fermement comprendre à Macron qu’il doit démissionner.
En publiant quatre articles au vitriol contre le chef de l’Etat, fin décembre, Le Monde a donné le ton. Jupiter peut bien lancer des éclairs et taper du poing sur la table, cela n’y changera rien. N’importe quel référendum se retournerait contre lui, et toute autre forme de « consultation » – à l’exception de nouvelles élections – serait une farce contre-productive.
Sortir du Palais Bourbon
En minant l’autorité de l’Etat bourgeois, la crise de régime crée une situation favorable à l’intervention massive des travailleurs pour la défense de leurs intérêts. Cependant, l’attitude des dirigeants officiels du mouvement ouvrier pèse ici lourdement. Sur cette question, nous écrivions le 24 décembre dernier :
« La campagne des dirigeants de la FI pour la démission de Macron trouve un écho favorable chez des millions d’exploités et d’opprimés qui détestent le chef de l’Etat. Il va sans dire que nous sommes favorables à la chute de Jupiter. Mais en limitant la lutte au terrain parlementaire et électoral, les dirigeants de la FI passent à côté des tâches centrales du mouvement ouvrier dans la période actuelle : la construction d’une puissante mobilisation extra-parlementaire, dans les rues et les entreprises, pour en finir avec les plans sociaux, la vie chère, le chômage, la précarité, la destruction des services publics et tous les autres fléaux dont le capitalisme en crise accable les masses.
« Il est vrai que les dirigeants de la CGT – sans parler des autres directions syndicales, qui ont récemment signé avec le patronat un appel à la “stabilité” gouvernementale – ne veulent pas organiser une telle mobilisation sociale. C’est l’un des éléments centraux de la situation actuelle : sous la pression directe de la bourgeoisie, les dirigeants du mouvement syndical ne veulent pas ajouter une “crise sociale” (dans les rues) à la crise de régime. Mais dès lors ils font le jeu du RN, car ce parti profitera d’une colère sociale qui ne trouve pas d’expression massive sur le terrain de la lutte des classes. C’est sur ce terrain, et lui seul, que la crise actuelle peut tourner à l’avantage de la jeunesse et des travailleurs. »
Comme sous le gouvernement Barnier, les dirigeants de la FI se préparent à combattre le gouvernement Bayrou à coups d’amendements et de motions de censure. Nous ne disons pas que c’est inutile. A l’Assemblée nationale, la moindre des choses est de contribuer à la chute du gouvernement. Mais ne perdons pas de vue que les principaux bénéfices politiques de cette chute, dans l’opinion des masses exploitées, seront partagés entre la FI et le RN. Or, en l’absence de puissantes luttes extra-parlementaires, le RN en profitera au moins autant que la FI, et sans doute davantage.
L’offensive contre le gouvernement Bayrou, à l’Assemblée nationale, ne peut miner l’ascension du RN qu’à la condition d’être liée à une campagne systématique de la FI, de la CGT et de l’ensemble des organisations de gauche pour mobiliser notre classe sur la base d’un programme de rupture avec la régression sociale et toutes les politiques d’austérité.
Passer à l’offensive
Pour s’opposer efficacement à la politique austéritaire dont la bourgeoisie française a besoin et qu’exigent les marchés financiers, il faut passer à l’offensive, c’est-à-dire s’en prendre au pouvoir et aux privilèges de la classe dirigeante. Dans la lutte des classes, l’attaque est souvent la meilleure des défenses.
Prenons l’exemple de la vague de fermetures et des plans sociaux qui a commencé à balayer le pays, notamment dans l’automobile, les industries chimiques, la sidérurgie et la grande distribution. Des centaines de milliers d’emplois directs et indirects sont menacés. Sur quel programme doit-on mobiliser les travailleurs contre cette catastrophe économique et sociale ? Voici ce qu’en dit notre programme, le programme du Parti Communiste Révolutionnaire :
« Pour lutter contre les fermetures d’entreprises (industrielles ou non), les dirigeants réformistes proposent en général de convaincre les patrons de poursuivre l’activité en les arrosant massivement d’argent public. Pour y mettre les formes, ils parlent de “conditionner” les subventions au “maintien de l’emploi”, voire au “développement de l’activité” ; mais en réalité ils s’arrêtent religieusement devant le secret commercial et les droits sacrés des actionnaires. Puis lorsque les patrons, ayant mangé les subventions, ferment tout de même l’entreprise, les réformistes partent à la recherche d’un “repreneur”, c’est-à-dire d’un nouvel exploiteur qui, bien sûr, impose ses conditions : baisse des effectifs et/ou des salaires, recul des conditions de travail, et ainsi de suite. En l’absence d’un repreneur, les réformistes ne voient plus d’autre issue que les négociations pour obtenir des reclassements et des primes de licenciement supérieures au minimum légal. Tel fut, en gros, le parcours de nombreuses entreprises fermées par de grands groupes qui se gavaient de profits et s’en gavent encore. (…)
« La meilleure réponse aux fermetures des entreprises, c’est leur occupation immédiate. “Usine fermée, usine occupée !” : c’est un premier pas indispensable dans la lutte contre les fermetures. Les occupations d’usines mènent nécessairement au contrôle ouvrier, grâce auquel les travailleurs acquièrent une expérience de l’administration de l’entreprise, ce qui leur permettra plus tard de diriger toute la société. En attendant, les travailleurs de l’usine occupée doivent en réclamer la nationalisation sous leur contrôle – et appeler toute la classe ouvrière à les soutenir et suivre leur exemple.
« Le contrôle ouvrier n’est pas une fin en soi. Il pose la question de la propriété. Il pose la question : qui est le maître des lieux ? Soit le contrôle ouvrier mène à l’expropriation, soit il n’est qu’un épisode éphémère. De manière générale, la seule solution définitive au problème du chômage, c’est une économie socialiste planifiée reposant sur la nationalisation des banques et des principales industries, sans indemnisation des grands actionnaires. »
Sommaire
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Brèves
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