Des semaines durant, les chefs de l’aile droite du NFP (PS, Verts et PCF) ont négocié avec le gouvernement les conditions d’une « non-censure ». Les dirigeants du PS, en particulier, affichaient fièrement leur pragmatisme et leur optimisme. Mais lors du discours de politique générale de François Bayrou, hier, ils n’ont strictement rien obtenu de concret : ni l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, ni sa « suspension », ni aucune des mesures sociales que Faure, Tondelier et Roussel réclamaient.

Le gouvernement Bayrou n’a qu’une mission : satisfaire la grande bourgeoisie française et les marchés financiers, qui exigent des coupes drastiques dans les dépenses sociales. Les dirigeants de l’aile droite du NFP l’ignorent-ils ? Non : ils le savent très bien. Mais ils ne peuvent pas le reconnaitre. Ils doivent faire semblant de croire à de sérieuses « concessions » gouvernementales, car ils ne veulent pas la chute du gouvernement Bayrou. S’il tombe, cela posera immédiatement – et très concrètement – la question d’élections présidentielles anticipées. Or les dirigeants de l’aile droite du NFP redoutent cette possibilité, car elle ne leur donnerait pas le temps d’organiser de grandes manœuvres contre une candidature de Jean-Luc Mélenchon. Ces considérations sont au cœur du jeu d’ombres et de fausses dupes auquel se livrent sans cesse les dirigeants du PS, du PCF et des Verts.

Pour leur « donner du grain à moudre », Bayrou a annoncé la formation d’un « conclave » sur la question des retraites : les syndicats ouvriers et les organisations patronales sont appelés à discuter d’une alternative à la réforme de 2023, à condition que cela n’implique aucune dépense publique supplémentaire.

Cette manœuvre vise à retarder la chute du gouvernement et lui permettre d’adopter un budget austéritaire. Le « conclave » sur les retraites tiendrait lieu de diversion et de miroir aux alouettes, le temps d’adopter un budget austéritaire. Les dirigeants du PS accepteront-ils d’entrer dans ce jeu et d’y sacrifier le peu de crédibilité que leur confère leur participation formelle au NFP ? Cela relèverait du suicide politique, mais on ne peut exclure que les dirigeants du PS y consentent.

Le RN a annoncé qu’il ne voterait pas la motion de censure, demain. Dès lors, le vote des députés socialistes, quel qu’il soit, ne fera pas tomber le gouvernement. Toutes les cartes du RN et de l’aile droite du NFP seront jouées plus tard : lors de la discussion sur le budget. Comme sous le gouvernement Barnier, la direction du RN aura alors les yeux tournés vers la couche la plus pauvre – et la plus massive – de son électorat, laquelle exigera la chute du gouvernement. Le Pen et sa clique ne pourront pas indéfiniment jouer les « responsables ». Dès lors, le sort du gouvernement retombera entre mains des dirigeants du PS, des Verts et du PCF. Ils devront assumer – ou pas – la survie de ce gouvernement réactionnaire, c’est-à-dire assumer – ou pas – une capitulation honteuse et flagrante.

Les directions de la plupart des confédérations syndicales ont répondu positivement à l’idée de siéger pendant trois mois, en « conclave », avec les cardinaux du Medef. C’est lamentable, mais cela ne surprend plus personne. Il y a quelques semaines, les mêmes dirigeants syndicaux signaient avec le Medef un appel à la « stabilité gouvernementale ».

La direction de la CGT n’a pas encore donné de réponse formelle. Dans un communiqué publié hier soir, elle annonce qu’elle « réunira ses instances dirigeantes dans les prochains jours pour décider des suites ». Au passage, ce communiqué de la CGT « appelle le Premier ministre à s’émanciper de la tutelle du patronat ». C’est absurde. François Bayrou est un politicien bourgeois qui a consacré toute sa vie à la défense des intérêts du patronat. Sophie Binet l’ignore-t-elle ? Non – pas plus que Faure, Roussel et Tondelier n’ignorent le programme et la mission réactionnaires de François Bayrou. Tous ces dirigeants « de gauche » se livrent au jeu de la fausse naïveté pour le compte de la « stabilité » gouvernementale.

Au lieu d’appeler François Bayrou à rompre avec la classe dirigeante, la direction de la CGT doit annoncer qu’elle refuse de participer à la flagrante manœuvre du « conclave » sur les retraites. Dans le même temps, elle doit se tourner vers la masse des travailleurs et préparer un solide plan de bataille pour les mobiliser dans les rues et les entreprises. La direction de la FI doit faire de même – au lieu de s’enfermer dans le Palais Bourbon et de s’y livrer aux mille et une joies du crétinisme parlementaire.

Il faut construire une puissante mobilisation extra-parlementaire pour en finir avec les plans sociaux, la vie chère, le chômage, la précarité, la destruction des services publics et tous les autres fléaux dont le capitalisme en crise accable les masses. A défaut, c’est le RN – encore une fois – qui en profitera. Comme nous l’écrivions dans notre dernier éditorial : « L’offensive contre le gouvernement Bayrou, à l’Assemblée nationale, ne peut miner l’ascension du RN qu’à la condition d’être liée à une campagne systématique de la FI, de la CGT et de l’ensemble des organisations de gauche pour mobiliser notre classe sur la base d’un programme de rupture avec la régression sociale et toutes les politiques d’austérité. »

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