Le groupe d’électronique de défense Thales possède une division sécurité et surveillance aérienne appelée Thales Airsystems (TR6). Cette division fait partie des cinq entreprises qui se partagent le marché du radar dans le monde. Le marché du radar civil pour la surveillance aérienne est de facto dépendant de la croissance du trafic aérien. Cette croissance est encore de l’ordre de 5 % par an, mais avec des disparités. L’Europe et les Etats-Unis ont atteint leur plus bas taux historique. Et tôt ou tard, le transport aérien connaîtra des taux négatifs, comme conséquence de la crise économique mondiale.
Le volume du marché du radar civil se contracte déjà, passant de 538 millions d’euros en 2009 à 370 millions d’euros en 2011. En 2013, l’Europe ne représente plus que 17 % du marché tandis que les économies « émergentes » d’Asie et d’Amérique latine (essentiellement le Brésil) pèsent 50 %. Du fait de la baisse du trafic aérien et du bon niveau d’équipement dont bénéficie l’Europe, le marché des radars civils est saturé dans cette zone.
Même constat dans le domaine militaire, où la demande diminue en raison des baisses des budgets de défense des pays occidentaux. Là aussi, ce sont les marchés hors Europe et Amérique du Nord qui connaissent encore des taux de croissance importants, notamment l’Inde et l’Arabie Saoudite.
C’est en raison de la saturation des marchés traditionnels (Europe et Amérique du Nord) que Thales s’oriente vers les marchés « émergents » au niveau international. La guerre mondiale du radar est lancée pour satisfaire les exigences de profit des actionnaires.
Cette perspective économique n’est pas sans conséquence pour les travailleurs des sites de production en Europe. Car pour obtenir des marchés au niveau international, les radars de Thalès doivent être compétitifs. Or les coûts de production sont nettement plus faibles dans d’autres pays, notamment en raison du fort taux d’exploitation des salariés. Aussi Thalès a-t-il déjà amorcé la délocalisation de sa production en créant des « joint-ventures » (coentreprises Thalès/entreprise locale), dans le but de pénétrer les marchés domestiques des pays visés tels que le Brésil ou l’Inde.
La saturation du marché européen va perdurer. Pour cette raison, Thales poursuivra sa recherche de marchés internationaux. Pour y parvenir, les mesures d’exploitation des salariés vont s’aggraver (augmentation de la productivité, casse des acquis sociaux, etc.), tout en poursuivant la délocalisation de la production par le biais de « joint-ventures ».
De plus en plus de travailleurs, et notamment de syndicalistes, dénoncent cette politique chez Thalès. Par exemple, la CGT demande « une autre stratégie industrielle », fondée sur l’investissement sur les sites de production existants, pour pérenniser l’emploi en France et s’orienter vers une politique d’embauche. Le mouvement syndical a parfaitement raison d’exiger une autre utilisation des richesses produites par les salariés. Seulement, il faut ici souligner qu’il est impossible d’imposer une telle mesure aux capitalistes sans remettre en cause leur contrôle de l’entreprise. En effet, tant qu’ils posséderont Thalès, ils décideront de l’investissement. Leur seul intérêt est d’en dégager un profit maximal. En raison des perspectives que nous avons développées plus haut, leur stratégie ne peut être, pour y parvenir, que de gagner des marchés sur le plan international et donc de s’attaquer minutieusement aux intérêts des travailleurs pour baisser les frais de production. Telles sont les lois implacables qui régissent le fonctionnement de l’économie capitaliste.
Sur la base du capitalisme, toute tentative d’imposer une « alternative stratégique » à l’austérité et aux délocalisations en cours se heurterait à l’hostilité des actionnaires. Ils saboteraient l’économie en organisant la fuite des capitaux et la grève de l’investissement. C’est donc par réalisme que le mouvement syndical doit défendre les emplois et les acquis des travailleurs tout en liant ces revendications immédiates à la nécessité de briser le contrôle des capitalistes sur Thalès et l’ensemble de l’industrie en nationalisant ces entreprises, avec leurs sous-traitants, sous le contrôle démocratique des salariés.