Avec la loi « pour la croissance et l’activité » (loi Macron), le gouvernement de Manuel Valls franchit un nouveau palier dans sa soumission aux volontés du patronat.
Ce projet de loi va bien au-delà de l’extension du travail le dimanche. Tout au long de ses 106 articles, qui modifient une vingtaine de codes différents (transports, commerce, environnement, travail, etc.), se dessine un plan d’ensemble visant à réduire les droits collectifs et individuels des salariés – et à étendre encore ceux des patrons. Ici, nous nous concentrerons sur les aspects les plus symboliques du texte.
Licenciements facilités
La loi du 14 juin 2013, ironiquement appelée « loi relative à la sécurisation de l’emploi », avait déjà nettement accru les possibilités de licenciement collectif dans les entreprises. La réduction des délais de la procédure et la mise en place d’un processus de validation administrative ont restreint les possibilités de recours des salariés. Situation ubuesque, lorsque les salariés contestaient leur licenciement homologué par les services du ministère du Travail, ces derniers devaient aller plaider devant le tribunal administratif pour défendre les licenciements décidés par le patron. Plutôt que les emplois, c’était donc les licenciements qui étaient « sécurisés », le ministère « couvrant » par sa signature la décision de l’employeur. Ce passage d’un juge judiciaire à un juge administratif, avec une nouvelle procédure plus difficile à mettre en œuvre, a déjà fait beaucoup diminuer le taux de contestation des plans de licenciement.
Malgré cela, quelques juges ont annulé des validations administratives, lorsque les employeurs avaient négligé de manière trop flagrante leurs obligations, pourtant allégées. La consigne du ministère du Travail – « zéro refus d’homologation » – était exécutée avec trop de zèle par l’Administration, qui a parfois validé par sa signature des plans de licenciement parfaitement illégaux.
Emu par « l’insécurité » ressentie par les patrons suite à ces annulations, le ministre Macron a donc décidé de les rassurer. Désormais, grâce à l’article 102 du projet de loi Macron, lorsque le tribunal administratif annulera une décision trop peu motivée de l’administration du Travail, celle-ci devra simplement refaire une nouvelle décision plus motivée et, en attendant, le licenciement des salariés restera valide. La validation du licenciement est illégale ? Qu’à cela ne tienne : le licenciement, lui, reste légal ! Cette volonté de permettre au patronat de se livrer sans retenue à sa frénésie de licenciements est pour le moins contradictoire avec l’objectif d’inverser la courbe du chômage.
L’extension du travail du dimanche
Une des parties les plus médiatisées du projet de loi concerne l’extension du travail du dimanche. Actuellement, le maire de chaque commune a la possibilité d’autoriser les commerces à ouvrir jusqu’à 5 dimanches par an. Les salariés qui travaillent un de ces dimanches exceptionnels doivent être payés le double d’un jour ordinaire. Si le projet est validé, cette possibilité concernera non plus 5 mais 12 dimanches par an. Le maire devra obligatoirement fixer 5 dimanches ouvrables et pourra s’il le souhaite en fixer 7 autres sur l’année, soit au total 1 dimanche sur 4.
Le texte prévoit aussi de créer de nouvelles catégories de zones où le travail du dimanche sera autorisé : les Zones Touristiques (ZT), les Zones Commerciales (ZC) et les Zones Touristiques Internationales (ZTI). Dans toutes ces zones, le travail du dimanche sera autorisé toute l’année, mais cette fois-ci, plus question de paiement double : les contreparties seront négociées branche par branche. Cette disposition vise à diviser les salariés des différentes branches du commerce, certaines branches dotées de syndicats forts pouvant être tentées d’accepter le travail dominical en échange de bonnes compensations, au risque de laisser sur le carreau les branches plus faibles.
Macron et le gouvernement tentent de rassurer en expliquant que seuls les salariés « volontaires » travailleront le dimanche. Mais dans cette période de crise et de chômage de masse, la peur d’être licencié et les difficultés à boucler le mois feront sans doute naître beaucoup de « volontaires ». S’ils étaient mieux payés la semaine, les salariés seraient-ils toujours « volontaires » pour travailler le dimanche ?
Certains en appellent – démagogiquement – au « droit des consommateurs ». Mais les travailleurs, qui représentent l’immense majorité des consommateurs, ne vont pas acheter le dimanche ce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter le reste de la semaine. Jean-Claude Bourrelier, PDG de Bricorama, a lui-même reconnu que l’ouverture des magasins le dimanche n’avait pas ramené de clients supplémentaires en 2014 par rapport à 2013. Cela dit, le travail du dimanche permettra à de grands groupes d’autres secteurs de prendre des parts de marché aux petites enseignes. Une fois de plus, le gouvernement travaille d’abord pour les grandes multinationales.
Dépénalisation du Code du travail
Moins médiatisée, une des mesures prévues par la loi Macron n’en est pas moins significative : il s’agit des changements introduits dans le Code du travail, et notamment la dépénalisation de certaines infractions patronales.
Par exemple, la loi adoucit le délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel, qui permet de faire condamner un employeur qui cherche à empêcher l’organisation collective des salariés. Le texte supprime la peine de prison d’un an maximum, rarement appliquée, mais dissuasive. Là encore, il s’agit de « rassurer les employeurs ».
Hollande, Valls, Macron et leur bande se réservent également le droit de nous préparer de nouvelles surprises dans ces domaines-là, puisque cette partie du projet de loi prévoit que le gouvernement sera habilité à décider par ordonnance (sans passer devant le Parlement) toutes les mesures nécessaires pour « assurer la cohérence » des régimes de sanction à l’égard des patrons et des modalités de contrôle de l’inspection du travail. De nouveaux cadeaux au patronat sont à prévoir.
En conclusion, avec cette loi, nous avons un catalogue de nouvelles revendications patronales prêtes à être satisfaites. Il y a fort à parier que le MEDEF, en échange, promettra à nouveau des créations d’emplois, et il y a également fort à parier que ces promesses seront aussi peu respectées qu’au moment du « pacte de responsabilité ». L’heure n’est pas à la négociation de nouveaux reculs payés avec du vent ; l’heure est à la mobilisation contre la loi Macron !