L e PCF s’est engagé dans une campagne revendicative nationale en direction des salariés d’Air France. Un tract de 4 pages est distribué dans les aéroports par les militants communistes depuis le mois de mars. Cette campagne vise à apporter le soutien du parti aux salariés de la compagnie qui affrontent le plan d’austérité que la direction a nommé « Transform 2015 ». Ce plan prévoit une remise en cause méthodique des accords d’entreprise conclus au fil des années, souvent au prix de luttes. Ainsi, le nombre de journées de congé obtenues au-delà du minimum légal est revu à la baisse. La durée du travail augmente, pour le même salaire. Divers éléments de rémunération, comme celui relatif à l’ancienneté, sont diminués pour se rapprocher des niveaux prévus par la convention collective de la branche. Ainsi, le statut des salariés de la compagnie est en train d’être nivelé par le bas, pour le porter au minimum prévu pour le secteur de l’aérien. Mais ce n’est pas tout. La compagnie supprime massivement des emplois. En plus des 1 900 postes supprimés en 2009, la direction souhaite en supprimer 5 122 de plus dans le cadre du plan « Transform 2015 ». La direction d’Air France veut de cette façon accroître de 20 % la productivité des salariés – c’est-à-dire aggraver d’autant leur exploitation.
Le PCF appelle au retrait de ce plan d’austérité et au maintien des acquis et des emplois chez Air France. Il est clair que ce mot d’ordre rencontre un écho très favorable chez les salariés, à commencer par les militants de la CGT, le premier syndicat de la compagnie, qui lui aussi mène campagne pour le retrait du plan « Transform 2015 ». Venir soutenir les travailleurs victimes de l’austérité est une excellente initiative du parti. Mais cette campagne va au-delà de la simple solidarité de lutte. Elle ouvre une perspective politique aux salariés d’Air France. Le tract national appelle non seulement à l’« arrêt du plan Transform », mais ajoute qu’en cas de maintien de cette politique de casse sociale par la direction de la compagnie, « la question de la nationalisation doit à nouveau se poser ».
Ce mot d’ordre marque un très net progrès dans la propagande nationale du parti. Dans les entreprises, les salariés se sentent bien seuls dans le combat quotidien qu’ils livrent pour la défense de leurs salaires, leurs emplois et leurs conditions de travail. Sur qui peuvent-ils compter ? Le gouvernement socialiste leur a tourné le dos dès le lendemain de son élection et s’apprête par exemple à faire voter la mise en œuvre de la transposition de l’accord de casse du Code du travail signé le 11 janvier dernier (l’ANI). Le PCF se pose ainsi en alternative politique. Ce mot d’ordre traduit un programme concret : l’arrêt de l’austérité ou bien la prise de contrôle de l’entreprise par l’Etat. Le tract précise : « avec ses parlementaires, [le PCF] entend travailler immédiatement à […] la nationalisation des grandes entreprises ADP et Air France et de leurs filiales, avec un important pouvoir décisionnel pour les salariés ». Ainsi, le mot d’ordre ne résonne pas seulement comme un slogan ; le PCF apparaît comme une force politique sérieuse qui entend poser des actes concrets d’alternative politique.
La nationalisation de l’entreprise est ici une arme très efficace pour tenter de s’opposer à l’austérité. Cette campagne mérite d’être relayée de façon bien plus large qu’elle ne l’est actuellement. La direction nationale du PCF devrait la faire figurer en bonne place dans nos différentes publications et sites internet. L’Humanité devrait s’en faire largement l’écho. Ce programme serait accueilli avec enthousiasme par les militants syndicaux, à commencer par ceux des entreprises en proie à des licenciements et des fermetures. Nous proposons de décliner ce programme à l’ensemble des principales branches de l’économie et d’y mener des campagnes similaires à celle menée dans l’aérien. Le mot d’ordre est valable partout ailleurs, à commencer par l’industrie où il y a urgence à le généraliser pour faire face au saccage. Qu’est-ce qui justifie que nous ne tenions pas le même discours dans l’automobile, par exemple ?
Cette campagne pour la nationalisation d’Air France marque un très net progrès par rapport aux formulations ambigües du programme du Front de Gauche, jusqu’alors. En effet, L’Humain d’abord se contente en général de défendre des « pôles publics » sans en préciser le périmètre et la composition. Notre programme doit être aussi clair que possible, si nous voulons nous faire entendre de la population. Selon nous, cette campagne gagnerait encore en clarté si nous précisions que ces nationalisations doivent se faire sans indemnité pour les capitalistes, qui se sont suffisamment enrichis sur le dos des salariés pendant toutes ces années. Pour se différencier des nationalisations technocratiques qui ont été menées en son temps par Mitterrand, il est par ailleurs important d’expliquer que nous défendons des nationalisations démocratiques, dont la gestion des entreprises serait placée sous contrôle de représentants élus par les salariés.
La direction du PCF annonce qu’elle va « travailler immédiatement » à la question des nationalisations d’Air France et d’ADP. Nous attendons qu’elle nous fasse part des résultats de ce travail et nous les relaierons. Nous proposons d’y apporter ces clarifications nécessaires et de généraliser cette campagne au niveau national, rapportée à chaque branche de l’économie. Le PCF devrait proposer aux autres forces politiques du Front de Gauche de s’y associer. Une telle initiative préparera les conditions d’une alternative politique à l’austérité tout en ouvrant la voie à la planification de l’économie fondée sur la propriété collective des entreprises, la seule alternative viable au chaos économique capitaliste.