Le 12 mars dernier, Mediapart révélait que plusieurs « obligations de quitter le territoire français » (OQTF) avaient été délivrées, les mois précédents, à des personnes séropositives brésiliennes, souvent transgenres. Parmi elles, certaines vivaient en France depuis plusieurs années en bénéficiant d’un « titre de séjour pour raisons de santé ».
Depuis 1998, il existe en France un dispositif garantissant l’accueil et la régularisation de personnes étrangères gravement malades et ne pouvant pas recevoir les soins adéquats dans leur pays d’origine. Chaque année, ce sont environ 30 000 personnes qui obtiennent cette « Carte de séjour vie privée et familiale pour soins ».
Ce sont les préfectures qui décident d’attribuer ou non ce titre de séjour. Jusqu’à récemment, elles se rangeaient à l’avis des médecins de l’Agence régionale de santé (ARS), qui examinaient les dossiers. Mais un décret du 7 mars 2016 a modifié cela. Désormais, les préfectures sont conseillées par un collège de médecins du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.
Pour justifier ce changement, l’Etat prétend qu’il permet « de garantir l’homogénéité des décisions prises sur l’ensemble du territoire national ». Mais, dans les faits, on voit surtout qu’il s’écarte d’une logique de santé publique, relevant du Ministère de la Santé, pour se concentrer sur la seule régulation de l’immigration.
Quels sont les effets concrets de cette réforme de 2016 ? L’accès à cette carte de séjour spéciale requiert, entre autres, d’avoir un état de santé qui « nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur [la] santé », mais aussi de ne « pas avoir accès au traitement approprié dans [le] pays d’origine ». Mais, en fait, le dernier rapport de l’OFII annonce une diminution de près de 39 % du nombre de première délivrance des cartes de séjour pour accès aux soins, en 2017 (par rapport à 2016). Par ailleurs, le taux d’avis favorables pour les renouvellements de titres a diminué, lui aussi – précisément de 23 % entre 2013 et 2017. Cela témoigne d’une volonté politique de refuser l’accueil et la prise en charge des étrangers malades.
Double peine
Les demandeurs d’origine brésilienne et porteurs du VIH souffrent particulièrement de ces réductions. En 2017, ils représentaient 45 % des demandeurs séropositifs dont la demande a été refusée dans l’année. Or, si le Brésil de Lula avait mis en place des solutions (très insuffisantes) pour lutter contre le VIH, la situation est très différente avec le gouvernement réactionnaire de Bolsonaro, qui s’attaque violemment aux politiques de santé publique et aux droits des minorités sexuelles. Le 10 janvier, le gouvernement brésilien a poussé au limogeage d’Adele Benzaken, responsable du département de la prévention du VIH au sein du Ministère de la Santé. On lui reproche d’avoir mené des campagnes de prévention en direction des personnes LGBT brésiliennes. Mais l’OFII, bien sûr, ne veut rien savoir – ni de Bolsonaro, ni de l’état actuel de la lutte contre le VIH au Brésil.
Les procédures pour obtenir un titre de séjour en raison d’une maladie sont de plus en plus longues, et aboutissent de moins en moins souvent à une réponse positive. Dans les faits, l’accès aux soins est potentiellement empêché. A cela s’ajoutent la précarité des demandeurs, parfois contraints de se prostituer, mais aussi la transphobie et le racisme, dans la rue comme de la part des administrations.
Refuser ces cartes de séjour revient à condamner à mort les personnes séropositives d’origine brésilienne que l’Etat se propose d’expulser. C’est inacceptable et l’ensemble du mouvement ouvrier doit combattre aussi bien ces mesures que ces expulsions.