Le 23 avril, la direction d’ArcelorMittal annonçait la suppression de 636 emplois sur sept sites du nord de la France : Dunkerque et Mardyck (Nord), Florange (Moselle), Basse-Indre (Loire-Atlantique), Mouzon (Ardennes), Desvres (Pas-de-Calais) et Montataire (Oise). En février, elle avait déjà acté la fermeture des sites de Reims et Denain, condamnant 130 emplois.
Les sites français du géant sidérurgiste sont affectés par l’intensification des mesures protectionnistes, la hausse des prix de l’énergie (suite aux sanctions visant la Russie), la concurrence de l’acier chinois à bas coût et le déficit de compétitivité de l’industrie française en général – comme nous l’avons analysé dans cet article.
« Choc de compétitivité »
Le 1er mai, les travailleurs d’ArcelorMittal se trouvaient en tête de cortège à Dunkerque, et le mot d’ordre de nationalisation était sur toutes les lèvres. De son côté, le gouvernement – par la voix de Marc Ferracci, le ministre de l’Industrie – s’est fermement prononcé contre la nationalisation d’ArcelorMittal.
La bourgeoisie et ses gouvernements ne recourent qu’exceptionnellement à des nationalisations. La classe dirigeante n’a pas du tout intérêt à habituer les travailleurs à l’idée qu’il suffirait de nationaliser des sites industriels « en difficulté » pour régler le problème ! Par ailleurs, dans le contexte d’un dérapage incontrôlé de la dette et du déficit publics, le gouvernement veut éviter de nouvelles dépenses massives d’argent public. Enfin, la sidérurgie française ne pourra pas concurrencer l’afflux d’acier chinois à bas coût sur les marchés – qu’elle soit ou non sous le contrôle de l’Etat.
Sur RTL, l’économiste bourgeois François Lenglet expliquait récemment : « On peut confier la sidérurgie au public, vous verrez que les coûts de production ne baisseront pas ». Il poursuivait : « Qu’elle soit privée ou publique, si une usine est exposée à une concurrence déloyale, elle va prendre l’eau ». Il évoque la nationalisation de la sidérurgie sous Mitterrand, en 1981 : « Ça a coûté des dizaines de milliards de francs aux contribuables et ça n’a pas sauvé l’entreprise, parce que les suppressions de postes ont été là de toute façon au bout de la route. » L’économiste Pascal Péri, sur LCI, affirmait que nationaliser « c’est refuser de s’interroger sur le cœur de notre problématique : la compétitivité ».
Quelle est donc la « solution » de la bourgeoisie ? Créer un choc de compétitivité, c’est-à-dire supprimer des postes, baisser le « coût du travail » (salaires et cotisations patronales) et augmenter l’intensité du travail.
La position des réformistes
Dans ce contexte, que proposent les dirigeants de la gauche réformiste ?
Nombre d’entre eux étaient présents à Dunkerque, sur la manifestation du 1er mai : Aurélie Trouvé (FI), Fabien Roussel (PCF), François Ruffin, Marine Tondelier (EELV), Olivier Faure (PS) et Boris Vallaud (PS). Jean-Luc Mélenchon et Sophie Binet étaient à la manifestation parisienne. Tous ont pris position sur la situation du groupe.
Boris Vallaud (PS) a annoncé que son groupe parlementaire proposerait une loi d’urgence pour mettre les sites menacés sous la tutelle temporaire de l’Etat, le temps de préserver l’emploi, de rechercher de nouveaux « investisseurs » ou d’envisager une nationalisation partielle. Dans un communiqué commun, Olivier Faure, Marine Tondelier, Fabien Roussel et François Ruffin ont demandé une entrée de l’Etat au capital d’ArcelorMittal, assortie de mesures protectionnistes fortes contre l’acier chinois. Jean-Luc Mélenchon et la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, ont exigé la nationalisation immédiate du groupe.
Commençons par souligner que sur cette question comme sur d’autres, une différenciation apparaît à l’intérieur du camp des réformistes. Ce que proposent Vallaud, Tondelier, Roussel et Ruffin revient à éviter une nationalisation complète au moyen d’un investissement limité de la part de l’Etat. Et c’est comme souvent le PS qui dit les choses le plus clairement : il s’agit de préparer, aux frais du contribuable, la reprise en main (hypothétique) de ces sites industriels par de nouveaux investisseurs privés, qui ne manqueraient pas d’exiger au passage des licenciements, des baisses de salaire, des accords de productivité, etc. Quant à l’idée de prendre des mesures protectionnistes contre l’acier chinois, elle passe complètement à côté de la question centrale, celle de la propriété de l’entreprise – et ne ferait pas avancer d’un iota la lutte contre les licenciements, comme nous l’avons expliqué ailleurs.
La position formelle de Mélenchon et Binet est meilleure, dans la mesure où ils réclament une nationalisation pure et simple. Mais d’une part, il n’est pas clair si cette nationalisation porterait sur l’ensemble des sites français d’ArcelorMittal, ou seulement sur les sites menacés de fermeture. D’autre part, le mot d’ordre de nationalisation – juste en lui-même – est insuffisant.
La position du PCR
Rappelons que la nationalisation de la sidérurgie sous François Mitterrand, en 1981, n’a pas empêché des vagues massives de licenciements : 12 000 dès 1982, puis 21 000 en 1984. De nombreux sites ont été fermés… par l’Etat lui-même. En outre, les grands capitalistes de ce secteur ont été indemnisés rubis sur l’ongle, ce qui leur a permis d’éponger leurs dettes grâce à de l’argent public – et d’aller investir leurs milliards ailleurs.
Le Parti Communiste Révolutionnaire défend la nationalisation d’ArcelorMittal, mais sous le contrôle démocratique des travailleurs eux-mêmes. Les ouvriers d’ArcelorMittal doivent occuper les sites, s’approprier leur outil de travail et, sur cette base, lutter pour la nationalisation de leur entreprise. Le groupe doit être exproprié, sans aucune indemnisation pour les actionnaires. L’entreprise doit être gérée par les travailleurs, sans les anciens PDG et cadres dirigeants, en élisant dans les rangs des salariés ceux qui assumeront les tâches de direction.
Jean-Paul Delescaut, secrétaire de l’Union Départementale CGT du Nord, affirmait : « on peut faire du métal sans Mittal. […] La question de la nationalisation doit être dans la tête des travailleurs [car] ce sont eux qui produisent. Arrêtons de produire pour les capitalistes, produisons pour nous ! ». La seule manière d’arrêter de « produire pour les capitalistes », c’est de nationaliser la sidérurgie – et tous les grands leviers de l’économie – sous le contrôle démocratique des travailleurs. C’est la seule voie pour sauver les emplois et garantir une amélioration substantielle des conditions de travail.
C’est cela que les dirigeants du mouvement ouvrier – à commencer par Sophie Binet et Jean-Luc Mélenchon – devraient expliquer clairement, tout en mobilisant largement les travailleurs contre le patronat et l’ensemble du système capitaliste.