Mi-septembre, une crise diplomatique inédite a opposé la France aux États-Unis, sur fond de vente de sous-marins à l’Australie. Au-delà des malédictions lancées par la presse française contre Washington et Canberra, cet épisode est une nouvelle illustration du déclin de l’impérialisme français.
Fiasco du siècle
Le 15 septembre, les gouvernements australien, américain et britannique annonçaient la conclusion d’une nouvelle alliance politico-militaire dirigée contre la Chine, en même temps que la conclusion d’un contrat visant à doter la marine de guerre australienne de sous-marins américains. Ce nouveau partenariat a immédiatement déclenché la colère du gouvernement Macron, car il marquait la rupture d’un contrat de vente de sous-marins français à l’Australie.
Signé en 2016, ce « contrat du siècle » – désormais le fiasco du siècle – était le plus important jamais conclu par l’industrie militaire française. En même temps, c’était une tentative de nouer une alliance à long terme avec l’Australie pour assurer la défense des possessions de l’impérialisme français dans le Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna. Pour Paris, le choc a été d’autant plus brutal que, quelques semaines auparavant, le ministère de la Défense australien insistait encore sur l’importance des sous-marins conçus par l’entreprise française Naval Group.
Une puissance de troisième rang
Ce revers, pour l’impérialisme français, n’était pas le premier du genre, ces derniers temps. Le 30 juin, le gouvernement suisse annonçait que, pour remplacer ses chasseurs F18 vieillissants, il achèterait des F35 américains – et non des Rafales français. Les journaux français ont hurlé à l’absurdité technologique. Mais ce n’est pas vraiment la question. Le F35 a beau être une casserole que l’aviation américaine a le plus grand mal à utiliser, du fait de nombreux défauts de conception, son achat par l’armée suisse est avant tout le signe d’un rapprochement politique et militaire entre Berne et Washington – au détriment de la France.
Par ailleurs, mi-septembre, des rumeurs insistantes ont circulé, dans la presse, selon lesquelles le gouvernement malien aurait signé un contrat avec la compagnie russe de mercenaires « Wagner », pour assurer l’entraînement de son armée et la protection de positions sensibles. Alors que Macron a annoncé la fin prochaine de l’opération Barkhane, le régime malien se cherche de nouveaux protecteurs, et les « Wagner » ont fait leurs « preuves » en sauvant cet hiver le gouvernement centrafricain d’une offensive rebelle. Si ce nouveau développement se confirmait, il ne signerait certes pas la fin de la présence française au Mali, mais signifierait que le gouvernement malien serait davantage sous la protection militaire (et donc sous l’influence) de la Russie, au détriment de la France.
Enfin, il faut mentionner le renversement, le 5 septembre, du dictateur guinéen pro-français, Alpha Condé, par des putschistes entraînés par… les États-Unis.
Ce sont là autant de signes évidents du déclin de l’impérialisme français. Autrefois puissance mondiale de premier rang, la France est aujourd’hui rétrogradée au deuxième, voire au troisième rang. Marginalisée sur la scène internationale, elle se voit contestée dans son pré-carré africain par la Chine, la Russie, les États-Unis – et même par la Turquie (en Libye). Ce déclin de l’impérialisme français est une conséquence directe du déclin du capitalisme français. La puissance diplomatique de la France a longtemps été disproportionnée au regard de son véritable poids économique. La mise à jour est brutale.
L’impérialisme et le mouvement ouvrier
Pendant que l’establishment bourgeois parisien exigeait des « représailles » contre Washington et Canberra, les dirigeants du PCF et de la France insoumise réclamaient la sortie de la France de l’OTAN, afin que Paris retrouve son « autonomie stratégique ».
Révolution n’est évidemment pas favorable à la participation de la France à l’OTAN, pour cette simple raison que l’OTAN est une institution impérialiste, donc archi-réactionnaire. Mais nous ne sommes pas favorables, non plus, à « l’autonomie stratégique » de l’impérialisme français, qui n’a absolument rien de progressiste.
Le mouvement ouvrier doit défendre un point de vue de classe et internationaliste. Lorsque des crises diplomatiques éclatent entre plusieurs puissances impérialistes, nous ne devons pas prendre position pour l’une ou pour l’autre. Nous devons expliquer aux travailleurs quels sont les intérêts qui sous-tendent ces conflits – et comment mettre un terme à l’impérialisme et ses guerres.
A droite comme à gauche, on nous somme régulièrement de nous solidariser avec les armateurs français au nom de la « défense de l’emploi », comme si l’on pouvait faire abstraction de l’usage des armes produites par les travailleurs de cette industrie. Bien sûr, aucun de ces travailleurs ne doit être au chômage ; l’intégralité de leur salaire doit être maintenue et leur reconversion garantie. Mais pour le reste, tant que les armes produites seront contrôlées par la classe dirigeante, elles serviront des objectifs réactionnaires, comme on le voit aujourd’hui au Sahel, en Lybie, au Yémen et ailleurs. Seule une révolution socialiste placera l’industrie militaire entre les mains d’une classe – notre classe – qui en fera un usage progressiste : la défense de la révolution elle-même.