À Haïti, une insurrection menée par les gangs de criminels a poussé le Premier ministre Ariel Henry à la démission. Cela n’a rien de surprenant tant son régime était déjà vacillant. Henry est arrivé au pouvoir en 2021 après l’assassinat (qui n’est toujours pas élucidé) du président Jovenel Moïse, dont il était le Premier ministre. Depuis, il n’a jamais tenu ses promesses répétées d’organiser des élections et s’est maintenu au pouvoir malgré les critiques des partis d’opposition bourgeois et l’hostilité de la population. Il ne pouvait compter que sur l’appui des puissances impérialistes, et particulièrement des Etats-Unis, qui comptaient sur lui pour défendre leurs intérêts.
Ravages impérialistes à Haïti
Depuis son indépendance, Haïti a toujours été la proie de la rapacité des puissances impérialistes. Mais la situation du pays s’est particulièrement aggravée depuis 2004. Cette année-là, une intervention militaire des Etats-Unis et du Canada menée sous l’égide de l’ONU a renversé le président élu Jean-Bertrand Aristide, qui venait de demander des réparations financières à la France pour les crimes commis durant la période coloniale.
L’invasion impérialiste fut suivie de plus d’une décennie d’occupation militaire durant laquelle les Casques bleus firent régner la terreur à Haïti, multipliant les crimes contre les civils et écrasant toute opposition.
L’Etat haïtien mis en place sous la protection de l’ONU était rongé par la corruption et ne visait qu’à servir les intérêts des puissances impérialistes. Après le départ des Casques bleus en 2017, il a immédiatement commencé à se désintégrer. Un nombre croissant de policiers ont rejoint des bandes criminelles. Liés à l’appareil d’Etat, ces gangs étaient utilisés par le régime de Jovenel Moïse pour suppléer à une police de plus en plus défaillante et réprimer l’opposition. En 2018, un groupe de criminels encadrés par des policiers massacrait ainsi 78 personnes dans le quartier de La Saline à Port-au-Prince.
La mort de Moïse en 2021 a accéléré la crise. Profitant de la division de l’appareil d’Etat entre partisans et adversaires d’Ariel Henry, les gangs ont pris le contrôle de quartiers entiers et ont soumis leurs habitants à un régime de terreur.
Les masses haïtiennes ne sont pas restées passives. Au printemps 2023, un mouvement spontané d’auto-défense armée est apparu dans les quartiers, le mouvement « Bwa Kale ». Mais, faute de perspectives politiques, ce mouvement hétérogène s’est effondré. Certains groupes armés d’auto-défense ont réussi à chasser les criminels de leur quartier, mais d’autres se sont alliés à certains gangs contre leurs rivaux, voire se sont eux-mêmes directement transformés en gangs !
Fin septembre, le puissant chef du gang G9, Jimmy « Barbecue » Chérizier, a appelé à une insurrection contre le gouvernement d’Ariel Henry. Les gangs ont alors lancé une vague d’attaques coordonnées, contre la population civile, la police et des bâtiments gouvernementaux. En janvier, ils contrôlaient près de 80 % de Port-au-Prince. Des centaines de personnes se sont retrouvées sans abri et des dizaines de milliers d’autres ont fui la capitale.
Non à une nouvelle intervention impérialiste !
L’impérialisme américain a alors dû se résoudre à abandonner Henry, qui a démissionné le 11 mars. Washington prône désormais la création d’un « conseil de transition » qui gouvernerait en attendant d’hypothétiques élections. Mais ce plan est utopique. L’Etat haïtien et les partis politiques bourgeois sont profondément discrédités. Aucun dirigeant de l’opposition ne semble d’ailleurs pressé d’assumer la responsabilité du pouvoir et du désastre qui l’accompagne.
D’autant plus que Jimmy Chérizier a déjà menacé de représailles violentes tout politicien qui prendrait part sans son accord à un quelconque gouvernement de transition. Le chef du G9 compte sans doute profiter du chaos pour se hisser au pouvoir. Cet ancien mercenaire de l’impérialisme multiplie les déclarations démagogiques et se présente maintenant comme un « révolutionnaire » et le sauveur d’Haïti. C’est en réalité un ennemi des masses haïtiennes, qui a participé personnellement au massacre de La Saline en 2018 !
De leur côté, les impérialistes craignent que l’instabilité d’Haïti ne contamine l’ensemble de la région. Ils veulent aussi éviter un exode massif de réfugiés haïtiens. Joe Biden a déjà annoncé que la flotte américaine serait mobilisée pour repousser une éventuelle vague de réfugiés.
Une nouvelle intervention militaire impérialiste n’est pas à exclure, mais – même si elle arrivait à écraser provisoirement les gangs – elle serait confrontée à l’hostilité des masses haïtiennes. Loin d’améliorer la situation des masses, une occupation impérialiste d’Haïti n’aurait pour seul objectif que de défendre le statu quo, c’est-à-dire maintenir le capitalisme haïtien sans mettre fin à la crise économique et sociale qui ravage l’île et sert de terreau aux gangs criminels.
Pour sortir de l’impasse, les travailleurs et les opprimés haïtiens doivent expulser les impérialistes et renverser le capitalisme, à Haïti et dans toute la région. Pour cela, ils doivent se doter d’une organisation révolutionnaire et ne compter que sur leurs propres forces et la solidarité des travailleurs du monde entier !