Il y a peu, les classes dirigeantes nous assuraient qu’une fois terminée la crise du Covid, la vie reprendrait son cours « normal ». Au lieu de cela, l’économie mondiale subit toute une série de perturbations : goulots d’étranglement, pénuries de composants industriels, hausse des prix des matières premières… Le chaos du « libre marché » prend des proportions colossales – et ce alors que nous sommes en phase de reprise économique. Qu’en sera-t-il en phase de récession ?
Effets dominos
L’année dernière, nous avons vu les signes avant-coureurs de la crise dans le secteur des semi-conducteurs. Le recours au télétravail, l’augmentation des ventes de voitures électriques et la sortie de nouvelles consoles de jeux ont poussé la production de microprocesseurs au maximum de ses capacités, entraînant des retards dans la livraison des produits.
La reprise économique de ces derniers mois a accentué le manque de puces électroniques. En conséquence, Toyota, le plus grand constructeur automobile du monde, a annoncé qu’il allait devoir réduire sa production de 40 %. En France, les ventes de voitures neuves ont chuté de 35 % en juillet. En Grande-Bretagne, en Espagne, en Allemagne et en Italie, elles ont chuté respectivement de 30 %, 29 %, 25 % et 19 %.
Les problèmes de pénurie sont aggravés par le comportement des grandes entreprises, qui se précipitent pour constituer des stocks importants. Logiquement, cela augmente le déséquilibre entre l’offre et la demande.
Colonne vertébrale du commerce mondial, le transport maritime est congestionné : les ports sont saturés ; certains porte-conteneurs attendent deux semaines avant d’être déchargés. Cela fait exploser les coûts d’expédition, qui sont quatre à cinq fois plus élevés que l’an dernier.
De manière générale, l’ensemble du secteur des transports a le plus grand mal à suivre le rythme du marché. Il y a une pénurie de main d’œuvre. Par exemple, il manque 500 000 chauffeurs routiers dans la zone UE – et 100 000 en Grande-Bretagne – pour répondre à la demande actuelle. Soit dit en passant, le manque d’investissements, depuis des décennies, dans les transports – et en particulier dans le fret ferroviaire – se fait ici cruellement sentir.
Pressions inflationnistes
Le rebond de la demande, après la chute de 2020, affecte également le secteur de l’énergie. Les prix du pétrole, du gaz et du charbon ont très fortement augmenté.
Depuis le début de l’année, le prix du pétrole brut Brent a plus que doublé, tandis que le prix du charbon s’est envolé, entraînant des coupures de courant et des perturbations dans plus de la moitié des usines chinoises. Le prix du gaz a suivi ce mouvement, d’autant plus que les réserves, en Europe, sont très basses. Les tensions protectionnistes – notamment entre la Chine et l’Australie – accentuent le phénomène.
Tout ceci se répercute progressivement sur les prix des marchandises que nous consommons chaque jour. Certains produits de base sont déjà affectés ; d’autres le seront prochainement. En conséquence, le pouvoir d’achat des salaires (les « salaires réels ») baisse nettement. Comme la nuit suit le jour, cela provoquera des grèves ; c’est déjà le cas aux Etats-Unis.
La hausse des prix – c’est-à-dire l’inflation – n’est pas seulement liée à des facteurs conjoncturels. Les vastes « plans de relance » mis en place par les classes dirigeantes, au plus fort de la crise sanitaire, contribuent largement à ce phénomène. Rien qu’aux Etats-Unis, 9500 milliards de dollars ont été injectés dans l’économie. Or, faire marcher la planche à billets n’a jamais permis de sortir durablement d’une crise. Lorsque la création monétaire est à ce point déconnectée des volumes de production, le résultat inévitable est une situation où la demande dépasse l’offre, créant une pression inflationniste sur les prix.
Tempête à l’horizon
Les menaces sur la reprise économique ont poussé le FMI à baisser – de 6 à 5,9 % – ses projections pour la croissance mondiale en 2021. Le rapport qu’il a publié souligne que cette baisse, en elle-même très limitée, masque de « fortes dégradations pour certains pays », et qu’il existe une « grande incertitude » sur l’évolution de l’inflation. Par ailleurs, les auteurs de ce rapport préviennent : la vaccination à deux vitesses – entre pays riches et pays pauvres – risque de mener à de nouvelles vagues de Covid-19, donc à de nouvelles répercussions économiques de la crise sanitaire. Enfin, les secteurs financier et immobilier sont en surchauffe, comme en témoigne la quasi-faillite d’Evergrande, le géant chinois de l’immobilier. Et le FMI de conclure : entre 65 à 75 millions de personnes, à travers le monde, vont tomber dans la grande pauvreté en 2021. C’est-à-dire beaucoup plus, en réalité.
Baisse du pouvoir d’achat, chaos économique, nouvelles vagues épidémiques, crise environnementale, guerres et crises migratoires : voilà tout ce que le capitalisme nous réserve, de l’aveu même des analystes bourgeois les plus sérieux. Pour échapper à cela, il faudra renverser ce système. Il n’y a pas d’alternative.