Aujourd’hui, dans le monde, 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim, dont 45 millions sont au seuil de la famine. De leur côté, les plus grandes fortunes mondiales ont « gagné » 4000 milliards de dollars en 2020.
Famine et abondance
Ces derniers mois, 23 millions d’Afghans ont été confrontés à une « forte insécurité alimentaire », dont 9 millions l’ont été « à un niveau alarmant », selon une classification élaborée par l’ONU. A Madagascar, 300 000 personnes sont exposées à une famine de la plus haute gravité. Au Yémen, 16 millions de personnes vivent dans une insécurité alimentaire aiguë. Et ainsi de suite.
Pendant des millénaires, l’espèce humaine a souffert de la faim à cause du manque de nourriture. Les hommes et les femmes étaient alors soumis à tous les caprices de la nature : sécheresse, inondations, vagues de froid et autres catastrophes. De mauvaises récoltes pouvaient précipiter des millions de personnes dans la famine. Avec une économie largement locale et des échanges commerciaux très limités, il était impossible de satisfaire les besoins d’une région avec la production d’une autre.
Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Nous produisons plus qu’assez pour nourrir toute la planète. La production de céréales, par exemple, a atteint son plus haut rendement historique, avec près de 2,8 milliards de tonnes, soit l’équivalent d’un kilo par personne et par jour. Cela suffirait pour nourrir deux fois la population mondiale actuelle. Par ailleurs, aucune région au monde n’est inaccessible et hors de portée du commerce mondial. Chaque année, 11 milliards de tonnes de marchandises traversent les mers et les océans.
Mais alors, pourquoi est-ce que 10 % de la population mondiale est confrontée à l’insécurité alimentaire ? Pourquoi est-ce qu’un enfant sur cinq souffre de retards de croissance du fait d’un manque de nourriture ?
L’égoïsme des milliardaires
En novembre dernier, le directeur du Programme Alimentaire Mondial, David Beasley, s’est disputé sur Twitter avec le multimilliardaire Elon Musk. David Beasley demandait aux milliardaires de faire – collectivement – un don de 6 milliards de dollars, ce qui permettrait de sauver 42 millions de vies. En réponse, Elon Musk a botté en touche et a réclamé que Beasley publie dans le détail – « en accès libre » – la façon dont l’argent du Programme Alimentaire Mondial était dépensé.
On pourrait aussi réclamer à Elon Musk qu’il publie dans le détail, « en accès libre », la façon dont il utilise les milliards de dollars d’argent public qui permettent à ses entreprises de survivre. Mais il est probable qu’il en serait offensé.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si l’ensemble des milliardaires donnaient 0,15 % des 4 000 milliards de dollars qu’ils ont gagné en 2020, personne ne mourrait de faim en 2022. S’ils donnaient 3 % de cette même somme, l’« insécurité alimentaire » qui touche 800 millions de personnes, dans le monde, pourrait être éliminée pendant toute une année. Toute l’humanité mangerait à sa faim.
Mais comme David Beasley s’en est rendu compte, les capitalistes n’aiment pas donner leur argent. Et les gouvernements des nations les plus riches ne sont pas plus généreux. Alors que les besoins sont de plus en plus pressants, ces gouvernements ont réduit leurs contributions au financement de l’aide internationale. Par exemple, le soutien financier aux réfugiés de Syrie et d’Afrique de l’Est a nettement baissé. En conséquence, les rations de nourriture allouées à ces réfugiés ont été divisées par deux.
Un problème systémique
Les associations caritatives, les ONG et le Programme Alimentaire Mondial ne visent qu’à réduire le fardeau de la faim dans le monde. Elles sont incapables de l’éradiquer. Toutes ces institutions se financent en suppliant les riches de leur donner une minuscule fraction de leurs fortunes colossales – sans grand succès, d’ailleurs.
Le système capitaliste n’a aucun intérêt à nourrir les affamés. Et le problème n’est pas que l’on manque de nourriture ; le problème est que les plus pauvres ne peuvent pas la payer. Sous le capitalisme, on peut mourir de faim au pied d’un magasin plein de nourriture.
Nous avons déjà toutes les ressources nécessaires pour satisfaire les besoins essentiels de la population mondiale. En mettant fin au gâchis de nourriture et en investissant dans les progrès technologiques, nous pourrions non seulement répondre aux besoins fondamentaux, mais aussi garantir un niveau de vie décent pour tous, sans pour autant mettre en danger l’environnement.
Si les techniques modernes d’agriculture, et notamment sa mécanisation, étaient utilisées sur la base d’une planification démocratique et rationnelle, il serait possible d’augmenter encore la production de nourriture. Mais sous le capitalisme, avec sa course aux profits à court terme, c’est impossible. Tant que ce système n’aura pas été renversé, des hommes, des femmes et des enfants mourront de faim, chaque année.