Les élections législatives indiennes se sont tenues du 19 avril au 1er juin. Leur résultat a été une surprise : le Premier ministre Narendra Modi et son Parti indien du peuple (BJP, extrême droite) ont obtenu un résultat bien inférieur à ce que prédisaient tous les sondages. Le BJP n’a remporté que 240 sièges sur 543, largement en dessous de la majorité absolue. Il devra donc composer avec de petits partis nationalistes pour diriger le pays.

C’est une véritable humiliation pour celui que la presse bourgeoise avait surnommé « l’homme fort de l’Inde ». C’est aussi un signe inquiétant pour le régime de la bourgeoisie indienne, car la popularité de Modi constituait depuis une décennie un important facteur de stabilité pour le capitalisme indien.

Le déclin de Modi et l’opposition bourgeoise

Modi est parvenu au pouvoir en 2014, sur la base du rejet massif du Congrès, le parti historique de la bourgeoisie indienne. Celui-ci était alors affaibli après une décennie de politiques austéritaires et une longue succession de scandales de corruption.

Les premières années de mandat de Modi se sont déroulées alors que l’Inde connaissait une forte croissance économique, ce qui a contribué à la popularité initiale de son gouvernement. Mais cette croissance s’est faite essentiellement au profit des grands capitalistes, tandis que les travailleurs et les pauvres ont subi une inflation et un chômage de plus en plus élevés, surtout à partir de 2016.

Pour détourner l’attention des masses, Modi s’est lancé dans une campagne furieuse d’attaques contre les Musulmans et les minorités nationales. Si cette démagogie réactionnaire a fonctionné pendant un temps, elle s’est heurtée à la résurgence de la lutte des classes.

L’Inde a connu une intensification des mobilisations de travailleurs ces dernières années. En 2020, une grève générale contre un projet de réforme agraire a même rassemblé 250 millions de paysans et de salariés, paralysant le pays et forçant Modi à battre en retraite.

Face au BJP, les partis d’opposition se sont coalisés dans une alliance dirigée par le Congrès, l’INDIA. On y trouve aussi bien des partis « communistes » que des ultra-nationalistes hindous. Cette alliance a remporté 234 sièges.

Pour autant, leur succès traduit bien plus le rejet de Modi qu’un véritable soutien à cette alliance sans principes. Le BJP a été battu à plate couture dans les Etats du Pendjab, du Haryana et du Rajasthan – là où le mouvement de grève de 2020 était le plus fort – mais il a par ailleurs réussi à regagner des circonscriptions qu’il avait perdues aux précédentes élections, comme dans l’Etat du Karnataka.

Cela s’explique simplement. Le Congrès a fait campagne en promettant d’augmenter le salaire minimum, de revenir sur certaines lois racistes de Modi et de prendre des mesures en faveur des groupes opprimés (notamment les femmes, les basses castes et les minorités nationales). Mais ce programme sonnait faux au regard de ce qu’a été sa politique lorsqu’il était au pouvoir, avant 2014. Il avait alors durement attaqué la classe ouvrière et n’avait rien fait pour réellement adoucir le sort des minorités opprimées.

L’absence d’une alternative révolutionnaire

Quand aux partis soi-disant « communistes » – le PCI, le PCI(M) et le PCI(ML), ils ont pâti de leur modération, des politiques d’austérité qu’ils ont appliqué dans les Etats qu’ils dirigent et de leur ralliement à l’INDIA. Par rapport aux dernières élections, ils ont perdu de nombreuses voix dans les régions rurales. Au Kerala, un bastion communiste historique dirigé par un « Front démocratique de gauche », le BJP a même remporté un siège pour la première fois.

Pour justifier leur alliance avec les partis bourgeois de l’INDIA, ces partis « communistes » prônent une « théorie des étapes », héritée du stalinisme. D’après eux, l’Inde devrait d’abord accomplir une révolution dirigée par la bourgeoisie contre l’impérialisme et les restes de féodalisme, avant de pouvoir envisager une transformation socialiste de la société. Cette « théorie » était déjà erronée avant l’indépendance de l’Inde, car la bourgeoisie « nationale » était trop liée à l’impérialisme, aux grands propriétaires terriens et au système des castes pour les combattre sérieusement. Elle est aujourd’hui absurde au regard des faits : depuis l’indépendance, le Congrès a été au pouvoir pendant plus de 50 ans ! Combien de temps encore ces partis « communistes » doivent-ils attendre avant de mener une politique réellement communiste ?

Le résultat est qu’ils apparaissent aux yeux des masses comme des valets de la classe dirigeante. Ils ne parviennent donc pas à cristalliser la colère qui se développe contre le système – et vise aussi bien Modi que ses adversaires bourgeois du Congrès.

Comme l’a montré le succès de la grève générale de 2020, plutôt que de nouer des alliances avec la bourgeoisie soi-disant « progressiste », le mouvement ouvrier indien devrait préparer une lutte sans merci contre Modi et le capitalisme indien, dans laquelle la classe ouvrière entraînerait toutes les couches opprimées de la société !

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