Le régime de Musharraf s’attaque brutalement aux avocats et militants politiques qui s’opposent à l’état d’urgence, proclamé samedi dernier. Dans ce contexte, la Campagne pour la Défense du Syndicalisme au Pakistan (PTUDC) a été l’objet d’une grave attaque : Chaudhary Munir Ahmed, président de l’Association des Avocats de Kasur, membre du PTUDC et frère cadet du député et président du PTUDC Manzoor Ahmed, a été arrêté en même temps que d’autres dirigeants ouvriers et avocats actifs dans le PTUDC. A travers ces arrestations, c’est le mouvement ouvrier pakistanais qui est touché.
Les personnes suivantes ont également été arrêtées :
Aitzaz Ahsan, membre de l’Assemblée nationale et président de l’Association des avocats de la Cour Suprême
Ahsan Bhoon, président des Avocats de la Haute Cour de Lahore
Liaqat Sahi, Secrétaire général du syndicat des travailleurs de la Banque d’Etat (CBA), et membre du PTUDC
Farid Awan, dirigeant ouvrier à Karachi, membre du PTUDC
Irshad Shar, membre de l’exécutif de l’Association des Avocats de Malir (Karachi), et militant du PTUDC
Nous en appelons aux militants et avocats de tous les pays pour qu’il envoient des messages de solidarité à ces dirigeants du mouvement des avocats contre le régime de Musharraf et la dictature militaire.
Envoyez vos messages de solidarité à :
Chaudhary Munir : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Aitzaz Ahsan : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Ahsan Bhoon : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Vous pouvez aussi envoyer vos messages sur le site du PTUDC :
http://www.ptudc.org/component/option,com_contact/Itemid,3/
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Ces arrestations confirment que l’état d’urgence proclamé par le président Musharraf est une menace directe contre le mouvement syndical pakistanais. La police est investie de pouvoirs d’interpellation exceptionnels. Bien que ces pouvoirs aient jusqu’alors été essentiellement utilisés contre les avocats et les militants de l’opposition, ils pourraient également être utilisés contre des grèves et des manifestations de travailleurs. Déjà, avant que l’état d’urgence ne soit proclamé, les grèves et manifestations de travailleurs étaient toujours menacées de répression par l’appareil d’Etat.
Il y a eu de nombreux conflits syndicaux au cours de la dernière période. Le dernier en date fut celui des techniciens de la Pakistan International Airlines (PIA), la veille de la proclamation de l’état d’urgence. Les travailleurs demandaient des augmentations de salaire et une amélioration de leurs conditions de travail. La grève a provoqué l’annulation de 92 vols nationaux et internationaux, et tous les aéroports du pays étaient déserts.
La grève des techniciens de la PIA est symptomatique. Les privatisations, les fermetures et les plans de licenciement détruisent des milliers d’emplois. Le nouveau système de contrats de travail et les baisses de salaire poussent de plus en plus de travailleurs à se mobiliser par des grèves et des manifestations.
Il y a également eu un conflit à la Water & Power Development Authority (WAPDA). Le 11 septembre, des élections syndicales se sont tenues à la WADPA. Hydro, le syndicat traditionnel, l’a emporté de plus de 37000 voix. Les syndicats soutenus par le gouvernement et les fondamentalistes ont été sévèrement battus.
Après cette écrasante victoire, les travailleurs ont menacé de se mettre en grève, mais le gouvernement a décidé d’imposer sa politique de privatisation et de restructuration de la WADPA. Du fait de la pression croissante des travailleurs, une appel national a été lancé pour protester contre ces mesures, le 30 octobre. Dans de nombreuses villes, des centaines de salariés ont pris part à des manifestations. L’ambiance était très militante, et les travailleurs menaçaient « d’éteindre les lumières » si leurs revendications n’étaient pas satisfaites.
Autre lutte : celle des salariés de la Compagnie nationale de Télécom, la PTCL, qui a été privatisée en 2005. Les travailleurs ont mené une lutte majeure contre cette privatisation. Faute d’une direction syndicale suffisamment combative, ils ne sont pas parvenus à arrêter le processus. Le nouveau propriétaire voulait licencier près de 33 000 salariés, mais le gouvernement, qui craignait la réaction des travailleurs, est intervenu directement pour retarder la mise en place du plan de licenciement. Cependant, le 19 octobre de cette année, le lendemain de la manifestation massive qui a accueilli Benazir Bhutto, le premier ministre Shaukat Aziz a approuvé le licenciement de 29 000 salariés. En conséquence, les travailleurs sont extrêmement remontés.
Les cheminots pakistanais, de leur côté, sont sévèrement opprimés par le régime. L’activité syndicale leur est strictement interdite. Cependant, leur colère ne cesse de croître. Les travailleurs des signaux se sont mobilisés et ont remporté un victoire. De même, les conducteurs et d’autres catégories de cheminots ont continuellement fait pression pour appuyer leurs revendications. La situation est très tendue, dans ce secteur, et il y a des possibilités sérieuses qu’une grande grève éclate dans les transports ferroviaires.
L’industrie électrique (KESC) a également été privatisée, et n’a pas été capable de fournir correctement Karachi. Pour augmenter leurs profits, les propriétaires de KESC licencient à présent près de 10 000 employés. Une humeur très militante se développe parmi les travailleurs de l’entreprise.
Les travailleurs du secteur bancaire et des institutions financières ont été particulièrement victimes de cette politique. La privatisation rapide des banques, accompagnée de plans de licenciements massifs, a eu pour conséquence d’affaiblir les syndicats. En outre, la loi 27-B, votée sous le gouvernement de Nawaz Sharif, a privé les travailleurs du secteur bancaire de tout droit politique.
Dans le secteur privé, les travailleurs d’Unilever sont engagés dans un mouvement de grande ampleur. La direction d’Unilever fait tout ce qu’elle peut pour réduire le nombre de travailleurs en contrat à durée indéterminée et recourir aux intérimaires. La direction a également déplacé des machines en dehors des usines d’Unilever dans le but de confier une partie de la production à des sous-traitants, où les conditions de travail sont pires que chez Unilever. En réponse, le syndicat d’Unilever, le CBA, a organisé de puissantes protestations. La direction d’Unilever a répliqué en portant plainte contre les dirigeants syndicaux – pour des charges fallacieuses – et a demandé l’intervention de la police dans les bâtiments de l’entreprise.
Les travailleurs du textile sont les plus affectés par la crise de l’économie pakistanaise. Le textile représente 60% des exportations du pays, mais du fait des mesures exigées par l’OMC et d’autres institutions internationales, cette industrie est en crise. Des milliers d’emplois ont été supprimés, et les conditions de travail sont devenues inhumaines.
Ce ne sont là que quelques exemples des conflits sociaux récents ou actuels, au Pakistan. Ils donnent une indication de la situation à laquelle les travailleurs de ce pays sont confrontés. Le fait d’organiser un syndicat et de se battre pour les droits des salariés y a toujours été très dangereux. Les patrons n’ont pas hésité, par le passé, à faire assassiner des dirigeants syndicaux. C’est d’ailleurs l’assassinat de notre camarade Arif Shah qui fut à l’origine de la création du PTUDC.
A présent, les camarades et travailleurs impliqués dans cette campagne ont plus que jamais besoin d’aide. Dans la période à venir, on doit s’attendre à davantage de grèves – et davantage de répression de la part de l’Etat. Nous demandons à tous les militants du mouvement ouvrier international de mettre le sort du syndicalisme pakistanais à l’ordre du jour, de faire adopter des résolutions de soutien et de condamner l’état d’urgence.
PTUDC, le 6 novembre 2007