Depuis le mois d’août, les marchés voient s’accumuler les mauvaises nouvelles en provenance d’Allemagne. Son PIB s’est contracté de 0,2 % au deuxième trimestre 2014. Son industrie recule : de 5,7 % pour les commandes et de 4 % pour la production. La Fédération Allemande des Industriels a dû baisser ses prévisions de croissance à deux reprises en octobre. Ces annonces et les prévisions de la Bundesbank, qui envisage une récession, ont fait souffler un vent de panique dans le monde des affaires. « Moteur de la croissance » en Europe, l’Allemagne était censée aider les autres économies de l’UE à se redresser. Il n’en sera rien.
Ce marasme économique s’explique par plusieurs facteurs. La consommation intérieure stagne, grevée – comme en France et dans la plupart des pays de l’UE – par le chômage et les mesures d’austérité, notamment le gel des salaires décidé par le gouvernement Merkel. Par ailleurs, l’économie allemande est très dépendante de ses exportations vers les pays de l’UE, où la crise et l’austérité ont réduit la capacité à absorber la production de la RFA. Les exportations allemandes ont aussi été victimes de la crise en Ukraine. Les exportations de l’Allemagne en Russie ont baissé entre 20 et 25 % depuis le début de l’année. Or, la Russie est l’un des principaux partenaires économiques de l’Allemagne. D’où les réticences de Merkel vis-à-vis des sanctions contre la Russie. La poursuite des mesures d’austérité en Europe et la récession en Ukraine – un autre client important de l’Allemagne – ne peuvent que miner davantage les exportations allemandes.
Face à cette situation, les capitalistes d’Allemagne et d’Europe n’ont que peu d’options. L’« assouplissement quantitatif » – c’est-à-dire le recours à la planche à billets – rencontre l’hostilité des capitalistes allemands, qui craignent ses conséquences inflationnistes. Mais la Banque Centrale Européenne semble s’orienter vers cette voie et il est probable que la bourgeoisie allemande finira par s’y résoudre. Mais cela n’apportera aucune solution durable au capitalisme européen. Cela pourrait, au mieux, ralentir la crise dans un premier temps, mais au prix de préparer une crise encore plus sévère.
Il n’y a pas d’autre solution, pour les capitalistes, que de réduire la production pour la ramener à un niveau que les marchés peuvent absorber. Autrement dit, ils sont poussés à détruire des forces productives. L’impasse du système et le cynisme de la bourgeoisie sont bien résumés par l’économiste bourgeois Wolfgang Munchau, qui a déclaré que de toutes les solutions envisageables pour relancer l’économie européenne, « la plus sûre » serait des bombardements aériens massifs. De nombreux analystes bourgeois envisagent une solution moins militaire, mais non moins douloureuse : des décennies d’austérité.
Le gouvernement de Merkel sera sans doute gravement affaibli par ce ralentissement économique, et ce, alors que le SPD de Thuringe vient d’accepter de participer à un gouvernement régional en coalition avec les Verts et Die Linke, ouvrant la voie à une possible alliance contre Merkel aux élections fédérales de 2017. Même si la défaite de Merkel représenterait un progrès et un encouragement pour la classe ouvrière allemande, les solutions proposées par Die Linke et le SPD ne seraient pas plus efficaces. Le SPD participe au gouvernement Merkel et approuve en grande partie sa politique économique, tandis que Die Linke ne propose que des mesures de relance keynésienne. Par exemple, une augmentation importante des salaires ne pourrait que diminuer les profits, donc l’investissement – et, in fine, limiter la croissance. Si Die Linke ne se résout pas à affronter la bourgeoisie et à adopter un programme socialiste, il ne pourra pas espérer résoudre les problèmes de la crise du capitalisme.
La classe ouvrière allemande va être confrontée à de nouvelles attaques contre ses conditions de vie et de travail. Face à cette perspective, il ne reste pas d’autre choix que la lutte. La seule solution pour les travailleurs d’Allemagne est de renverser le système capitaliste. Celui-ci ne peut plus produire que de la pauvreté et de l’austérité. Seul le socialisme, dans lequel la production n’a pas pour but le profit, mais la satisfaction des besoins de la population, peut apporter aux peuples d’Europe et du monde la garantie d’une vie décente !