Le cynisme de la bourgeoisie n’a pas de limites. Il atteint tous les domaines, même les plus macabres, comme celui des pandémies. Sous le capitalisme, l’existence de maladies peut rapporter de l’argent, massivement. Ces dernières années, alors que les services de santé ont été détruits par les politiques d’austérité, des investisseurs ont empoché des sommes colossales d’argent public en spéculant sur les pandémies. Depuis 2017, la Banque mondiale leur permet d’acheter des obligations qui peuvent rapporter jusqu’à 11 % d’intérêts par an, sous prétexte de lutte contre les pandémies dans les pays pauvres, notamment. Si une pandémie se déclare, ils perdent leur mise. Mais tout est prévu, les critères de déclenchements sont très restrictifs. Malgré de multiples crises sanitaires comme la rougeole ou Ebola en Afrique, qui ont fait des centaines de milliers de morts, ils n’ont jamais rien versé, et ont empoché plusieurs dizaines de millions d’euros d’intérêts. A l’heure où le Covid-19 fait des dizaines de milliers de morts et touche 180 pays, aucun centime n’a été déboursé.
Un cynique prétexte
En dernière analyse, le rôle historique des diverses institutions capitalistes est de redistribuer au capital les richesses produites par les travailleurs. Cette tendance a pris de l’ampleur depuis la crise économique de 2008 et se trouve exacerbée au vu de la crise actuelle. En effet, dans ces périodes, les profits indécents de la bourgeoisie sont menacés. Tout est bon pour ponctionner de l’argent public, même les désastres, la souffrance, les maladies et les morts. Les « pandemic bonds », dont le nom suffit pour en démontrer le cynisme, ne sont qu’un prétexte de plus pour enrichir des capitalistes dont la fortune dépasse déjà l’entendement. La Banque mondiale vend des obligations à des investisseurs qui touchent par la suite des « coupons », c’est-à-dire un rendement annuel. Et qui paie ces coupons ? Les Etats contributeurs qui sont le Japon, l’Australie et l’Allemagne, autrement dit, les travailleurs de ces pays-là.
Comme le souligne La Tribune, la banque mondiale a levé 320 millions d’euros d’investissements auprès de gestionnaires d’actifs comme Amundi, appartenant au Crédit Agricole, entre autres. Deux catégories d’obligations sont émises : une rapportant 6,5 % d’intérêts et qui ne fait perdre que 16,67 % du capital investi, et l’autre rapportant 11 %, mais qui risque la totalité de la somme. La première catégorie illustre de manière flagrante que ces « pandémic bonds » sont bel et bien un prétexte : la somme des intérêts perçus depuis 2017 – 96 millions d’euros – dépasse la somme qui serait versée en cas d’épidémie.
Mais ce n’est pas tout. Les critères de déclenchement des versements sont très restrictifs et tristement morbides. Il faut que l’épidémie en question dépasse un certain nombre de morts qui varie selon les régions du monde et qu’elle atteigne une certaine vitesse de propagation. Ces critères entrent en contradiction avec le prétexte initial formulé par la Banque mondiale : « un moyen d’aider à empêcher qu’une maladie infectieuse très grave ne devienne une pandémie ». Dans les faits, le virus doit causer des milliers de morts et se propager dans plusieurs pays pour que le financement soit déclenché, donc qu’il devienne précisément une pandémie. L’épidémie d’Ebola en 2018, au Congo, n’était apparemment pas assez grave pour que nos riches gagnent un peu moins, grâce à ces « pandemic bonds ». Les 140 000 vies emportées par la rougeole la même année, en grande majorité des enfants de moins de cinq ans, ne devaient pas être assez importantes pour eux.
De plus, le délai entre l’apparition du foyer épidémique et le déclenchement du financement doit être de 3 mois ! Durant cette période, le Covid-19 s’est étendu à 180 pays et a tué plus de 70 000 personnes. Mais ce n’est pas suffisant pour la Banque mondiale : elle a repoussé l’échéance de deux semaines et demie afin de vérifier si la pandémie était bien une pandémie, et que les critères étaient remplis. Autrement dit, les chances de voir la couleur de cet argent un jour paraissent aussi minces que l’humanité de nos investisseurs. En juillet 2020, les « bonds » arriveront à échéance, et ils récupéreront leur mise de départ, accompagnée de plusieurs dizaines de millions d’euros d’intérêts – en pleine période de pandémie.
Aucune confiance aux capitalistes !
Cette arnaque monumentale est à l’image de la société capitaliste dans laquelle nous vivons, qui se base sur le vol constant des richesses produites par les travailleurs. Afin de combattre les pandémies et plus largement pour protéger notre santé, nous ne pouvons faire confiance aux capitalistes. Des fonds publics doivent être investis en masse dans les hôpitaux, dans la recherche et plus largement dans les services publics. Les gouvernements capitalistes ne le feront pas, ça n’est pas dans leur intérêt – comme l’illustre ce scandale des « pandemic bonds ». Seul un gouvernement des travailleurs eux-mêmes prendrait les mesures qui s’imposent dans ce type de crise, dans l’intérêt du plus grand nombre.