Dans cet article écrit en 1970, à l’occasion du centenaire de la naissance de Lénine, Alan Woods explique la lutte engagée par le dirigeant bolchevik contre la bureaucratie soviétique naissante. Dans les deux dernières années de sa vie politique active, Lénine avait identifié les premiers symptômes de la dégénérescence bureaucratique en Russie. Ses articles sur ce thème sont un héritage fondamental pour les communistes. Article publié dans le numéro 1 de Défense du marxisme.


Dans la dernière période de sa vie, Lénine était surtout absorbé par les problèmes de l’économie soviétique. C’était l’époque de la Nouvelle Politique Économique (NEP) : en 1921, sous la pression de millions de petits paysans propriétaires, l’Etat ouvrier a été forcé de leur faire certaines concessions dans le but procurer des céréales aux ouvriers affamés des villes. Pour apaiser les paysans, dont le soutien était vital pour que l’Etat ouvrier ne succombe pas face à la réaction, la pratique héritée de la guerre civile et consistant à réquisitionner le blé a dû être abandonnée. Le libre marché des céréales a été rétabli. Cependant, les principaux leviers du pouvoir économique (le monopole du commerce extérieur et la nationalisation des banques et des industries lourdes) sont restés aux mains de l’Etat ouvrier.

Ce recul, qui avait été imposé aux bolcheviks, ne visait pas à créer une société socialiste sans classes, mais à éviter que des millions de personnes ne meurent de faim, à remettre sur pied une économie en ruine, à construire des maisons et des écoles – bref, à faire entrer la Russie dans le XXe siècle.

Le triomphe du socialisme exige un niveau de développement des forces productives sans précédent. C’est seulement lorsque les besoins élémentaires sont satisfaits, et la pauvreté éradiquée, que les pensées des hommes et des femmes peuvent s’élever au-dessus de la lutte acharnée pour la survie. De nos jours, les conditions d’une telle transformation existent déjà. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, plus rien ne justifie que des gens meurent de faim, dorment dans les rues ou ne sachent pas lire.

Les bases d’une société socialiste se trouvent dans la science, la technique et l’industrie créées par le développement du capitalisme lui-même, qui s’appuie sur toutes les ressources de la planète – mais de manière incomplète et anarchique. Seule une planification harmonieuse et centralisée de la production permettra de réaliser ce potentiel. Et une planification socialiste et démocratique de l’économie suppose la propriété collective des moyens de production.

Ces vérités élémentaires du marxisme allaient de soi pour Lénine et les bolcheviks. Ils n’ont pas mené les ouvriers à la victoire, en octobre 1917, en vue de « construire le socialisme » à l’intérieur des frontières de l’ancien empire tsariste, mais pour commencer la révolution socialiste internationale :

« C’est nous qui avons commencé cette œuvre », écrivait Lénine pour le quatrième anniversaire de la révolution d’Octobre. « Quand, dans quel délai, les prolétaires de quelle nation la feront aboutir, il n’importe. Ce qui importe, c’est que la glace est rompue, la voie est ouverte, la route tracée ».[1]

L’isolement de la révolution

Pour Lénine, l’importance de la révolution russe résidait dans l’exemple qu’elle donnait aux travailleurs du monde entier. L’échec de la vague révolutionnaire qui a balayé l’Europe entre 1918 et 1921 a été le facteur décisif dans les développements ultérieurs. Sur la base d’une révolution européenne victorieuse, les énormes richesses minérales et la vaste main-d’œuvre russes auraient pu être liées à la science, à la technique et à l’industrie de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et de la France. Des Etats-Unis socialistes d’Europe auraient pu transformer la vie des peuples d’Europe et d’Asie, ouvrant la voie à une Fédération socialiste mondiale. Au lieu de cela, en raison de la lâcheté et de l’ineptie des dirigeants du mouvement ouvrier, les classes ouvrières européennes ont été confrontées à des décennies de difficultés, de chômage, de fascisme – et à une nouvelle guerre mondiale. Dans le même temps, l’isolement du seul Etat ouvrier au monde, dans un pays arriéré et paysan, a ouvert la voie à sa dégénérescence bureaucratique et à la réaction stalinienne.

La défaite de la classe ouvrière allemande, en mars 1921, a contraint la République soviétique à se tourner vers ses propres ressources intérieures pour survivre. Dans un discours du 17 octobre 1921, Lénine en expliqua les conséquences :

« Vous ne devez pas oublier que notre pays des Soviets, tombé dans la misère après de longues années d’épreuves, n’est pas entouré par une France socialiste ou une Angleterre socialiste qui nous aideraient avec leur technique moderne et leur industrie moderne. Non ! Nous devons nous souvenir qu’actuellement toute leur technique moderne et toute leur industrie moderne appartiennent aux capitalistes qui agissent contre nous. »[2]

Pour survivre, il fallait contenter le désir du paysan de faire du profit, fût-ce au détriment de la classe ouvrière et du développement industriel, qui est la seule base possible d’une transition vers le socialisme.

Les concessions accordées aux paysans, aux petits commerçants et aux spéculateurs (les « Nepmen ») ont permis d’éviter un effondrement de l’économie en 1921-22. Le commerce entre la ville et la campagne a été rétabli, mais à des conditions très défavorables aux centres urbains. La baisse de la taxation des paysans a réduit les fonds nécessaires à l’investissement dans l’industrie. L’industrie lourde a stagné, alors qu’une grande partie de l’industrie légère était entre des mains privées. Le renouveau de l’agriculture n’a pas renforcé l’élément socialiste de la société soviétique, mais son élément capitaliste. D’énormes profits ont été réalisés par les « koulaks » (paysans riches) qui avaient les fermes les plus grandes, les plus productives, et le capital nécessaire pour l’équipement, les chevaux et les engrais. En fait, il est vite devenu clair qu’avec la NEP, la différence entre les riches et les pauvres, dans les villages, augmentait à un rythme alarmant. Les koulaks se sont mis à stocker le blé pour en faire monter le prix. Ils sont allés jusqu’à acheter les céréales des paysans pauvres pour les leur revendre plus tard – et plus cher.

Lénine observait ces tendances avec une grande inquiétude. A de nombreuses reprises, il a insisté sur la nécessité, pour la classe ouvrière, de garder un contrôle strict sur les principaux leviers de l’économie. Au quatrième congrès de l’Internationale communiste, en novembre 1922, Lénine résumait la question ainsi :

« Le salut pour la Russie n’est pas seulement dans une bonne récolte – cela ne suffit pas encore –, et pas seulement dans le bon état de l’industrie légère qui fournit aux paysans les objets de consommations – cela non plus ne suffit pas encore. Il nous faut également une industrie lourde. Or, pour la mettre en bon état, il faudra bien des années de travail. L’industrie lourde a besoin de subventions de l’Etat. Si nous ne les trouvons pas, c’en est fait de nous comme Etat civilisé, je ne dis même pas socialiste. »[3]

À cette époque, Lénine était aux prises avec le problème de l’électrification du pays, qui était un bon moyen de s’attaquer à son arriération économique. De son côté, Trotsky était préoccupé par la planification générale de l’industrie, qui avait été pratiquement perdue de vue sous la NEP. Il ne cessait de souligner qu’il fallait renforcer le « Gosplan », l’agence de planification de l’Etat, pour encourager une reprise générale et planifiée de l’industrie. Lénine, au début, se méfiait de l’idée – non parce qu’il rejetait la planification, mais à cause du fléau de la bureaucratie dans les institutions soviétiques, qui, craignait-il, transformerait un Gosplan élargi et renforcé en une montagne de paperasse.

Bien que leur approche de cette question ait été différente, Lénine et Trotsky étaient parfaitement d’accord sur l’urgente nécessité de renforcer les éléments socialistes dans l’économie et de mettre fin à la régression vers le « capitalisme paysan ». Cependant, la pression des koulaks était telle que même une partie de la direction bolchevique commença à céder. La question de savoir quelle route prendrait le régime soviétique a été posée ouvertement lors de la controverse sur le monopole du commerce extérieur, qui a éclaté en mars 1922.

Le monopole du commerce extérieur

Le monopole du commerce extérieur, établi en avril 1918, était une mesure vitale pour protéger l’économie soviétique contre sa pénétration et sa domination par le capital étranger. Sous la NEP, le monopole devint encore plus important comme rempart contre les tendances capitalistes croissantes. Au début de 1922, à la demande de Lénine, Lezhava rédigea des Thèses sur le commerce extérieur qui soulignaient la nécessité de contrôler strictement les exportations et les importations. Cependant, le Comité central bolchevik était divisé. Staline, Zinoviev et Kamenev s’opposaient aux positions de Lénine et préconisaient l’assouplissement du monopole. Quant à Sokolnikov, Boukharine et Piatakov, ils proposaient carrément son abolition.

Le 15 mai 1922, Lénine écrivit la lettre suivante à Staline :

« Camarade Staline,

Je propose, à la suite de cela, de faire adopter la directive suivante après avoir interrogé les membres du Bureau politique : “Le Comité central confirme le monopole du commerce extérieur et décide d’arrêter partout l’étude et la préparation de la fusion du Conseil Supérieur de l’économie nationale avec le Commissariat du Peuple au commerce extérieur.” A faire signer secrètement par tous les commissaires du peuple et renvoyer l’original à Staline, sans prendre de copie. »[4]

En même temps, il écrivit à Staline et à Froumkine (adjoint au Commissaire du Peuple chargé du commerce extérieur) en insistant sur le fait qu’il fallait « interdire formellement toutes les conversations, tractations, commissions, etc., visant à affaiblir le monopole du commerce extérieur ».[5]

La réponse de Staline était évasive : « Je n’ai pas d’objections contre “l’interdiction formelle” de tout ce qui tend à relâcher le monopole du commerce extérieur au stade actuel. Je crois toutefois que ce relâchement devient inévitable ».[6]

Le 26 mai 1922, Lénine subit sa première attaque cérébrale, qui l’écarta de toute activité politique jusqu’en septembre de la même année. Entre-temps, malgré les exigences de Lénine, la question du « relâchement » du monopole fut de nouveau soulevée. Le 12 octobre, lors de la session plénière du Comité central (CC), Sokolnikov présenta une résolution pour l’assouplissement du monopole du commerce extérieur. Lénine et Trotsky étaient absents ; la résolution fut adoptée à une écrasante majorité.

Le 13 octobre, Lénine écrivit au CC par l’intermédiaire de Staline, avec lequel il avait déjà discuté de la question. Lénine protesta contre la résolution du CC et exigea que la question soit soulevée à nouveau lors du prochain plénum de décembre. Par la suite, Staline écrivait aux membres du CC :

« La lettre du camarade Lénine ne m’a pas fait changer d’avis quant à la justesse de la décision du plénum du Comité central [...] Néanmoins, vu le caractère insistant de la proposition du camarade Lénine d’ajourner la mise à exécution de la décision du plénum du Comité central, je vote pour, afin que cette question soit discutée par le prochain plénum avec la participation de Lénine. »

Le 16 octobre, il a été convenu de reporter la question à la prochaine session plénière. Cependant, à mesure que la date de la plénière approchait, Lénine craignait de plus en plus que son état de santé ne lui permette pas de parler. Le 12 décembre, il écrivit sa première lettre à Trotsky pour lui demander de prendre sur lui « la défense de notre point de vue commun sur la nécessité impérieuse de conserver et de consolider le monopole du commerce extérieur ».[7]

Les lettres de Lénine indiquent clairement le bloc politique qui existait entre Lénine et Trotsky à cette époque. Elles soulignent la confiance implicite de Lénine dans les jugements politiques de Trotsky – confiance qui était le fruit de plusieurs années de travail commun à la tête de l’Etat soviétique. Ce n’est pas un hasard si, à ce moment-là, Lénine ne se tournait vers personne d’autre que Trotsky pour défendre son point de vue au CC. Ses autres collaborateurs de confiance, Froumkine et Stomoniakov, n’étaient pas membres du CC.

Apprenant l’existence d’un bloc entre Lénine et Trotsky, le CC recula sans combattre. Le 18 décembre, la résolution du 12 octobre fut abrogée sans condition. La première manche de la bataille contre l’aile pro-koulak de la direction du parti était remportée par la fraction léniniste. Cette lutte s’est poursuivie, après la mort de Lénine, sous la direction de Trotsky et de l’Opposition de gauche qui, seuls, défendaient fermement la bannière et le programme de Lénine face à la contre-révolution politique stalinienne.

La menace du bureaucratisme

Friedrich Engels expliquait que dans toute société où l’art, la science et le gouvernement sont l’apanage d’une minorité, celle-ci en usera et abusera dans son propre intérêt. Du fait de l’isolement de la révolution dans un pays arriéré, les bolcheviks ont été obligés de faire appel aux services d’une foule d’anciens responsables tsaristes pour faire fonctionner l’Etat et la société. Ces éléments, qui avaient pris le gouvernement ouvrier en otage dans les premiers jours de la révolution, ont progressivement réalisé que le pouvoir soviétique n’allait pas être écrasé par la force armée. Une fois la guerre civile terminée (en 1921), de nombreux anciens ennemis du bolchevisme ont commencé à s’infiltrer dans l’appareil d’Etat, les syndicats et même le parti.

La première « purge », en 1921, n’avait rien de commun avec les procès grotesques et monstrueux de la fin des années 30, au terme desquels toute la vieille direction bolchevique fut exécutée. En 1921, personne n’a été jugé, tué ou emprisonné. Mais des commissions spéciales ont été créées pour exclure les milliers de carriéristes et d’éléments bourgeois qui avaient adhéré au parti pour défendre leurs intérêts personnels. Les motifs d’exclusion du parti étaient « le bureaucratisme, le carriérisme, l’abus de la part des membres du parti de leur statut dans le parti ou dans les soviets, la violation des relations de camaraderie au sein du parti, la diffusion de rumeurs, d’insinuations ou d’autres rapports non fondés et non vérifiés, sur le parti ou des camarades, qui détruisent l’unité et l’autorité du parti ».[8]

Pour mener une lutte contre la bureaucratie naissante, Lénine préconisa la création d’une « Inspection ouvrière et paysanne » (le Rabkrin), qui serait l’arbitre et le gardien suprême de la morale interne au parti, d’une part, et d’autre part une arme contre les éléments étrangers dans l’appareil d’Etat soviétique. Au centre du Rabkrin, Lénine plaça un homme qu’il respectait pour ses capacités organisationnelles et sa fermeté : Staline.

Entre autres fonctions importantes, le Rabkrin examina la sélection et la nomination des travailleurs responsables dans l’Etat et le parti. Quiconque avait le pouvoir de freiner ou d’accélérer les « promotions » disposait évidemment d’une arme pouvant servir ses propres intérêts. Or Staline, précisément, n’avait aucun scrupule en la matière. D’arme dirigée contre la bureaucratie, le Rabkrin s’est transformé en un foyer d’intrigues carriéristes. Staline utilisa cyniquement sa position au Rabkrin, et plus tard son contrôle du Secrétariat du parti, pour rassembler autour de lui un bloc de « béni-oui-oui », c’est-à-dire de nullités dont la seule allégeance allait à l’homme qui les aidait à conquérir de confortables positions. Conçu pour être le garant suprême de la morale du parti, le Rabkrin a sombré dans les profondeurs les plus basses du cynisme bureaucratique.

Trotsky remarqua ce qui se passait avant Lénine, dont la maladie l’empêchait de surveiller étroitement le travail du parti. Trotsky souligna que « ceux qui travaillent au Rabkrin sont, pour la plupart, des travailleurs qui ont échoué dans d’autres domaines ». Il a attiré l’attention sur « la forte prévalence, connue de tous à travers le pays, de l’intrigue dans les organes du Rabkrin ».

Lénine a d’abord défendu le Rabkrin contre les critiques de Trotsky. Mais dans ses derniers articles, nous voyons Lénine prendre conscience de la menace du bureaucratisme et du rôle joué par Staline. Dans son article Comment réorganiser l’Inspection ouvrière et paysanne, Lénine liait cette question à la déformation bureaucratique de l’appareil d’Etat ouvrier :

« Notre appareil d’Etat, excepté le Commissariat du Peuple aux Affaires étrangères, constitue dans une très grande mesure une survivance du passé, et qui a subi le minimum de modifications tant soit peu notables. Il n’est que légèrement enjolivé à la surface ; pour le reste, c’est le vrai type de notre ancien appareil d’Etat. »

Puis, dans Mieux vaut moins mais mieux, le tout dernier article de Lénine, écrit le 2 mars 1923, il se livre à une attaque cinglante contre le Rabkrin :

« Parlons net. Le Commissariat du peuple de l’Inspection ouvrière et paysanne ne jouit pas à l’heure actuelle d’une ombre de prestige. Tout le monde sait qu’il n’est point d’institutions plus mal organisées que celles relevant de notre Inspection ouvrière et paysanne, et que dans les conditions actuelles on ne peut rien exiger de ce Commissariat. »

Dans le même article, Lénine formulait une remarque qui visait directement Staline : « nous avons des bureaucrates non seulement dans nos administrations soviétiques, mais aussi dans les organisations du parti ».

Le fait que Lénine ait vu en Staline le chef de file potentiel d’une fraction bureaucratique du parti est un exemple de sa clairvoyance. À cette époque, le pouvoir de Staline dans « l’appareil » était invisible pour la majorité même des membres du parti, tandis que la plupart des dirigeants ne le croyaient pas capable de l’utiliser, compte tenu de sa compréhension notoirement médiocre de la politique et de la théorie. Même après la mort de Lénine, ce n’est pas Staline mais Zinoviev qui a d’abord dirigé la « Troïka » (Zinoviev, Kamenev, Staline) et a commencé à éloigner le parti des traditions d’Octobre, sous couvert de lutter contre le « trotskisme ».

Ce n’est pas un hasard si le dernier conseil de Lénine au parti, dans son « Testament », a été de le mettre en garde la « brutalité » de Staline, son manque de « loyauté » et de « patience », et de préconiser sa destitution du poste de Secrétaire général, dont il risquait d’abuser.

La question géorgienne

La défaite de la révolution ouvrière en Europe a renforcé l’importance du travail de l’Internationale Communiste pour favoriser une révolution des peuples asservis de l’Est. De manière générale, la révolution d’Octobre a donné une puissante impulsion à la lutte des colonies contre leurs oppresseurs impérialistes. En particulier, le mot d’ordre du « droit des nations à l’autodétermination », inscrit sur la bannière du bolchevisme, résonnait dans le cœur de millions d’opprimés d’Asie et d’Afrique.

Un des premiers actes du gouvernement ouvrier fut de reconnaître l’indépendance de la Finlande, bien que cela signifiât l’octroi de l’indépendance à un gouvernement capitaliste hostile.

Naturellement, les marxistes sont très favorables à l’union de tous les peuples dans une Fédération socialiste mondiale. Cependant, une telle unité ne peut être réalisée par la force, mais seulement par le libre consentement des ouvriers et des paysans des différents pays. Surtout, lorsque les travailleurs d’une nation impérialiste prennent le pouvoir, il est impératif qu’ils respectent la volonté des peuples des anciennes colonies – même si cela doit signifier la séparation. L’unification peut être réalisée plus tard, sur la base de l’exemple et de la persuasion.

En 1921, l’Armée rouge a été forcée d’intervenir en Géorgie, dont le gouvernement complotait sans cesse, avec la Grande-Bretagne et d’autres puissances capitalistes, contre l’Etat soviétique. Lénine tenait absolument à ce que cette action militaire ne soit pas considérée comme l’annexion de la Géorgie par la Russie, ce qui aurait identifié l’Etat soviétique aux anciens oppresseurs tsaristes. Il a écrit de nombreuses lettres demandant à Ordjonikidzé, le représentant du CC russe en Géorgie, de poursuivre une « politique spéciale de concessions vis-à-vis des intellectuels et des petits commerçants géorgiens »[9], et préconisant la mise en place d’un « bloc avec Jordania ou des mencheviks géorgiens comme lui »[10]. Le 10 mars, il envoya un télégramme insistant sur la nécessité de « traiter avec un respect particulier les organismes souverains de Géorgie » et de « faire preuve d’une attention et d’une prudence particulières vis-à-vis de la population géorgienne »[11].

Cependant, les activités d’Ordjonikidzé en Géorgie étaient liées à la clique stalinienne du parti. Staline travaillait à des propositions pour l’unification de la Fédération socialiste et soviétique de Russie avec les autres Républiques soviétiques non russes. En août 1922, alors que Lénine était malade, une commission dont Staline était la figure dirigeante fut créée pour élaborer les termes de l’unification.

Lorsque les thèses de Staline furent publiées, le CC du Parti Communiste géorgien les rejeta fermement. Le 22 septembre, les dirigeants communistes géorgiens adoptèrent la motion suivante :

« L’union sous la forme d’une autonomisation des Républiques actuellement indépendantes, telle que proposée dans les thèses du camarade Staline, est prématurée. Nous considérons comme indispensable l’unification des efforts économiques et de la politique générale, mais il faut maintenir tous les attributs de l’indépendance. »[12]

Les protestations des Géorgiens sont restées lettre morte. Staline était déterminé à passer en force. La commission s’est réunie les 23 et 24 septembre, sous la présidence de Molotov, une marionnette de Staline. Elle rejeta la motion géorgienne, qui n’obtint qu’une seule voix pour (celle de Mdivani, le représentant géorgien). Le 25 septembre, les documents de cette commission furent envoyés à Lénine, en convalescence à Gorki. Sans attendre l’opinion de Lénine, et sans même une discussion au Bureau politique, le Secrétariat du parti (dominé par Staline) communiqua la décision de la commission à tous les membres du CC, en vue de la plénière d’octobre.

Le 26 septembre, Lénine écrivit au CC, via Kamenev, pour l’exhorter à la prudence sur cette question et le mettre en garde contre la tentative de Staline de précipiter les choses (« Staline aurait quelque peu tendance à brusquer les choses »[13]). Il ne se doutait pas encore des efforts déployés par Staline pour forcer l’unification. Cependant, même cette lettre indique son opposition à tout affront aux aspirations nationales d’un petit peuple, affront qui risquait de renforcer l’emprise du nationalisme.

« L’important, c’est de ne pas fournir des aliments aux “indépendantistes”, de ne pas supprimer leur indépendance, mais de construire un étage supplémentaire ; une fédération de républiques égales en droit. »[14]

Les amendements de Lénine visaient à adoucir le ton du projet de Staline pour tenir compte des « indépendantistes », même s’il considérait, à ce stade, qu’ils avaient tort. En réponse aux commentaires mesurés de Lénine, Staline rédigea un certain nombre de répliques brusques et hargneuses qu’il communiqua aux membres du Bureau politique, le 27 septembre, dont les suivantes :

« Dans le paragraphe 4, le camarade Lénine s’est, à mon avis, “trop hâté”… Il est à peine douteux que cette “hâte” ne serve aux “indépendants”, au détriment du libéralisme national de Lénine. »

La réponse grossière de Staline était l’expression de son mécontentement non dissimulé face à « l’ingérence » de Lénine dans ce qu’il considérait comme son domaine privé. Staline redoutait également l’issue d’une intervention de Lénine.

Les craintes de Staline étaient bien fondées. Suite à sa discussion avec Mdivani, Lénine eut la conviction que les affaires géorgiennes étaient mal gérées par Staline. Il se mit au travail en accumulant des preuves. Le 6 octobre, Lénine écrivit une note au Bureau politique, intitulée « Sur la lutte contre le chauvinisme national dominant » :

« Je déclare une guerre à mort au chauvinisme grand-russe. Aussitôt que je serai délivré de ma maudite dent, je le dévorerai avec toutes mes dents saines. »[15]

Lénine n’avait pas encore pleinement conscience de ce qui s’était passé en Géorgie. Il ne savait pas que Staline, pour renforcer sa position, avait procédé à une purge des meilleurs cadres du bolchevisme géorgien, remplaçant l’ancien CC par de nouveaux éléments plus « souples ».

Mais ce que Lénine savait était suffisant pour éveiller ses soupçons. La semaine suivante, il commença à collecter discrètement des informations sur « l’affaire » géorgienne. Il demanda au CC d’envoyer Rykov et Dzerjinski à Tiflis pour enquêter sur les plaintes des bolcheviks géorgiens.

Le testament de Lénine

Les 23 et 24 décembre, Lénine commença à dicter à sa secrétaire ses fameuses lettres au Congrès. Il souligna qu’elles devaient rester secrètes jusqu’au Congrès. Son travail méticuleux était interrompu par des épisodes de maladie. Mais plus il avançait, plus il comprenait clairement que l’ennemi central était l’appareil bureaucratique de l’Etat et du parti, dont la figure dirigeante était Staline.

Dans Ma Vie et d’autres écrits, Trotsky a rapporté sa dernière conversation avec Lénine, peu de temps avant sa deuxième attaque. Lénine lui suggérait de participer à une nouvelle commission de lutte contre la bureaucratie[16], et Trotsky répondit ceci :

« Vladimir Ilitch, je suis convaincu que, dans la lutte contre le bureaucratisme de l’appareil soviétique, nous ne devons pas perdre de vue le phénomène général qui domine la situation : une sélection spéciale de fonctionnaires et de spécialistes, de membres du Parti et d’hommes hors parti, au Centre et dans les provinces, même dans les bureaux locaux du Parti, est faite sur la base de la loyauté envers certaines personnalités dominantes du Parti et certains groupes à l’intérieur du Comité central lui-même. Chaque fois que vous attaquez un petit secrétaire, vous tombez sur un dirigeant important du Parti... Je ne pourrais donc pas, dans les circonstances présentes, travailler avec la commission dont vous parlez.

« Lénine se montra préoccupé pour un moment et – je cite ses paroles littéralement – me dit : “En d’autres termes, je vous propose une campagne contre le bureaucratisme de l’appareil soviétique et vous me proposez de l’étendre en y ajoutant le bureaucratisme du Bureau d’organisation du Parti ?”

« Je me mis à rire, tellement la remarque était pour moi inattendue : “Mettons qu’il en soit ainsi.”

« - “Eh bien ! alors, reprit Lénine, je vous propose un bloc.”

« - “Il est toujours agréable de faire un bloc honnête avec un honnête homme”, dis-je. »

Cette conversation éclaire d’une vive lumière le contenu des derniers écrits de Lénine, et notamment le fameux « Testament », les lettres sur la question nationale et Mieux vaut moins mais mieux. Le ton de ses lettres devient chaque jour plus acéré, ses cibles plus clairement définies. Quelle que soit la question traitée, l’idée centrale est la même : la nécessité de combattre la pression des classes étrangères sur l’Etat et le parti, d’éradiquer la bureaucratie, de lutter contre le chauvinisme grand-russe et la clique stalinienne dans le parti.

Malgré les demandes insistantes de Lénine pour que ses notes soient tenues strictement secrètes, la première partie du « Testament » a fini sur le bureau du Secrétariat et de Staline, qui comprit immédiatement le danger d’une intervention de Lénine et prit des mesures pour l’en empêcher. Il exerça de sévères pressions sur les secrétaires de Lénine pour l’empêcher de découvrir certaines choses, sous prétexte de le ménager.

Néanmoins, Lénine apprit de Dzerjinski que, parmi d’autres outrages perpétrés par la fraction stalinienne, Ordjonikidzé était allé jusqu’à frapper l’un des opposants géorgiens. Cela peut sembler insignifiant par rapport à la terreur stalinienne ultérieure, mais cela choqua profondément Lénine. Dans son journal du 30 janvier 1923, sa secrétaire nota les paroles de Lénine : ‘Juste avant ma maladie, Dzerjinski m’a parlé du travail de la commission et de l’“incident”, et cela m’a fait une très pénible impression’[17].

Pour comprendre la signification de cet « incident », il faut connaître les relations entre les Russes (plus exactement les Grand-russes) et les minorités nationales qui, sous les tsars, étaient traitées avec le même mépris et le même arbitraire barbare que les Noirs et les Indiens sous l’Empire britannique. La tâche historique de la révolution russe était de relever ces minorités dans leurs droits et leur dignité. La violence d’un représentant grand-russe à l’égard d’un Géorgien était un crime contre l’internationalisme prolétarien, une monstruosité qui devait être punie de la manière la plus sévère – à commencer par l’exclusion du parti. C’est pourquoi Lénine, scandalisé, exigea une « punition exemplaire » contre Ordjonikidzé.

Staline faisait tout son possible pour que Lénine ne reçoive pas d’informations en provenance de Géorgie. De nombreux passages des journaux des secrétaires de Lénine donnent une image claire de ce harcèlement bureaucratique :

« Le jeudi 25 janvier, il [Lénine] a demandé si ce dossier [du comité géorgien] était arrivé. J’ai répondu que Dzerjinski n’arriverait que samedi. C’est pourquoi je n’avais pu le lui demander.

« Samedi, j’ai demandé à Dzerjinski qui m’a dit que la documentation était chez Staline. J’ai envoyé une lettre à Staline, il était absent de Moscou. Hier, 29 janvier, Staline a téléphoné en disant qu’il ne pouvait me remettre le dossier sans l’autorisation du Bureau politique. Il m’a demandé si je ne racontais pas à Vladimir Ilitch des choses inutiles, et comment il se faisait qu’il sache où en sont les affaires courantes. Par exemple, son article sur l’Inspection ouvrière et paysanne montre qu’il connaît un certain nombre de détails. J’ai répondu : Je ne raconte rien et je n’ai aucune raison de croire qu’il soit au courant. Aujourd’hui, Vladimir Ilitch m’a appelée pour savoir la réponse et il a dit qu’il allait se battre pour qu’on lui fournisse la documentation. »[18]

Ces quelques lignes révèlent crûment les méthodes bureaucratiques et d’intimidation par lesquelles Staline tentait de défendre sa position contre Lénine, qu’il craignait énormément, même sur son lit de mort. C’était une illustration très claire de la « brutalité » et de la « déloyauté » dont Lénine accusait Staline, dans son « Testament ».

Mieux vaut moins mais mieux

L’attitude méfiante de Lénine à l’égard de la commission de Dzerjinski et du comportement du CC se reflète dans ses instructions à ses secrétaires :

« 1) Pour quelles raisons l’ancien CC du P.C. de Géorgie a-t-il été accusé de déviation. 2) En quoi consistait la violation de la discipline du parti qui leur a été reprochée. 3) Pourquoi accuse-t-on le Comité de territoire de Transcaucasie d’avoir étouffé le CC du P.C. de Géorgie. 4) Moyens physiques de coercition (“biomécanique”). 5) La ligne du CC [du P.C.(b)R.[19]] en l’absence de Vladimir Ilitch et en présence de Vladimir Ilitch. 6) L’attitude de la commission. A-t-elle examiné uniquement les accusations portées contre le CC du P.C. de Géorgie ou également celles contre le Comité de territoire de Transcaucasie ? A-t-elle examiné le cas de la “biomécanique” ? 7) Situation actuelle (la campagne électorale, les mencheviks, la répression, la mésentente entre nationalités). »[20]

La prise de conscience croissante, par Lénine, des méthodes déloyales et malhonnêtes de certains éléments au sommet du parti le rendait méfiant à l’égard de son propre secrétariat. Ses secrétaires n’étaient-ils pas, eux aussi, bâillonnés par Staline ?

« Le 24 janvier, Vladimir Ilitch m’a dit “Avant tout, en ce qui concerne notre affaire « confidentielle » : je sais que vous ne me dites pas la vérité”. Comme je l’assurais du contraire, il a dit : “J’ai mon opinion là-dessus”. »[21]

Avec difficulté, Lénine parvint à apprendre que le Bureau politique avait accepté les conclusions de la commission de Dzerjinski. C’est à ce moment (du 2 au 6 février) que Lénine a dicté Mieux vaut moins mais mieux, son attaque la plus directe contre Staline et la bureaucratie du parti. Les événements géorgiens avaient convaincu Lénine que le chauvinisme pourri de l’Etat était l’indication la plus dangereuse de la pression des classes étrangères :

« Les choses vont si mal avec notre appareil d’Etat, pour ne pas dire qu’elles sont détestables, qu’il nous faut d’abord réfléchir sérieusement à la façon de combattre ses défauts ; ces derniers, ne l’oublions pas, remontent au passé, lequel, il est vrai, a été bouleversé, mais n’est pas encore aboli ».

Lors de sa dernière apparition publique à un rassemblement politique, au XIe Congrès du P.C.(b)R, Lénine avait averti que la machine d’Etat échappait au contrôle des communistes :

« L’Etat n’a pas fonctionné comme nous l’entendions. Et comment a-t-il fonctionné ? La voiture n’obéit pas : un homme est bien assis au volant, qui semble la diriger, mais la voiture ne roule pas dans la direction voulue ; elle va où la pousse une autre force – force illégale, force illicite, force venant d’on ne sait où –, où la poussent les spéculateurs ou peut-être les capitalistes privés, ou peut-être les uns et les autres, – mais la voiture ne roule pas tout à fait, et, bien souvent, pas du tout comme se l’imagine celui qui est au volant »[22].

Le poison du nationalisme, qui était le trait le plus caractéristique de toutes les formes de stalinisme, avait ses racines dans la réaction du petit-bourgeois, du koulak, du nepman et du fonctionnaire soviétique contre l’internationalisme révolutionnaire d’Octobre.

La rupture avec Staline

Lénine a proposé de lutter contre cette réaction lors du Congrès à venir, en alliance avec Trotsky – le seul membre du CC en qui il pouvait avoir confiance pour défendre son point de vue.

Il proposa de traiter personnellement la question du Rabkrin ; il « préparait une bombe » contre Staline. Sa conviction que l’appareil du parti complotait pour le maintenir à l’écart est illustrée par la remarque de sa secrétaire selon laquelle « en outre, Vladimir Ilitch paraît avoir l’impression que ce ne sont pas les médecins qui donnent des indications au Comité central, mais que le Comité central donne des instructions aux médecins ».[23]

Les soupçons de Lénine n’étaient que trop bien fondés. L’une des idées sérieusement envisagées par le CC à cette époque était l’impression d’un numéro spécial et unique de la Pravda, spécialement pour la consommation de Lénine, afin de le tromper sur l’affaire géorgienne !

L’argument selon lequel tout cela était pour le bien de la santé de Lénine ne tient pas la route. Comme il l’a lui-même expliqué, rien ne l’agitait et ne le troublait autant que les actions déloyales des membres du CC et le tissu de mensonges qui camouflaient ces actions. La véritable attitude de Staline envers Lénine a été révélée dans un incident monstrueux impliquant Kroupskaïa, l’épouse de Lénine. Tentant de défendre son mari malade contre les manœuvres et les pressions de Staline, elle a subi la brutalité du soi-disant « disciple loyal ». Kroupskaïa décrit l’incident dans une lettre à Kamenev datée du 23 décembre 1922 :

« Léon Borisovitch,

À la suite d’une courte lettre que m’a dictée Vladimir Ilitch, avec l’autorisation des médecins, Staline est entré hier dans une violente et inhabituelle colère contre moi. Ce n’est pas d’hier que je suis au parti. Au cours de ces trente années, je n’ai jamais entendu d’aucun camarade un mot grossier. Les affaires du parti et celles d’Ilitch me sont aussi chères qu’à Staline. J’ai besoin aujourd’hui d’un maximum de sang-froid. Ce que l’on peut – et ce que l’on ne peut pas – discuter avec Ilitch, je le sais mieux que n’importe quel médecin, parce que je sais ce qui le rend ou ne le rend pas nerveux. En tout état de cause, je le sais mieux que Staline. »

Kroupskaïa a supplié Kamenev, un ami personnel, de la protéger « des ingérences brutales dans ma vie privée, des viles invectives et des basses menaces », ajoutant qu’en ce qui concerne la menace de Staline de la traduire devant une commission de contrôle, « je n’ai ni force, ni temps à perdre dans cette stupide querelle. Je suis un être humain, et mes nerfs sont tendus à l’extrême. »

La menace de Lénine de rompre toute relation de camaraderie avec Staline et ses accusations de « brutalité », dans le « Testament », sont souvent expliquées par de vagues allusions à cet incident. Mais en premier lieu, ce que Staline a fait n’était pas une affaire « personnelle » ; c’était une grave faute politique, passible d’exclusion du parti. L’infraction était d’autant plus grave que, du fait de sa position dans le parti, Staline était censé lutter contre de tels comportements, et non s’y livrer lui-même.

Cependant, ce « petit incident » doit être replacé dans son contexte. Ce n’était que la manifestation la plus désagréable et la plus évidente de la déloyauté de Staline.

Les derniers jours actifs de Lénine furent consacrés à l’organisation de son combat contre la fraction stalinienne, au Congrès. Il écrivit une lettre à Trotsky, lui demandant de s’occuper de la défense des camarades géorgiens, et une autre aux dirigeants géorgiens, s’engageant chaleureusement à les défendre. Il convient de noter que des expressions telles que « de tout mon cœur » et « avec mes meilleures salutations de camarade » sont très rares dans les lettres de Lénine, qui préférait un style plus sobre. De telles formules étaient un signe de son engagement dans la lutte. Il faut aussi souligner que le bloc de Lénine constituait une fraction politique – ce que les staliniens appelèrent plus tard un « bloc anti-parti ». Les staliniens avaient déjà organisé leur fraction qui contrôlait la machine du parti.

Fotieva, la secrétaire de Lénine, a pris les dernières notes de Lénine sur la question géorgienne, manifestement en préparation d’un discours au Congrès :

« Indications de Vladimir Ilitch : faire comprendre à Soltz[24] que lui [Lénine] se range du côté de celui qui est offensé. Faire comprendre à quelqu’un parmi ceux qui sont offensés, qu’il est de leur côté. Trois éléments : 1. Il ne faut pas se battre. 2. Il faut faire des concessions. 3. On ne peut pas comparer un grand Etat avec un petit. Est-ce que Staline le savait ? Pourquoi n’a-t-il pas réagi ? Traiter les gens de “déviationniste” pour tendance au chauvinisme et au menchevisme dénote la même déviation chez ceux qui font preuve d’un chauvinisme de grande puissance. Rassembler pour Vladimir Ilitch les articles de presse. »[25]

Le 9 mars 1923, Lénine a subi son troisième accident vasculaire cérébral, qui l’a laissé paralysé et impuissant. La lutte contre la dégénérescence bureaucratique est passée entre les mains de Trotsky et de l’Opposition de gauche. Mais Lénine avait jeté les bases du programme de l’opposition – contre la bureaucratie, contre la menace koulak, pour l’industrialisation et la planification socialiste, pour l’internationalisme socialiste et la démocratie ouvrière.


 

[1] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 33, p. 49

[2] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 33, p. 66

[3] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 33, p. 438

[4] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, pp. 442-443

[5] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 45, pp. 566-567

[6] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 639

[7] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 45, p. 622

[8] Cité dans Histoire de la Russie soviétique, E.H Carr.

[9] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 32, p. 166

[10] Ibid

[11] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 35, p. 493

[12] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 641

[13] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 446

[14] ibid

[15] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 33, p. 379

[16] Voir l’article de Lénine intitulé « Comment réorganiser l’inspection ouvrière et paysanne ».

[17] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 512

[18] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, pp. 512-513

[19] Parti Communiste (bolchevik) de Russie

[20] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 663

[21] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 513

[22] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 284

[23] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42. pp. 521-522

[24] Membre du présidium de la Commission centrale de contrôle du P.C.(b).R.

[25] Lénine, Œuvres complètes, Vol. 42, p. 662

Tu es communiste ? Rejoins-nous !