Le 17 novembre dernier, nous avons remis à Jacques Chabalier, responsable national à la « vie du parti », le texte alternatif Combattre l’austérité, en finir avec le capitalisme et une liste de 340 signatures. Le 22 novembre, L’Humanité annonçait que seules 233 signatures avaient été validées, les 107 autres ayant donc été rejetées. Dans la foulée, la direction du parti a envoyé un courrier aux signataires « recalés » pour leur expliquer laconiquement le motif de cette invalidation – dans l’écrasante majorité des cas : « pas à jour de cotisations ».
Cette proportion de signatures rejetées – près d’un tiers ! – nous a tout d’abord surpris. En effet, nous avions pris soin de rappeler systématiquement aux camarades qu’ils ne pouvaient pas signer notre texte alternatif s’ils n’étaient pas à jour de cotisations depuis au moins trois mois, conformément aux statuts. Mais les jours passant, nous avons commencé à recevoir des coups de téléphone et des e-mails de camarades signataires nous signalant qu’ils avaient reçu le fameux courrier de la direction alors qu’il ne fait aucun doute, d’après eux et leur trésorier de section, qu’ils sont bien à jour de cotisations.
A ce jour, près d’une trentaine de camarades se sont ainsi manifestés. Mais combien ont été victimes de cette « erreur », au total ? Nous l’ignorons. Sans doute davantage. Malgré plusieurs demandes de notre part, le pôle « vie du parti » ne nous a toujours pas communiqué la liste des signatures rejetées. Si l’on en croit ce que nous dit Jacques Chabalier, ce qui retarderait l’envoi de cette liste, c’est une deuxième vérification des signatures invalidées. A quoi pourrait bien servir une deuxième vérification, puisque le nombre de signatures rejetées a été annoncé publiquement ? Cela n’a de sens que si c’est pour publier un correctif et des explications dans L’Humanité ou Communistes. Il est permis d’en douter, mais nous le souhaitons et le demandons.
Les camarades concernés sont souvent très remontés. On les comprend : au-delà des enjeux immédiats du 36e congrès, le courrier qu’ils reçoivent est une négation froide et administrative de leur statut de militant communiste, alors qu’ils sacrifient au parti du temps, de l’énergie et de l’argent, parfois depuis de nombreuses années. Par exemple, l’un de nos signataires, militant de longue date, écrit : « j’ai un goût amer d’apprendre que pour notre parti je n’existe pas ». Cette amertume est sans doute ressentie par tous les camarades qui se retrouvent dans cette situation. Et cela ne vaut pas que pour notre texte : d’après les protestations publiées par les initiateurs des deux autres textes alternatifs, de nombreux signataires de ces derniers connaissent les mêmes déboires.
Comment en est-on arrivé là ? Cette question, c’est d’abord aux dirigeants du parti concernés d’y répondre. On la leur pose. Mais en attendant une éventuelle réponse, voici ce que nous en pensons. De toute évidence, les dirigeants du parti chargés de vérifier les signatures ont travaillé « à la hache ». Bien qu’il règne une vaste et notoire pagaille dans les fichiers des adhérents et cotisants du parti, ils ne sont pas allés chercher plus loin que cette pagaille, et, par exemple, n’ont pas pris la peine de vérifier la situation de cotisants des signataires auprès des mieux informés sur le sujet : les trésoriers de section. Plusieurs trésoriers de section nous ont expliqué ne pas avoir été contactés, alors qu’une ou plusieurs signatures relevant de leur section étaient indûment rejetées.
Morgue bureaucratique
Lors du dernier Conseil National, Fabienne Haloui, responsable de la « Commission chargée de la transparence des débats » du congrès, a fait un rapport sur les textes alternatifs. Publiée dans le supplément Communistes du 28 novembre, son intervention est une insulte à tous les signataires injustement recalés – ainsi qu’aux initiateurs de textes alternatifs.
Ecoutons la camarade Haloui, en gardant à l’esprit ce qui précède : « La Commission chargée de la transparence des débats en toute "transparence" doit vous communiquer les motifs qui ont conduit à l’invalidation de plus d’1 signataire sur 3 puisque 376 signataires ont été invalidés, c’est considérable. […] Certains signataires sont bien adhérents de notre parti mais ne se sont pas acquittés de leur cotisation, dans ces conditions ils ne peuvent exercer leur souveraineté. D’autres signataires annoncés n’étaient pas adhérents du Parti communiste français. Vous ne m’en voudrez pas de penser qu’il est curieux, voire même surprenant de constater que des personnes qui n’appartiennent pas à une organisation puissent vouloir décider de ses orientations et de son avenir. D’autres signataires étaient bien adhérents de notre parti et à jour de leurs cotisations, mais leur soutien à un texte alternatif n’a pu être validé car ils s’étaient engagés à soutenir plusieurs textes alternatifs. Ce motif d’invalidation est aussi curieux que celui de ne pas être adhérent. Comme il n’est pas dans mon rôle présentement de polémiquer, je me contenterai de penser qu’il est urgent d’améliorer notre fonctionnement démocratique. »
La camarade Haloui trouve « considérable » le nombre de signatures rejetées. Nous trouvons, nous, considérable le nombre de signatures injustement rejetées – et considérable, aussi, le cynisme d’une dirigeante nationale qui ne peut pas l’ignorer, mais qui se moque apparemment de l’impact que cela peut avoir sur les signataires indûment recalés. Ceci dit, Fabienne Haloui peut toujours prouver sa bonne foi en présentant des excuses publiques à tous ces camarades : nous nous ferons un devoir de les publier.
Fabienne Haloui évoque deux autres « motifs » d’invalidation des signatures. Il y a d’abord des signataires qui, dit-elle, ne sont pas membres du PCF. On ignore ce qu’il en est pour les deux autres textes alternatifs, mais pour ce qui est du nôtre, cela ne pourrait se compter que sur un ou deux doigts de la main. Par ailleurs, nous avons déjà évoqué le désordre qui règne dans les fichiers du parti. Il est probable que les noms de militants actifs, voire même cotisants, n’aient pas eu la grâce d’apparaître sur les écrans d’ordinateurs des dirigeants qui ont contrôlé les signatures et n’ont pas pris la peine de contacter les secrétaires de section. Là encore, il nous semble que Fabienne Haloui est bien placée pour le savoir ; son ironique « surprise » est donc très malvenue.
Troisième motif de refus : les camarades qui ont signé plusieurs textes alternatifs (nous en avons une dizaine dans ce cas). Et Fabienne Haloui d’ironiser à nouveau : elle trouve cette démarche « curieuse ». Or les statuts ne disent rien à ce sujet. Mais surtout, on attend d’une dirigeante du parti qu’elle respecte tous les militants communistes, quels qu’ils soient, qu’ils signent un, deux ou cinquante textes alternatifs. Au lieu de quoi Fabienne Haloui déverse publiquement sa morgue bureaucratique sur le choix « curieux » de camarades qu’elle ne connait pas et dont manifestement elle se contrefiche. C’est indigne d’une dirigeante du PCF.
Pour finir, Fabienne Haloui se félicite des amendements aux statuts proposés par le CN, qui, explique-t-elle, prévoient notamment que « celles et ceux qui souhaiteront porter une base de discussion alternative devront manifester leur soutien en produisant une attestation signée accompagnée d’un justificatif de paiement de leurs cotisations. » Mais bien sûr ! Quelle merveilleuse idée ! N’est-ce pas la plus brillante façon de contourner, d’un seul coup, à la fois l’incurie des dirigeants qui vérifient les signatures et le problème du désordre qui règne dans les fichiers nationaux des adhérents et cotisants ? Tant qu’à y être, il faudrait souligner que « l’attestation signée » n’est pas une garantie suffisante : elle peut toujours être falsifiée. Le plus sûr, ce serait donc de relever les empreintes digitales de tous les militants communistes et de demander aux signataires de textes alternatifs de les apposer à nouveau sur leur « attestation signée ». Quant aux camarades qui trouveraient cette méthode un peu « curieuse », on leur enverra Fabienne Haloui : elle saura trouver les mots.
Le rapport de la camarade Haloui, comme toute cette affaire des signatures, sont des symptômes évidents des dysfonctionnements démocratiques qui existent dans notre parti. Ils illustrent le dilettantisme et l’arrogance de bien des dirigeants nationaux, habitués à balayer toute critique d’un revers de main. Le congrès est l’occasion de prendre des mesures pour commencer à régler ce problème. Et une première mesure, encore une fois, ce serait un article de la « commission de transparence des débats », publié dans L’Humanité ou Communistes, qui reconnaisse ses erreurs. Elle le doit bien à tous les camarades à jour de cotisations dont la signature a été invalidée.