Le Front National prône la sortie de l’Union Européenne par la mise en place de barrières douanières, d’un retour au franc et de dévaluations compétitives. Les barrières douanières serviraient à taxer davantage les produits importés, à leur imposer des quotas ou d’autres restrictions. Or, plus que jamais, l’économie « nationale » est inextricablement liée à l’économie mondiale, et en particulier à l’économie européenne. Une politique protectionniste entraînerait inéluctablement des mesures de rétorsion de la part des pays dont les exportations vers la France seraient entravées. Si, dans tel ou tel cas, les marchés et les profits de certains capitalistes seraient mis à l’abri de la concurrence étrangère, d’autres verraient leurs marchés disparaitre sous le coup des mesures de rétorsion. Les mesures et contre-mesures protectionnistes mèneraient à une contraction du volume général des échanges. Par conséquent, il y aurait moins de débouchés pour la « production nationale » – que le FN prétend défendre. Le protectionnisme ne signifierait pas la défense des emplois, mais leur destruction à une échelle encore plus massive.
La proposition de rétablir le franc français relève de la même logique protectionniste. Selon Marine Le Pen, le passage à l’euro a privé le gouvernement de « l’arme monétaire » pour protéger le marché intérieur. Il y a un élément de vérité dans cette affirmation. Avant l’euro, les gouvernements nationaux pouvaient recourir à des dévaluations dans le but de protéger les profits et les marchés des capitalistes. Une dévaluation a pour effet de renchérir les produits importés, ce qui les rend moins compétitifs. Cependant, cette forme de « protection » entraînerait mécaniquement une augmentation des prix – et donc unebaisse du pouvoir d’achat des travailleurs.
Certains travailleurs se laissent séduire par l’idée de rétablir le franc. Ils ont constaté que depuis la mise en place de l’euro, les prix ont augmenté bien plus vite que les salaires, surtout en ce qui concerne les postes de dépenses qui forment les « premières nécessités » des ménages. La pression constante sur le pouvoir d’achat est telle qu’en plus des huit millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, une dizaine de millions d’autres n’en sont pas loin. Indiscutablement, dans la période suivant l’introduction de l’euro, les capitalistes en ont profité pour augmenter le prix de très nombreux produits de consommation courante. Cependant, l’idée que le rétablissement de la monnaie nationale aurait un impact positif sur les conditions de vie des travailleurs est totalement illusoire.
Depuis longtemps, le capitalisme français perd du terrain sur les marchés internationaux, et même sur le marché intérieur. Ce recul concerne pratiquement tous les secteurs de l’économie. Le solde de ses échanges commerciaux est aujourd’hui massivement négatif, avec 46 milliards de déficit en 2010. Dans ces conditions, auxquelles il faut ajouter une dette publique de 1600 milliards d’euros, le franc serait une monnaie très faible. Sa valeur sur les marchés internationaux ne serait pas seulement déterminée par le gouvernement, mais aussi et surtout par la loi du marché – de l’offre et de la demande – et par les intérêts des spéculateurs financiers. Quant à la dévaluation « compétitive » que propose le Front National, elle viserait à pénaliser les pays exportant vers la France et à rendre les exportations françaises plus compétitives. Mais là encore, cette mesure protectionnistene resterait pas sans réponse de la part des autres pays. Même si l’on accepte l’idée qu’une dévaluation pourrait donner un avantage aux exportations françaises, cet avantage serait rapidement annulé par des dévaluations et des mesures de rétorsion hostiles. Ce sont les travailleurs de tous les pays qui subiraient les conséquences d’une guerre douanière et monétaire, car elle ferait automatiquement grimper les prix des produits importés. Une dévaluation se traduit tout d’abord par une baisse du pouvoir d’achat des salaires.
Soit dit en passant, un retour au franc suivi d’une dévaluation se traduirait par une augmentation massive de la dette publique de l’Etat français, qui est en euros. De manière générale, loin de résoudre la crise économique, des mesures protectionnistes de ce type l’aggraveraient à l’extrême, dans les conditions actuelles. Elles mèneraient non pas à la sauvegarde de la production nationale, mais à son effondrement.
Comme pour tous les autres éléments de son programme, le Front National est ici parfaitement dans son rôle de marchand d’illusions. A des fins électorales, il exploite le manque de connaissances des travailleurs sur le fonctionnement de l’économie capitaliste. Et il exploite, surtout, l’expérience des gouvernements de gauche, qui a montré l’incapacité des directions réformistes du PS – et de notre propre parti, également – à défendre les intérêts des travailleurs. Les salariés, chômeurs et retraités qui se laissent impressionner par le programme économique et la démagogie « anti-européenne » du Front National cherchent avant tout une solution à leurs problèmes. Ils sentent confusément que des petits ajustements seront sans effet, et tombent dans le piège de la tonalité « révolutionnaire » de la propagande du FN.
Le combat contre le Front National – et contre tous les autres partis capitalistes – passe avant tout par la mise en avant d’un programme pour combattre l’exploitation, le chômage, la pauvreté et toutes les autres manifestations de la régression sociale. Les phrases creuses sur les « valeurs républicaines » n’auront aucun effet, puisque ce sont précisément les « valeurs » boursières et capitalistes qui constituent la raison d’être de la république actuelle, comme d’ailleurs de l’Union Européenne. Le programme dont nous avons besoin ne peut être que communiste, car il faut s’attaquer à la racine du mal, à savoir la propriété capitaliste des banques, de l’industrie et de toutes les grandes entreprises qui dominent la vie économique du pays. L’idée que le capitalisme français serait plus performant en dehors de l’Union Européenne est une illusion, comme tout le reste du programme du FN. Oui, il faut sortir de l’Union Européenne capitaliste. Mais il faut en sortir de façon révolutionnaire. Notre but n’est pas de séparer la France capitaliste de l’Union Européenne, mais d’en finir avec le capitalisme, en France et à travers le continent.