De notre correspondant, à Malte
En plus de tous ses autres défauts – que, faute de temps, nous n’énumérerons pas – Nicolas Sarkozy est un homme ingrat. Sa victoire ouvrait à tous ses « amis » politiques et journalistes la possibilité de se lancer dans un véritable concours d’apologies serviles. Tous avaient à cœur de se briser la colonne vertébrale en public, à force de courbettes. Hélas ! Il y eut le Fouquet’s, le jet privé et la croisière de trois jours sur une sorte de palace flottant prêté par un grand patron français, Mr Bolloré. Face à tant d’arrogance, l’inspiration de l’armée d’admirateurs retomba brusquement, laissant place à une vague frustration mêlée d’angoisse. Même Le Figaro ne put s’empêcher de soupirer.
Embarrassés, et sans doute secrètement consternés, les « lieutenants » de Sarkozy prirent courageusement sa défense : « On a tous droit à des vacances ! La campagne fut éprouvante, etc. » Soit. Pour nous aussi, en un sens, la campagne de Sarkozy fut éprouvante. Mais reste, tout de même, la valeur de cette escapade : près de 200 000 euros. Tout cela n’était-il pas un brin luxueux pour celui qui, la veille, se proclamait le « président de tous les Français », dont la grande majorité ne pourraient pas se payer une nuit dans un placard à balais du Fouquet’s ?
Sur ce point, la ligne de défense des Sarkozystes est radicale : « Cela n’a rien coûté ! ». Pardi ! Mr Bolloré, un patron milliardaire qui, par hasard, s’est lié d’amitié avec Sarkozy, lui a fait un amical petit cadeau : voilà tout. Ceci-dit, ont peut aussi voir les choses sous un autre angle : Mr Bolloré, qui a amassé une indécente fortune personnelle en exploitant jusqu’à la corde des dizaines de milliers de travailleurs, a trouvé judicieux de remercier Sarkozy pour son programme ultra-réactionnaire. Après tout, si Sarkozy parvenait à appliquer ce programme, Mr Bolloré devrait accroître encore sa fortune sur notre dos, et cela mérite bien d’en sacrifier une minuscule part au nouveau président de la République, sous la forme d’une ridicule petite croisière de rien du tout !
Dans un mouvement d’humeur, Mr Fillon a déclaré : « Nicolas Sarkozy mérite bien qu’on lui foute la paix ».
Certainement pas !