Le programme de la France insoumise, L’Avenir en commun, comprend dans son volet économique des mesures dites de « protectionnisme solidaire ». Il s’agirait notamment d’adopter « des mesures anti-dumping d’urgence sur les industries stratégiques » et d’augmenter « les droits de douane pour les pays aux droits sociaux limités (travail des enfants, absence de droits syndicaux) ».
Une protection pour qui ?
Le programme affirme qu’il s’agit de protéger les droits sociaux, l’emploi et l’appareil productif français. Il est vrai que le « libre-échange » capitaliste n’a que faire des droits sociaux ; il obéit uniquement à la recherche du profit. Cependant, des barrières commerciales protègeraient d’abord – temporairement – les profits des entreprises capitalistes françaises, qui seraient ainsi « protégées » de la concurrence étrangère, sans que cela implique la moindre contrepartie sociale. Au contraire, le niveau de vie des travailleurs serait directement frappé : les droits de douane imposés sur les produits importés – qui sont souvent achetés par les plus pauvres, car moins chers que les produits français – feraient augmenter leurs prix.
Par ailleurs, les mesures protectionnistes sont très contagieuses. Un pays visé par des mesures protectionnistes sera naturellement tenté de répliquer, déclenchant un cercle vicieux. N’oublions pas qu’une telle avalanche de mesures protectionnistes a transformé la crise des années 30 en « Grande dépression ». En même temps qu’elles « sanctuarisent » le marché national, les mesures protectionnistes font courir un danger mortel aux entreprises qui exportent.
Cela déboucherait aussi sur l’appauvrissement des travailleurs des pays pauvres, à qui « leurs » capitalistes feront payer le coût des mesures protectionnistes. Les travailleurs des différents pays seront mis encore plus en concurrence qu’ils ne le sont déjà, alors qu’il faudrait au contraire chercher la solution dans une lutte commune.
Une autre organisation de l’économie mondiale ?
L’Avenir en commun propose aussi de réformer l’organisation de l’économie mondiale en remplaçant le G20, le G7, le FMI et l’OMC par une structure économique dépendant de l’ONU et en construisant « une autre politique internationale des échanges commerciaux, basée sur la coopération et inspirée de la charte de La Havane ». Il s’agirait d’imposer l’adoption d’un cadre réglementaire contraignant les multinationales à respecter les droits sociaux et environnementaux.
En pratique, cela reviendrait à retirer le pouvoir d’organisation de l’économie mondiale aux grandes puissances pour le confier aux… grandes puissances. En effet, comme nous l’avons déjà souligné dans notre article sur La France insoumise et la question de la guerre, l’ONU est soumise à la même domination des grandes puissances impérialistes que toutes les autres structures internationales. Les pays les plus riches (Etats-Unis, Chine, France, Allemagne, Russie, etc.) y utilisent leur puissance économique et militaire pour protéger leurs intérêts.
La circulation des marchandises
Le problème du système actuel n’est pas la « libre circulation » des marchandises et des capitaux, en elle-même ; c’est le système capitaliste. Il ne faut pas confondre la maladie et ses symptômes.
La circulation des marchandises n’est pas un fait négatif par nature. Elle le devient lorsqu’elle est gérée selon des critères capitalistes, qui placent le profit et la rentabilité avant l’écologie ou les besoins vitaux des populations. Par ailleurs, le libre-échange n’est même pas une caractéristique inhérente au capitalisme. Lorsque l’économie est en crise et que les capitalistes ont besoin de protéger « leur marché » contre la concurrence étrangère, ils réclament eux aussi des mesures protectionnistes et hurlent contre le libre-échange qu’ils encensaient peu avant. C’est ce qu’on peut voir actuellement dans le programme des partisans du Brexit ou de Donald Trump.
Révolution s’oppose à la fois au libre-échange et au protectionnisme, fut-il prétendument « solidaire ». Pour régler les problèmes engendrés par le capitalisme, il faut s’attaquer au contrôle des capitalistes sur les moyens de production et d’échange, banques comprises. Il faut placer ces grands leviers de l’économie sous le contrôle des travailleurs, afin de renverser la dynamique de l’exploitation et du pillage qui engendre un désastre économique, écologique et humanitaire sans précédent.