En 2017, la France a enregistré un peu plus de 100 000 demandes d’asile, soit 17 % de plus qu’en 2016. La plupart des demandeurs d’asile est en situation d’extrême précarité et vit dans la rue en espérant pouvoir être placée en logement d’urgence. Sous le prétexte hypocrite de lutter contre cette situation, le gouvernement Macron a élaboré un projet de loi intitulé : « Pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ». Or ce texte remet en cause le droit d’asile et fragilise encore plus la vie des étrangers en situation irrégulière. Depuis sa présentation en février, des grèves de protestation se sont même succédé à la Cour nationale du droit d’asile et à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Trier, enfermer et expulser
Un des objectifs du projet de loi est de limiter l’accès au droit d’asile. Le délai pour déposer une demande d’asile est ainsi réduit de 120 à 90 jours – et le délai de recours, en cas de refus, est réduit de 30 à 15 jours. Cela rend la demande d’asile encore plus inaccessible, en pratique, pour les réfugiés qui ne parlent pas français et ont souvent beaucoup de difficulté à recueillir des preuves de leur situation. Ce projet de loi les condamne donc à rester de manière irrégulière sur le territoire.
Pour les déboutés du droit d’asile et l’ensemble des réfugiés en situation irrégulière, le gouvernement prévoit une répression accrue. Il veut doubler le temps maximum d’enfermement en centre de rétention – le portant à 90 jours, voire 135. Or selon l’association d’aide aux réfugiés Cimade, la durée moyenne d’enfermement avant expulsion est de 12 jours ; les enfermements plus longs ne servent que comme outil de répression. La durée d’enfermement en commissariat est elle aussi allongée de 16 à 24 heures : il devient donc une véritable garde à vue. Cela ne fait qu’aggraver la situation des étrangers irréguliers, déjà harcelés par la police, qui détruit leurs abris et les agresse – et par la justice, qui les menace de poursuites et d’expulsions.
Les expulsions en masse constituent un volet important du projet de loi. Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur et à l’initiative du projet de loi, a déclaré que la France doit être « plus efficace dans l’éloignement de celles et ceux qui, déboutés du droit d’asile, n’ont pas vocation à demeurer sur notre sol ». La possibilité pour les préfectures d’expulser après avoir délivré une obligation de quitter le territoire est élargie. Les expulsions seront désormais possibles sans avoir à passer par un juge. Le nombre d’expulsions, déjà en augmentation de 14 % en 2017, va donc continuer à croître.
Par contre, le projet de loi ne dit rien sur l’exploitation des travailleurs sans-papiers ni du scandale criant de l’enfermement d’enfants dans des centres de rétention. Entre 2013 et 2017, le nombre d’enfants enfermés dans ces centres a été multiplié par sept. En mars, un bébé a dû passer la nuit dans une pièce à 10 degrés.
Capitalisme et immigration
La politique migratoire répressive de Macron va dans le sens de celles des autres pays européens. Or la « crise des migrants » est la conséquence directe des interventions impérialistes des puissances occidentales. L’exploitation et le pillage des ressources par les multinationales entraînent l’expulsion de milliers de personnes de leurs terres, tandis que les guerres impérialistes poussent les civils à fuir vers les pays voisins ou vers l’Europe.
Loin d’essayer de résoudre les causes de cette crise, les gouvernements européens s’orientent vers une « migration choisie ». Il s’agit de faire une distinction hypocrite entre les « vrais » demandeurs d’asile et les « migrants économiques », de façon à sélectionner les migrants selon les besoins du capitalisme. Aujourd’hui, le capitalisme français utilise la main d’œuvre illégale pour faire baisser l’ensemble des salaires, mais sa croissance économique est trop faible pour absorber tous les irréguliers. La bourgeoisie française a surtout besoin d’une main-d’œuvre hautement qualifiée ; d’où les différentes lois facilitant le tri des immigrés selon leur formation.
Par ailleurs, la démagogie raciste contre les migrants permet aussi d’offrir un bouc émissaire commode à la hausse du chômage et, ainsi, de diviser les travailleurs. C’est tout cela qui explique la frénétique chasse aux migrants et la vague montante des expulsions.
Quelle solution ?
Les luttes pour les droits des migrants, et notamment des travailleurs sans-papiers, se multiplient. C’est la voie à suivre. Mais pour triompher, la lutte contre ce projet de loi réactionnaire doit être liée à toutes les lois qui frappent actuellement l’ensemble des travailleurs. L’action du gouvernement Macron forme un tout cohérent, dirigé contre les salariés, les jeunes et les chômeurs, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs. C’est contre l’ensemble de cette politique qu’il faut lutter, sur le plan aussi bien associatif que syndical et politique.