La défaite du Front National, aux élections municipales d’Hénin-Beaumont, a été accueillie avec soulagement par tous les communistes. Si le FN avait remporté l’élection, Le Pen et ses cohortes racistes auraient tenté d’exploiter la victoire sur le plan national. Cependant, l’échec du FN ne doit pas occulter le fait qu’il dispose tout de même d’une base de soutien importante, à Hénin-Beaumont. Ce résultat ne devrait pas non plus nous inciter à passer sous silence l’alliance contre-nature qui a été conclue, à l’occasion, entre le PCF, le PS et le MoDem.
Par le passé, Hénin-Beaumont était une ville solidement ancrée à gauche. La droite n’y avait pratiquement aucune base. Si le Front National a pu s’implanter, localement, c’est pour les mêmes raisons qui, au fond, expliquent son émergence à l’échelle nationale, à partir des années 80. L’expérience du gouvernement socialiste-communiste, élu en 1981, a engendré une déception et une démoralisation profondes, au sein de l’électorat de gauche. Après une première année pendant laquelle il a pris un certain nombre de mesures positives, ce gouvernement a rapidement abandonné ses projets de réformes sociales pour adopter, à partir de 1982-83, une « politique de rigueur » – c’est-à-dire de contre-réformes draconiennes, dont le blocage des salaires et des fermetures massives dans le secteur industriel public, notamment dans la sidérurgie, les charbonnages et l’automobile. Des centaines de milliers d’emplois ont été supprimés, dans ces industries. Il y eut des répercussions négatives dans toutes les branches de l’économie qui en dépendaient. Le taux de chômage est monté en flèche. C’est précisément dans ce contexte que le Front National a commencé à s’implanter. La colère, l’amertume et le sentiment – parfaitement fondé – que les dirigeants socialistes et communistes les avaient trahis, ont poussé une partie de l’électorat dans les bras de l’extrême droite.
La nouvelle expérience d’une coalition socialiste-communiste, entre 1997 et 2002, n’a rien fait pour effacer le scepticisme des travailleurs. Le gouvernement Jospin détient un triste record : dans l’histoire du pays, aucun gouvernement n’a autant privatisé, ni avant, ni depuis. C’est cette expérience concrète qui a fait le lit du Front National, comme d’ailleurs celui de Nicolas Sarkozy.
La question du MoDem
S’il veut être pris au sérieux comme une alternative à la droite, le PCF ne doit en aucun cas se laisser embarquer dans des alliances avec celle-ci. En voyant le PCF s’engager dans une alliance avec le MoDem, même si ce n’est qu’au niveau local, les travailleurs tireront la conclusion que le programme et les intentions réelles de ses élus ne sont pas très éloignés des orientations des partis capitalistes. Ils se diront également que si le MoDem, de son côté, accepte de participer à une coalition avec le PCF, c’est que les amis d’un réactionnaire comme Bayrou ne considèrent pas le programme et le comportement des élus PCF comme un problème sérieux. Notre parti ne peut reconquérir du terrain, en termes d’implantation sociale, d’effectifs et d’assise électorale, qu’en se positionnant comme le parti de la lutte la plus implacable contre le système capitaliste et tous ses représentants politiques.
Quand une erreur comme celle-ci est commise, il faut la reconnaître et en tirer les conclusions pour l’avenir. Les conséquences négatives de l’alliance avec la droite seront malheureusement aggravées par les tentatives de la justifier en termes « théoriques ». Sur le blog de la section d’Hénin-Beaumont, par exemple, un article condamne la démarche de Robert Hue – qui, sans surprise, milite pour une alliance avec le MoDem au niveau national. Cette condamnation est entièrement fondée. Mais le même article justifie la même démarche sur le plan local, en évoquant « l’héritage chrétien progressiste » du MoDem ! L’article conclut qu’il « n’y a pas d’objection de principe à avoir contre la participation du MoDem à une coalition de gauche. » Mais si c’est vrai, que peut-on sérieusement reprocher à Robert Hue ?
Sur le site de la section PCF de Vénissieux, des textes ont été publiés dans le but de discréditer La Riposte en l’associant à la stratégie du PCF d’Hénin-Beaumont, sous prétexte que le secrétaire de cette section, David Noël, avait soutenu le texte alternatif de La Riposte, lors du dernier congrès du parti. Mais contrairement à ce qu’affirme le site de la section de Venissieux, David Noël n’est pas un « dirigeant » de La Riposte – et nous ne pouvons pas, de toute évidence, être tenus pour responsables des actions de chaque camarade ayant soutenu notre texte.
Notre texte, Renforcer le PCF, renouer avec le marxisme, était parfaitement clair sur la question des alliances avec le MoDem : « Au lendemain des législatives, le PCF a condamné, à juste titre, la dérive centriste du PS. Mais que doivent penser les travailleurs quand, quelques mois plus tard, ils s’aperçoivent que les candidats du PCF sont tombés dans la même dérive ? Nous voulons tous que le parti remporte des élections et obtienne des sièges, aux élections municipales comme à toutes les élections. Mais ce ne doit pas être à n’importe quel prix. En aucun cas le PCF ne devrait accepter de figurer sur les mêmes listes que le MoDem. C’est une forme de collaboration de classe – elle doit être rejetée sans appel. »
Cette prise de position n’a pas changé depuis, et ne changera pas. Avant l’élection à Hénin-Beaumont, la rédaction du journal a adressé une lettre à David, dont voici un extrait : « Certes, compte tenu du rapport de force actuel, le PCF ne pouvait pas, à lui seul, déterminer la nature des alliances conclues entre les différents partis. Mais rien ne l’oblige à figurer dans la liste et à lui apporter ainsi sa caution. Dans les circonstances actuelles, le PCF devrait apporter un soutien critique aux socialistes, appeler à voter pour eux, tout en dénonçant fermement l’alliance entre le PS et le MoDem. […] Cela signifierait, bien sûr, que le PCF n’aurait aucun siège, dans la nouvelle administration municipale. Mais cela n’a pas d’importance, d’autant plus qu’une administration qui dépendra du soutien de la droite sera la prisonnière de celle-ci, et appliquera une politique en conséquence.
« Le PCF devrait donc, à notre avis, se retirer de la liste, conserver son indépendance […]. De cette façon, il ne saurait être accusé de favoriser l’adversaire, mais il marquera sa différence avec le PS et sa politique de collaboration avec la droite. […] Si le PCF accepte d’entrer dans une coalition avec la droite à Hénin-Beaumont, cela le compromettrait gravement, et mettrait ses représentants – dont toi-même, bien sûr – dans l’obligation de justifier ce genre de collaboration avec l’ennemi.
« Une élection a son importance, mais ce n’est jamais qu’un seul aspect de la lutte contre le capitalisme. Un communiste ne peut pas subordonner toute sa stratégie à la nécessité de remplir des urnes. Si le PCF veut gagner du terrain et renforcer son implantation sociale, il ne peut le faire qu’en se présentant comme l’adversaire le plus implacable au capitalisme et à ses organisations politiques, qu’il s’agisse du FN, de l’UMP ou du MoDem. »
Finalement, comme on le sait, la liste PS-PCF-MoDem n’est pas parvenue au second tour des élections, qui s’est joué entre le Front National et la liste dirigée par le nouveau maire « socialiste » de la ville, Daniel Duquenne. Ce dernier ayant refusé de fusionner les listes, le PCF n’a aucun élu, au conseil municipal. Ainsi, la « collaboration » avec le MoDem que nous évoquions, dans notre lettre à David, n’est plus à l’ordre du jour, dans l’immédiat. Mais pour que la possibilité d’une alliance avec la droite soit définitivement écartée, il faut que le parti – à Hénin-Beaumont comme au niveau national – s’engage fermement et publiquement à ne plus commettre cette erreur.