Le deuxième congrès national de Podemos s’est tenu à Madrid les 11 et 12 février. Ses débats ont suscité de l’intérêt aux quatre coins du monde. Né en 2014 dans la foulée de grandes luttes sociales et du mouvement des Indignés, ce parti est une référence pour des millions de personnes – et pas seulement en Espagne.
Le congrès s’est soldé par une nette victoire des positions défendues par le dirigeant historique, Pablo Iglesias, réélu secrétaire avec 89,1 % des voix. Sa liste au Conseil National a recueilli 51 % des voix et son document politique 55 %. Si on y ajoute les 11 et 13 % du courant « Anticapitalistas », il est clair que Podemos s’ancre à gauche. Avec 34 % des voix, l’aile droite du parti – autour d’Íñigo Errejón – sort vaincue, malgré le soutien que lui apportaient les grands médias et la bourgeoisie du pays.
L’affrontement Iglesias – Errejón
Avant le congrès, une campagne médiatique lénifiante a tenté de discréditer Podemos en résumant ses débats à une simple « lutte des places ». Dans le même temps, le soutien des médias aux idées d’Errejón – contre le « radicalisme » d’Iglesias – visait à transformer Podemos en un parti qui, s’il parvient au pouvoir, capitulerait aisément sous la pression de la classe dirigeante, comme Syriza en Grèce.
Mais, au contraire, les débats du congrès furent le reflet de l’intensification de la polarisation de classe en Espagne. C’est le mérite d’Iglesias d’anticiper, en particulier, les conséquences de la faiblesse du gouvernement de droite de Rajoy, qui est soutenu par les socialistes du PSOE et les « centristes » de Ciudadanos. Le gouvernement sera toujours plus impopulaire à mesure que s’imposeront les contre-réformes, l’austérité et les diktats de l’UE. Iglesias défend la présence de Podemos au Parlement comme un relais des luttes sociales – et celles-ci comme la source décisive du développement futur de Podemos. A l’inverse, Errejón proposait des manœuvres parlementaires avec le PSOE et Ciudadanos, pour démontrer la « gouvernabilité » de Podemos. Cette volonté a été mise en minorité par l’instinct de classe de ses militants et l’expérience concrète des dernières années.
De fait, Podemos a obtenu ses meilleurs résultats électoraux lorsqu’il ancrait son message à gauche, en liant revendications sociales et démocratiques – et en désignant comme ennemi central l’oligarchie économique incarnée par l’Ibex 35 - les multinationales cotées à la bourse de Madrid. Pendant le congrès, Errejón a soutenu que le léger recul électoral de Podemos, en juin 2016, était le fruit du virage à gauche du parti et de son alliance avec Izquierda Unida (la « Gauche Unie »). Or c’est exactement le contraire : suite à l’impasse des élections de décembre 2015, Podemos aurait dû relancer la mobilisation de masse contre Rajoy et ses politiques d’austérité, en déplaçant ainsi le débat dans la rue et la lutte des classes, au lieu de l’enfermer au Parlement.
La position des marxistes
Nos camarades de Lucha de clases, la section espagnole de la TMI, sont actifs dans Podemos et ont apporté un soutien critique aux positions d’Iglesias. Ils ont présenté leurs propres contributions, qui ont fait de bons scores à Madrid. Ils ont insisté sur la place centrale des travailleurs dans le processus de changement et sur la nécessité d’exproprier les secteurs clés de l’économie, sous le contrôle démocratique des salariés. Ils ont aussi souligné la nécessité d’une organisation plus démocratique de Podemos, de façon à permettre un débat politique plus solide à la base. Par exemple, les documents en débat ne sont parvenus aux militants que trois semaines avant le congrès.
Au lendemain du congrès, la presse bourgeoise a relancé sa campagne de « diabolisation » de Podemos. Elle est affolée par le retour déclaré du parti vers les mouvements sociaux. Des mobilisations de masse vont inévitablement se développer contre Rajoy et ses politiques d’austérité. Et c’est bien sur ce terrain que se jouera l’avenir de Podemos.