Le dimanche 15 avril, plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues, en Catalogne, pour demander la libération des prisonniers politiques.
L’Etat espagnol venait d’essayer – sans succès – de faire condamner des membres des Comités pour la Défense de la République (CDR) pour « terrorisme ». En effet, après l’arrestation de cinq membres du gouvernement catalan (et celle de Carles Puigdemont en Allemagne), les CDR avaient organisé des rassemblements, mais aussi des blocages routiers et ferroviaires.
Les dirigeants des principaux syndicats, CCOO et l’UGT, ne voulaient pas apparaître comme inactifs face à la répression croissante. Pour faire tomber la pression, ils ont donc décidé d’appeler à une manifestation sur des mots d’ordre vagues. Le communiqué de l’appel à manifester ne mentionnait même pas les prisonniers politiques et demandait aux institutions catalanes, espagnoles et européennes d’engager un « dialogue » !
Malgré cette modération, l’ambiance et le ton de la manifestation ont été très différents : les masses sont venues montrer leur force et réaffirmer que les droits démocratiques des Catalans doivent être respectés, dans un contexte où la répression contre les CDR s’intensifie.
Accusations de « terrorisme »
Le 10 avril, sept militants des CDR étaient arrêtés par la police catalane, dans plusieurs villes. Parmi eux, Tamara Carrasco, militante du CDR de Viladecans, a été arrêtée chez elle par des policiers cagoulés et armés de fusils d’assaut. Elle était accusée de « rébellion », de « sédition » et même de « terrorisme ». Cette dernière accusation repose sur la réforme de la législation antiterroriste datant de 2015, mise en place par le gouvernement de droite avec l’appui de « l’opposition » socialiste. Cette réforme a nettement élargi la définition légale du terrorisme pour y faire entrer la participation à des « désordres publics » ou à des actions contre « la propriété de l’Etat », dans le but « d’obliger les forces publiques à agir d’une certaine façon ou à cesser d’agir », ou « d’altérer sévèrement la paix publique ». Avec une définition aussi vague, même des travailleurs en grève peuvent être qualifiés de « terroristes » ! Dans le cas de Tamara Carrasco, par exemple, son arrestation pour terrorisme visait sa participation à un blocage routier pacifique.
Cependant, malgré les réclamations du procureur, le juge n’a pris en compte que les accusations de « désordre public », rejetant toutes les autres, qui étaient manifestement trop outrancières et ne reposaient sur aucune preuve. Tamara Carrasco a donc été libérée, mais reste sous contrôle judiciaire. Avant cette mobilisation, elle avait été très active dans les luttes sociales contre les politiques d’austérité et avait été impliquée dans la branche locale de Podemos, avant de rejoindre le CDR de sa ville. Son cas est exemplaire du passage de militants de gauche, déçus par Podemos, à la lutte pour une République catalane.
Impasse politique
La situation en Catalogne est dans une impasse. La répression de l’Etat espagnol n’a pas réussi à écraser la base du mouvement, mais celui-ci a vu la plupart de ses dirigeants politiques capituler. Malheureusement pour eux, ce n’est pas assez pour l’appareil d’Etat, directement menacé par les revendications catalanes : il faut donc qu’ils soient brisés et humiliés. Après avoir attisé le nationalisme espagnol, le gouvernement de Rajoy ne veut pas revenir en arrière, sous peine de favoriser la croissance du nouveau parti de droite, Ciudadanos, qui a adopté une position encore plus réactionnaire sur la question catalane. Or, dans le même temps, le Parti Populaire au pouvoir croule sous les scandales de corruption.
L’ouverture d’un « second front » dans le reste de l’Espagne serait une aide puissante pour le mouvement catalan. L’ unité entre les travailleurs catalans et ceux du reste de l’Espagne est possible. Ainsi, une délégation des CDR est allée à Murcia, dans le sud-est du pays, pour affirmer sa solidarité avec les militants opposés à ce qu’un chemin de fer coupe la ville en deux, alors qu’il pourrait être souterrain. La solidarité a porté : le 15 avril, une délégation de Murcia s’est à son tour rendue en Catalogne.
Par ailleurs, le 14 avril, jour anniversaire de la proclamation de la République Espagnole (1931), les CDR ont publié une déclaration qui affirmait que leur lutte pour une République catalane n’est pas basée sur un nationalisme « exclusif », mais vise à libérer la classe ouvrière et les peuples d’Espagne du régime de 1978.
Ce sont des indications de ce qu’il est possible de faire ; sur la seule voie possible : lier la défense des droits démocratiques et nationaux de la Catalogne aux combats pour les droits sociaux, contre le régime de 1978 et contre le capitalisme à travers toute l’Espagne !