Le jeudi 1er mai dernier fut un véritable « jeudi noir » pour le gouvernement travailliste de Gordon Brown. C’était le plus mauvais résultat électoral des travaillistes en quarante ans. Dans ces élections locales, le Parti Travailliste n’a obtenu que 24% des voix, contre 44% pour le parti principal de la droite britannique, le Parti Conservateur.
Même les « centristes » (le Parti Libéral Démocrate) ont fait mieux que les Travaillistes, en pourcentage de voix. Le Parti Travailliste n’a pas essuyé un tel revers depuis le gouvernement de Harold Wilson, en 1968. A Londres, le « clown conservateur » Boris Johnson a battu le maire travailliste sortant, Ken Livingstone, en place depuis huit ans. Des municipalités de régions traditionnellement travaillistes sont passées à droite, comme le sud du Pays de Galles et le nord de l’Angleterre.
Qui est responsable de cette situation désastreuse ? La faute est clairement imputable aux dirigeants travaillistes, Tony Blair et son successeur Gordon Brown, dont la politique pro-capitaliste a complètement démoralisé l’électorat populaire du parti. C’en est fini de l’argument de Blair et Brown selon lequel une politique « modérée » – c’est-à-dire pro-capitaliste – permettrait de remporter les élections. La politique droitière suivie par les gouvernements travaillistes s’est aggravée après la dernière victoire de Blair, en 2005, et prépare le terrain à une nouvelle victoire de la droite aux prochaines législatives. Le chef du Parti Conservateur, David Cameron, attend son heure.
La faillite des groupes gauchistes
Ces élections municipales ont également illustré le marasme dans lequel se trouvent tous les petits partis de l’extrême gauche britannique – qui, comme d’habitude, ont été complètement laminés ! Bien sûr, pendant la campagne, ils déclaraient tous que le Parti Travailliste était « fini » et que la classe ouvrière se tournerait désormais vers eux. Ils se sont tous positionnés comme des partis « à la gauche du Parti Travailliste ». Or, les travailleurs les ont complètement ignorés, une fois de plus. Malgré l’immense mécontentement à l’égard de Gordon Brown et Tony Blair, les travailleurs n’ont pas considéré les petits partis d’extrême gauche comme une alternative sérieuse. Ils sont simplement restés chez eux, portant le taux d’abstention à un niveau record. Les listes d’extrême gauche n’ont enregistré que 0,92% (22 583 voix) dans les élections pour le Conseil Régional de Londres, et 0,68% (16 796 voix) dans l’élection directe du maire de Londres. Les dirigeants de ces partis ont mis la responsabilité de leur échec sur le dos des travailleurs : « Tout le paysage politique s’est déplacé vers la droite dans ces élections locales », proclame la coalition SWP/Respect. Et ce quelques semaines après la grève historique des enseignants britanniques !
Un gouvernement conservateur en perspective
Ces élections ne sont pas la fin de l’histoire. Surtout, elles n’illustrent pas un virage vers la droite dans la société britannique, mais surtout une profonde désillusion vis-à-vis du gouvernement de Gordon Brown. Sur la base de sa politique actuelle, il est très probable qu’il soit balayé aux élections législatives qui auront lieu d’ici 2010. Cette perspective est confortée par le résultat d’une élection partielle dans la circonscription de Crewe et Nantwich : ce vieux bastion travailliste du nord-ouest de l’Angleterre est passé aux mains des conservateurs le 22 mai dernier.
Si le Parti Conservateur retourne aux affaires, pour la première fois depuis 1997, les travailleurs britanniques n’auront d’autre alternative que de se lancer sur la voie de la lutte pour défendre leurs conditions de vie et acquis sociaux. Une défaite travailliste déclenchera une explosion de colère dans le mouvement syndical et dans le Parti Travailliste lui-même. Dans ce contexte, un virage vers la gauche de cette puissante organisation, comme celui qui s’est produit dans les années 70, ne serait clairement pas exclu. Par ailleurs, la couverture médiatique des élections municipales a occulté un autre événement de grande importance : la grève massive des enseignants et de la fonction publique.
Le jeudi 24 avril, les syndicats d’enseignants et d’autres fonctionnaires ont organisé une grève de 24 heures dans tout le pays. C’était le premier mouvement national du corps enseignant depuis 21 ans ! La principale revendication des grévistes était la fin du gel des salaires imposé par le gouvernement, qui ne veut accorder que 2% d’augmentation cette année. C’est la première fois depuis longtemps que des salariés du secteur public organisent un mouvement d’une telle envergure contre la politique salariale du gouvernement, qui, à cause de l’inflation croissante, signifie une détérioration rapide de leur niveau de vie. Près d’un tiers des établissements scolaires – soit 2,6 millions d’élèves – étaient en grève.
Ce mouvement est clairement l’un des signes avant-coureurs d’une future radicalisation du mouvement ouvrier britannique. Quelle que soit la couleur politique du gouvernement qui prendra place en 2010, et dans le contexte de la récession économique qui s’annonce en Grande-Bretagne, les éléments d’une énorme explosion sociale sont déjà présents.