Dans les regards des membres de l’aile droite du parti travailliste, à la sortie de la conférence du parti de samedi [le 24 septembre], on lisait facilement leur état de choc. Leur rêve d’une victoire d’Owen Smith, le soi-disant candidat de « l’unité », avait été réduit en poussière. Cela a créé une situation de crise et de désarroi au sein de l’aile droite du parti. Bien que plusieurs avaient déjà concédé la victoire à leur adversaire, ils espéraient tout de même pouvoir réduire la marge de victoire de Jeremy Corbyn. Mais rien n’est venu atténuer leur lamentable échec.
Il est difficile d’exagérer le niveau de défaitisme et de peur dans le camp de la droite, trois mois à peine après qu’une motion de défiance envers Jeremy Corbyn a été adoptée. Pour ses membres, l’avenir est de plus en plus sombre, Corbyn ayant vu son mandat renforcé par la base du parti en recevant 61,8% des votes. Maintenant, un chœur d’appels à l’unité se fait entendre, et ces députés qui avaient démissionné du cabinet fantôme sont déchirés entre l’idée de revenir ou rester sur le bas-côté.
La droite quitte le navire
Ces députés implorent leurs partisans de ne pas quitter le parti après que plusieurs aient annoncé qu’ils allaient déchirer leur carte de membre en réponse à la réélection de Corbyn. Michael Dugher, un ancien membre du cabinet fantôme, a affirmé qu’il était « déprimant » de voir les gens déchirer leur carte de membre avant de diffuser le tout sur les réseaux sociaux : « Les gens qui en ont assez, candidats au Parlement, conseillers, gens honnêtes qui ont consacré leur vie au parti… vous devez rester, vous devez rester. » Mais certains anti-Corbyn démissionneront, tout comme il y a un an lorsqu’il avait gagné une première fois.
Certains ont déjà abandonné le navire. Lord Mitchell, un « pair à vie » [NDT, membre à vie de la chambre des Lords, nommé par la reine sur proposition du Premier ministre] travailliste, a quitté le parti, affirmant que Corbyn était entouré de gens ayant un « point de vue violemment anti-Israël ». Cet entrepreneur, qui était un porte-parole du parti – pour les questions concernant le monde des affaires -, dans la Chambre des lords sous Ed Miliband, a affirmé que « Jeremy n’a aucune qualité de dirigeant ; le petit groupe autour de lui croit qu’il est le Messie, mais il ne deviendra jamais le dirigeant et Premier ministre de ce pays. »
À quoi d’autre pouvait-on s’attendre, venant d’un homme qui a aidé à fomenter la scission du SDP allemand au début des années 1980 et qui s’est présenté contre le Parti travailliste en 1983 et 1987, mais qui a été autorisé à réintégrer le parti par Tony Blair ? Ce genre de torys infiltrés ne sont pas les bienvenus dans le Parti travailliste et devraient systématiquement se faire montrer la porte de sortie.
La question de la scission
Malgré leurs menaces passées, les députés de la droite du parti tentent maintenant d’étouffer toute discussion sur une scission similaire à celle du SDP en 1981. « Nous ne voulons pas quitter ou scissionner, ce parti est notre parti », a dit Tom Blenkinsopp, député pour Middlesbrough South et East Cleveland, lors d’un rassemblement du groupe Labour First. Entretemps, l’ancien ministre « fantôme » de l’Éducation, Tristram Hunt, écrivait : « Nous, modérés, ne demanderons pas asile, à Singapour ou ailleurs, de sitôt. »
D’autres ne pouvaient cacher leur rancœur devant le résultat. Le parti est « plus divisé que jamais », a dit Lucy Powell, une autre ancienne ministre « fantôme » de l’Éducation. Chris Leslie, ancien Chancelier « fantôme », a déclaré qu’il serait loyal au parti, qui existe pour gouverner dans l’intérêt de tout le pays plutôt que dans celui d’un « petit groupe de personnes ».
Critiquant Corbyn pour sa position en faveur d’une augmentation des dépenses publiques, Leslie s’est moqué d’un hypothétique « arbre magique à argent » qui permettrait des dépenses publiques illimitées et donnerait à la direction le pouvoir de « faire de tous nos rêves une réalité ».
Bouillant de rage, un député a dit que « ces gens qui d’habitude se tenaient à l’écart des conférences du parti sont maintenant à l’intérieur, contrôlant les choses. »
Lord Hain a dit au Newsnight que le parti ferait face à la « plus grande crise » de son histoire si la victoire de Corbyn était utilisée en faveur de la désélection des députés. « L’extrême gauche autour de Jeremy n’a jamais eu le contrôle du parti auparavant », a-t-il dit. « Ils n’ont jamais eu le contrôle de la direction et n’ont jamais eu le contrôle de l’organisation. S’ils l’obtiennent, ils auront obtenu ce qu’ils veulent, c’est-à-dire le contrôle du parti plutôt que de gagner le pays. »
Les Blairistes sur la défensive
Quoi qu’il en soit, bien qu’elle ait été mise sur la défensive, la droite n’a pas abandonné ses plans pour se débarrasser de Corbyn. Mais elle devra revoir sa stratégie. Elle espère maintenant regagner une majorité sur le Comité exécutif national (NEC) grâce à sa proposition de pouvoir nommer des représentants de l’Écosse et du Pays-de-Galles.
Dans les faits, le NEC est divisé en deux parts quasi égales entre membres pros et anti-Corbyn. Ces derniers ont été très occupés par leurs machinations de couloirs, utilisant McNicol, le très droitier secrétaire général, et Tom Watson, le chef des députés. Des courriels internes du parti ayant été divulgués ont révélé que le chef des députés avait mis en œuvre un soi-disant « Projet Anaconda » - un plan promouvant des changements au sein du cabinet fantôme et d’autres propositions plus profondes du NEC.
« Le "Projet Anaconda"… impliquera l’isolement et l’affaiblissement de JC et ultimement la destruction de sa capacité à diriger », affirmait l’un de ces courriels. « Chaque concession faite par JC sera utilisée pour resserrer l’étau. » Watson a nié avoir employé ces mots.
« L’entrisme » des milieux d’affaires
Ce n’est pas par accident si McNicol, lors de la conférence, a profité de son discours pour s’opposer à Corbyn, « par inadvertance », en utilisant sa « neutralité » de fonctionnaire du parti pour faire l’apologie de l’aile parlementaire et de la bureaucratie, et rappelant ensuite la Clause 1 de la constitution du parti : la nécessité de s’établir dans le parlement comme tâche principale du Parti travailliste. Il s’agissait là clairement d’un défi lancé à Corbyn. Mais la Clause 1 n’a pas été écrite afin d’établir une aile parlementaire du parti pour les carriéristes et les opportunistes, mais pour établir une représentation de la classe ouvrière au sein du parlement. Nous sommes clairement en faveur de cette dernière proposition, non de la précédente.
La droite utilise Progress et Labour First, qui disposent de réserves presque illimitées en argent fournies par des soutiens des milieux d’affaires, afin d’atteindre ses objectifs. Ses partisans se sont vantés de leur efficacité à obtenir des délégués pour la conférence du parti. Ils tentent toutes les manœuvres, en pleine lumière.
Leur dernier coup consistait à demander à Jeremy Corbyn de rétablir l’unité du parti, un peu comme s’il avait perdu l’élection ! Ce sont eux qui devront s’adapter, et non Jeremy Corbyn - sans quoi, ils devront être éjectés par la base du parti.
Le Momentum paralysé
Malheureusement, la gauche autour du Momentum, plutôt que de réellement mener la lutte contre l’aile droite, tergiverse et évite d’aller de l’avant, par exemple en poussant des sujets comme la désélection. Au lieu de s’organiser et de faire élire des délégués de gauche pour la conférence du parti, portant des résolutions de gauche provenant des sections locales, Momentum a consacré ses efforts à organiser un événement de quatre jours en marge de la conférence, avec musique, poésie et divers ateliers. Tout cela est bien beau, mais cela n’a rien d’une stratégie pour défaire la droite.
Alors que les députés blairistes continuent à poignarder Corbyn dans le dos, le Momentum devrait s’organiser pour les balayer du parti. Le gouffre entre ces députés droitiers et la base du parti est béant et grandit sans cesse. La gauche ne doit pas rester mesurée devant les attaques de la droite. Comme l’a dit Len McCluskey, « ce sont eux [les députés de droite] qui l’ont cherché ». Et après tout, c’est un droit démocratique pour les membres ordinaires que de pouvoir choisir leurs représentants.
Défendons Corbyn ! Luttons pour le socialisme !
Ces députés sous pression vont avoir tendance à baisser la tête, pour un certain temps. Ils vont attendre des jours meilleurs et vont simplement continuer, derrière des portes closes, à miner l’autorité de Corbyn. Ils vont continuer à bâtir leur « parti au sein du parti », tant au parlement qu’à l’extérieur de celui-ci. Mais à un certain stade, ils entameront une lutte ouverte contre Corbyn sur des enjeux tels que la défense ou la politique étrangère. Ils prendront l’offensive pour promouvoir les besoins du capitalisme.
Le Parti travailliste a été fondé afin de représenter les intérêts de la classe ouvrière. Par le passé, il a été pris en main par des carriéristes de droite et des opportunistes, qui servent les intérêts non pas de la classe ouvrière, mais des milieux d’affaires.
Avec la réélection de Corbyn et la régénération du parti (plus de 300 000 nouveaux membres), il est maintenant temps de se débarrasser de ces gens une bonne fois pour toutes. Cela doit aller de pair avec la lutte pour un programme socialiste – afin de réarmer le parti pour faire face à la pire crise du capitalisme depuis les années 1930. Nous devons donc ressusciter l’ancienne Clause 4, qui engage le parti à lutter pour la transformation socialiste de la société.
Cette nouvelle victoire de Corbyn est un tournant décisif. Mais la « révolution Corbyn » n’est pas finie. Nous devons construire, en Grande-Bretagne, un Parti travailliste authentiquement socialiste, afin de mettre fin au cauchemar du capitalisme et construire les fondations d’un avenir meilleur pour notre peuple.