Le 29 mars, dans sa lettre à Donald Tusk, le Président du Conseil européen, la Première ministre britannique Theresa May a annoncé le début des négociations du Brexit. Cette activation de l’article 50 du Traité de Lisbonne marque un point de non-retour pour le capitalisme britannique et européen.
Trois semaines plus tard, le 18 avril, Theresa May annonçait des élections législatives anticipées pour le 8 juin. Elle espère obtenir une majorité conservatrice solide pour mener à bien le Brexit et attaquer les travailleurs. Mais même si elle remporte ce pari, le gouvernement britannique s’engagera dans un processus tortueux de désengagement après 44 ans de partenariat européen, avec la possibilité réelle d’en sortir avec un « accord » qui laisserait la Grande-Bretagne dans une situation bien pire qu’aujourd’hui.
Redoutant cette perspective, May a assaisonné sa lettre à Donald Tusk de références mielleuses sur la « relation profonde et spéciale » qu’elle espère sceller avec l’Union Européenne. A quoi Tusk a répondu, froidement : « vous nous manquez déjà – merci et au revoir » !
La vie politique britannique est confrontée à une crise sans précédent. Les observateurs superficiels s’émerveillent de l’avance de Theresa May dans les sondages, face à une opposition en guerre intestine. Mais cette popularité de la championne d’un « Brexit dur » est très fragile et pourrait s’évaporer dès que les négociations du Brexit vont commencer à s’enliser.
Marasme économique
Les perspectives économiques d’une Grande-Bretagne « post-Brexit » sont peu réjouissantes. Des décennies de déclin industriel ont laissé le pays dans une situation de dépendance à l’égard de la consommation des ménages et du secteur financier. Pour croître, son économie a besoin que les travailleurs continuent de consommer et que la City de Londres continue d’attirer des capitaux du monde entier. Or le Brexit met en péril ces deux scénarios.
Il faudra des années pour mettre en place un accord commercial avec l’UE. En attendant, l’industrie britannique fera face à un mur tarifaire qui pourrait mener à davantage de fermetures d’usines et à une nouvelle récession.
Des grandes banques ont déjà commencé à quitter Londres. Ce mouvement s’amplifierait dans l’éventualité d’un Brexit « dur », sans aucun accord. Des milliers d’emplois et des dizaines de milliards de Livres de recettes fiscales pourraient s’envoler.
Malgré un optimisme alimenté par la résistance de la consommation britannique, les travailleurs ressentent déjà la crise. Entre 2007 et 2015, les salaires réels ont dégringolé de 10,4 %, soit la baisse la plus sévère de tous les pays de l’OCDE (à égalité avec la Grèce). Or la chute de la Livre se poursuit et l’inflation commence à pointer. Les travailleurs doivent s’attendre un nouveau recul de leurs conditions de vie. Le gouvernement a prévu de leur faire porter tout le poids de la crise. L’austérité est officiellement prévue pour durer jusqu’en 2020. En réalité, elle durera aussi longtemps que la crise elle-même – accord avec l’UE ou pas.
La fin du Royaume-Uni ?
Nicola Sturgeon, Première ministre d’Ecosse, demande un deuxième référendum sur l’indépendance de cette « nation constitutive » du Royaume-Uni. Elle a reçu le soutien du Parlement écossais. May a répondu que « ce n’était pas le moment » et veut renvoyer l’organisation d’un tel référendum au lendemain de la finalisation du Brexit. Mais cela ne fera qu’exacerber les tendances indépendantistes en Ecosse.
Et comme si cela ne suffisait pas, les élections au Stormont (Parlement d’Irlande du Nord) ont donné une autre migraine à Theresa May. Pour la première fois depuis l’Accord du Vendredi Saint (1998), les partis pro-Royaume-Uni y ont perdu leur majorité.
Pour garantir l’unité de son parti, May se cramponne à sa ligne d’un Brexit « dur ». Mais les conséquences en seront catastrophiques pour le capitalisme britannique et pourraient mener au démembrement du Royaume-Uni. A un certain stade, May devra choisir entre briser le Parti conservateur ou briser le pays. Ainsi se manifeste l’impasse du capitalisme britannique.
Les élections législatives
Lors du week-end de Pâques, un sondage donnait 21 points d’avance aux Conservateurs sur le Parti Travailliste (Labour). En annonçant des élections anticipées, Theresa May cherche à pousser son avantage.
L’aile droite du Labour, ces « blairistes » qui contrôlent l’appareil et le groupe parlementaire du parti, espèrent qu’une lourde défaite de leur parti, le 8 juin, forcera Jeremy Corbyn à renoncer à sa direction. Malheureusement, Jeremy Corbyn et son entourage ont sans cesse reculé, au nom de « l’unité » du parti, face aux attaques de l’aile droite et des grands médias.
Corbyn a été élu, à deux reprises, à la tête du Labour, sur la base d’un programme de rupture avec les politiques d’austérité. Il doit passer à l’offensive. En s’appuyant sur la base militante du parti et des meetings de masse, il peut mobiliser des millions de jeunes et de travailleurs britanniques sur un programme de gauche offensif – contre les Conservateurs et contre l’aile droite du parti. C’est la seule façon d’inverser la tendance actuelle et de donner une chance au Labour de remporter les élections du 8 juin.