Voilà plusieurs semaines que le Parlement britannique est paralysé par la question du Brexit. Vote après vote, l’impuissance du gouvernement conservateur de Theresa May se confirme. Pourquoi celle-ci n’a-t-elle pas démissionné ? Et quel rôle devrait jouer l’opposition travailliste (le Labour), dans un tel contexte ?
Impasse parlementaire
Le 15 janvier, l’accord sur le Brexit négocié par May auprès de l’UE, pendant des mois, a été catégoriquement rejeté par les députés : 432 votes contre, 202 votes pour. Une partie significative des députés conservateurs ont voté contre. Le lendemain de cette humiliation publique pour la Première ministre, le chef du Labour, Jeremy Corbyn, a déposé une motion de censure contre le gouvernement. Les représentants de la classe dirigeante ont alors resserré les rangs : une bonne partie des Conservateurs qui, la veille, avaient voté contre l’accord, ont rejeté la motion de censure et ont permis au gouvernement de sauver sa peau, par 325 voix contre 306.
Cependant, cette « victoire » ne règle rien. En l’état du Parlement, le pays est ingouvernable. En temps normal, une telle situation provoque naturellement la démission du Premier ministre. Mais ce que la Grande-Bretagne est en train de vivre est tout sauf une situation « normale ».
La classe dirigeante britannique est plongée dans une profonde incertitude. Le rejet de l’accord par le Parlement et les déclarations des dirigeants de l’UE, qui excluent tout « plan B », sont très mal vécues par les investisseurs. A présent, Theresa May cherche désespérément des alliés au-delà de son parti. La reine Elisabeth II elle-même a appelé à un « rassemblement ». Ces appels à un gouvernement « d’unité nationale » pourraient bien séduire des membres de l’aile droite du Labour, qui se considèrent comme de loyaux serviteurs de la bourgeoisie britannique. Mais il n’est pas certain qu’ils voudront monter sur un navire en perdition.
De leur côté, certains députés conservateurs se retrouvent dans la curieuse position d’avoir voté la confiance au gouvernement, le 16 janvier, après avoir fait l’inverse un mois plus tôt, lors du vote interne au Parti conservateur, le 12 décembre. Ces girouettes n’ont en réalité aucune confiance dans le gouvernement. Mais ils ne veulent pas provoquer des élections anticipées, car le spectre d’une victoire du Labour leur donne des sueurs froides. Elle en donne aussi aux Démocrates libéraux, qui ont déclaré qu’ils ne soutiendraient plus aucune nouvelle motion de censure.
Tous les moyens sont bons pour barrer la route à Jeremy Corbyn. Après d’innombrables articles calomnieux, une biographie à charge est annoncée pour février. Son titre : Le héros dangereux - Le plan sournois de Corbyn pour prendre le pouvoir. Ce titre anxiogène souligne la fébrilité de la classe dirigeante, face à la popularité croissante du leader travailliste dans la jeunesse et le salariat. Les calomnies n’y changent rien : le discours radical de Corbyn trouve un écho énorme chez les précaires, les chômeurs, les pauvres et toutes les victimes du système, qui n’en peuvent plus de subir l’austérité imposée par les Conservateurs.
Déplacer la lutte dans la rue !
L’aile droite du Labour demande à Corbyn de réclamer un nouveau référendum sur la sortie de l’UE. Mais Corbyn leur tient tête, à juste titre. Un nouveau référendum ne changerait rien à la crise du logement, à la stagnation des salaires, au chômage de masse, à la destruction des services publics et à l’offensive en cours contre les aides sociales. Ce dont les masses britanniques ont besoin, c’est d’un gouvernement travailliste armé d’un programme socialiste. Pour cela, le gouvernement de May doit d’abord tomber. Des élections législatives anticipées doivent se tenir. C’est le seul moyen de mettre fin au contrôle des Conservateurs sur le processus du Brexit – mais aussi, et surtout, de commencer à s’attaquer à la situation désespérée que subissent les travailleurs et la jeunesse. Enfin, le programme du Labour, qui contient des réformes sociales progressistes, doit être complété par des mesures qui s’en prennent à la grande propriété capitaliste, faute de quoi les réformes ne pourront pas être menées.
Jeremy Corbyn ne pourra pas mobiliser le Parlement au-delà du seuil atteint lors du dernier vote de défiance. Le gouvernement a perdu sa légitimité, mais les manœuvres parlementaires ont atteint leurs limites. Il faut donc passer à des moyens extra-parlementaires. Le Labour doit mobiliser les travailleurs et la jeunesse autour d’une campagne de masse visant à faire plier les Conservateurs. Il faut organiser de grandes manifestations et des grèves coordonnées dans tout le pays, pour obtenir des élections anticipées. C’est la position que défendent nos camarades de Socialist appeal, la section britannique de la TMI. Face au blocage du parlementarisme bourgeois, seule une lutte de masse de la classe ouvrière pourra faire tomber May et son gouvernement de misère !