Le 10 janvier dernier, le ministre britannique des Transports, Grant Shapps, a rendu public un projet de loi visant à imposer un « service minimum » dans plusieurs secteurs, dont les transports, l’éducation et la santé. Des millions de travailleurs seraient privés du droit de grève.
Vague de grèves
Ce projet de loi arrive au milieu de la plus importante vague de grèves que la Grande-Bretagne ait connue depuis des décennies. Sur le seul mois de décembre, plusieurs journées de grève ont mobilisé à l’échelle nationale les travailleurs du rail, ceux des douanes, les infirmières ou encore les postiers. En septembre, les avocats étaient en grève. On a aussi assisté à de nombreuses grèves locales, notamment cet été parmi les dockers et les éboueurs.
Dans tous les secteurs de l’économie, les travailleurs se mobilisent pour arracher des augmentations de salaire face à une inflation de 10 %, mais aussi de meilleures conditions de travail. Plusieurs grèves ont permis d’arracher de substantielles augmentations de salaire. Ce fut notamment le cas pour les dockers et les éboueurs.
Ces victoires ont été un encouragement pour tous les travailleurs – et une nouvelle preuve du fait que seule la lutte paie. Dans ces mobilisations, la classe ouvrière prend conscience de sa force et de son unité. Le projet de loi de Grant Shapps vise à enrayer ce mouvement. C’est un défi lancé aux syndicats et à l’ensemble de la classe ouvrière britannique.
Inquiétudes au sommet
Le projet de loi a provoqué l’inquiétude de nombreux politiciens réformistes, mais aussi bourgeois. La dirigeante du Parti National Ecossais, Nicola Sturgeon, l’a publiquement critiqué. Le parti travailliste (gauche) a déclaré qu’il l’abrogerait s’il arrivait au pouvoir. Même le Financial Times, le journal de la bourgeoisie britannique, a appelé le gouvernement à privilégier « la négociation et le compromis », plutôt que la loi et la répression.
Ces mots sont ceux d’hypocrites professionnels. Leur « préférence » pour les négociations ne les a pas empêchés d’approuver les multiples lois restreignant le droit de grève, comme celle qui interdit depuis 1992 les grèves « de solidarité ». Quant à Keir Starmer, le chef du parti travailliste, il a exclu cet été un dirigeant de son parti parce qu’il avait apporté son soutien à une grève ! Sa principale préoccupation est de démontrer à la bourgeoisie qu’il ferait un serviteur plus fiable et plus efficace que les chefs du parti conservateur.
Le fait est que la classe dirigeante britannique est profondément divisée. Une partie redoute qu’une accumulation de mesures d’austérité et de répression ne finisse par provoquer une explosion sociale. Elle réclame donc le retrait de ce projet de loi et la mise en place de quelques réformes modérées pour tenter de calmer la colère des masses. Une autre partie de la bourgeoisie comprend que lorsque les travailleurs remportent des victoires, ils sont encouragés à intensifier la lutte. Elle approuve donc le projet de réprimer sévèrement les grévistes.
Du point de vue des intérêts de la bourgeoisie, ces deux positions contradictoires sont également correctes. Ce dilemme apparemment insoluble souligne l’impasse dans laquelle est plongé le capitalisme britannique.
Mobilisation !
Le Congrès des syndicats (TUC) a appelé à une journée de mobilisation le 1er février, sans pour autant appeler de façon explicite à faire grève. Son secrétaire général, Paul Nowak, a affirmé qu’il combattrait cette loi « au Parlement et devant les tribunaux ». C’est une erreur. La classe ouvrière ne doit placer sa confiance ni dans les politiciens hypocrites au service de la bourgeoisie, ni dans les institutions de la classe dirigeante. Sans une puissante mobilisation extra-parlementaire des travailleurs, le Parlement et les tribunaux soutiendront la politique du gouvernement.
Pour faire obstacle aux projets réactionnaires du gouvernement conservateur, le mouvement ouvrier ne doit compter que sur ses propres forces. Il doit organiser une mobilisation de masse, comparable « à la grève générale de 1926, au mouvement des suffragettes et au mouvement chartiste », comme l’a très justement déclaré le secrétaire général du syndicat des transports, Mick Lynch.
Une pétition « pour défendre le droit de grève » a été lancée par la campagne intersyndicale « Trop, c’est trop ». A ce jour, elle a réuni près de 160 000 signatures. Une autre pétition, lancée par le TUC, a réuni près de 200 000 signatures en l’espace de deux semaines. Après les grèves de ces derniers mois, ces chiffres sont une nouvelle démonstration du potentiel qui existe pour une mobilisation de masse.
Un signe très encourageant est la position du syndicat de fonctionnaires, PCS, qui a appelé ses 100 000 adhérents à faire grève le 1er février. Les autres syndicats doivent suivre cet exemple et mobiliser leurs forces dans une lutte unitaire de tous les salariés. Seules les méthodes de la lutte des classes – la grève et les manifestations de masse – peuvent repousser les attaques des conservateurs et les politiques d’austérité que la bourgeoisie veut imposer aux travailleurs britanniques.