Le mouvement Occupy est de retour ! A la suite du « printemps arabe », de nombreux mouvements avaient éclaté dans les pays de l’hémisphère nord, sous la forme d’occupations pacifiques de lieux publics. Les « indignés » en Espagne et en Grèce, Occupy Wall Street aux Etats-Unis... Ces mouvements étaient dirigés contre les inégalités économiques et l’absence de démocratie réelle. De nouveaux slogans y ont émergé, dont le plus célèbre est sans doute : « Nous sommes les 99 %. »
En Espagne, le mouvement des « indignés » a marqué le début d’une série de mobilisations massives qui a fini par trouver une expression politique dans l’émergence de PODEMOS. Ailleurs, le mouvement n’a pas abouti à la création de structures pérennes, mais le mécontentement est toujours là. Et en Grande-Bretagne, le mouvement a fait un retour remarqué.
Le 28 mars, les militants d’Occupy London ont organisé un barrage devant le quartier général de News UK, la principale société de presse du Royaume-Uni, propriétaire entre autres de The Times et The Sun. Il s’agissait de protester contre la politique du patron de presse Rupert Murdoch, mis en cause dans des scandales de corruption et d’espionnage dans le cadre de son activité. Une enquête de la Metropolitan Police de Londres a révélé les accointances de Murdoch avec la police, l’armée et les milieux politiques du royaume. De manière générale, Occupy London visait à dénoncer la concentration de la presse capitaliste dans les mains de quelques magnats et son influence sur l’opinion publique.
Après avoir organisé différentes activités plus ou moins festives, dont notamment un procès fictif de Rupert Murdoch, David Cameron et différentes personnalités britanniques, les manifestants, venus avec pancartes, tambours et trompettes, ont occupé pacifiquement l’entrée du quartier général de News UK, en face d’un impressionnant dispositif policier. Bien que beaucoup de personnes soient parties à la nuit tombée, des militants ont campé sur place jusqu’au lever du jour. Ironie de l’histoire, ce mouvement de protestation venu faire du bruit jusque sous les fenêtres de la presse a rencontré peu d’écho dans les journaux du lendemain… Seul le London Evening Standard a écrit un article circonstancié sur ces événements. Il faut dire qu’il appartient à un groupe concurrent de News UK.
Rejet du Labour Party
L’émergence de ces nouveaux mouvements de protestation, capables de s’organiser en dehors des partis et syndicats traditionnels pour dénoncer les méfaits du système actuel, est un symptôme de la crise du capitalisme et de toutes les organisations qui défendent ce système. Partout dans le monde, les travailleurs voient la misère s’accumuler pour l’écrasante majorité tandis qu’une minorité de spéculateurs et de rentiers s’enrichissent toujours plus. Les masses peuvent sembler passives, mais la colère s’accumule sous la surface de la société. Si les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier échouent à donner un débouché concret à cette colère – ou si elles refusent de le faire –, de nouveaux mouvements émergent pour le faire à leur place.
En Grande-Bretagne, le Labour Party est la seule organisation politique conséquente des travailleurs depuis plus d’un siècle. Historiquement, les syndicats britanniques sont adhérents au Labour et votent pour ses congrès et désignations internes. Ce parti est arrivé plusieurs fois au pouvoir grâce à ce lien privilégié avec les travailleurs et à l’absence de concurrence sérieuse sur sa gauche. Mais le Labour a beaucoup déçu son électorat populaire, comme le PS en France. Si les travailleurs peuvent encore voter pour lui, c’est souvent un choix par défaut, pour tenter de limiter la casse en évitant un nouveau gouvernement des conservateurs.
Dans de telles circonstances, même si le Labour conserve une base de masse, il est possible qu’une alternative émerge sur sa gauche, à condition de paraître suffisamment crédible. Il est à noter que même le Parti Vert, qui rassemble en général à peine 1 % des voix lors des élections générales, est désormais crédité d’environ 5 % des suffrages, selon les sondages, depuis qu’il a lancé sa campagne le présentant comme l’alternative aux partis traditionnels.
La résurgence d’Occupy ne signifie pas que la Grande-Bretagne prendra le même chemin que l’Espagne avec la création d’un nouveau parti du genre de PODEMOS. C’est un mouvement organisé surtout sur internet et doté d’une base théorique floue. Néanmoins, la plupart des travailleurs et des jeunes radicalisés ne se formalisent pas sur les questions de programme. Ce qui leur importe, c’est l’idée de rupture avec l’ordre existant, dont la pourriture est désormais exposée au grand jour.
Le mouvement Occupy, ou une autre initiative similaire, peuvent donc rencontrer un grand succès à l’avenir. En attendant, ses militants prévoient de poursuivre leurs actions en organisant blocages, manifestations et conférences pour protester contre les privilèges du 1 % qui écrase les 99 autres. Nul doute que les militants regroupés autour de Socialist Appeal, notre journal frère en Grande-Bretagne, prendront toute leur place au sein de ces événements futurs.