Les Palestiniens ont subi des décennies d’oppression de la part de l’impérialisme israélien. L’Etat d’Israël, comme superpuissance régionale, bénéficie de l’appui des impérialistes américains et européens. Dans cette région très instable, les puissances occidentales ont besoin d’un point d’appui fiable et doté de fortes capacités militaires. Incapable, sur le plan intérieur, de répondre aux besoins de la vaste majorité des citoyens israéliens, le capitalisme israélien ne peut maintenir son équilibre interne qu’en exerçant une pression économique et militaire constante sur les Etats et les territoires voisins.
Les Palestiniens sont plongés dans une pauvreté désespérante et parqués dans une mosaïque d’enclaves séparées par des murs, des postes de contrôle et des barbelés. Leur aspiration à un Etat palestinien, dans lequel ils voient une façon de se libérer de cette oppression, est parfaitement légitime. En tant que communistes, nous devons soutenir ce droit. Mais le capitalisme israélien n’acceptera jamais la création d’un Etat palestinien sur ses frontières. Et la création d’un tel Etat ne serait pas dans l’intérêt, non plus, des régimes arabes réactionnaires. L’émancipation nationale des Palestiniens est donc indissociable de la lutte pour le socialisme au Moyen-Orient.
Le rôle de l’OLP et la faillite du nationalisme arabe
Notre soutien à la cause palestinienne ne nous engage nullement à cautionner la politique du Fatah ou celle du Hamas. La stratégie adoptée par l’OLP, du temps d’Arafat, a mené les Palestiniens de débâcle en débâcle. Sa prétendue « lutte armée » contre Israël n’était pour l’essentiel qu’une longue série d’actes de terrorisme individuel – enlèvements, détournements d’avion, assassinats, « bombes humaines » – principalement dirigés contre des civils israéliens. Ces méthodes de lutte sont absolument contre-productives, et l’histoire de l’OLP en est une illustration irréfutable. Au lieu d’aider les Palestiniens, elle n’a fait qu’aggraver leur situation.
En Jordanie, en 1970, l’OLP aurait pu renverser la monarchie et prendre le pouvoir. Mais Arafat cherchait un terrain d’entente avec le roi Hussein. Lorsqu’il a enfin compris que ce dernier était décidé à écraser le Fatah, il a ordonné la dispersion et la fuite des miliciens, laissant la masse des Palestiniens, qui n’avait d’autre choix que de résister, sans défense contre les massacreurs sous les ordres du roi. Lors de l’invasion israélienne du Liban, en 1982, Arafat chercha de nouveau une « plateforme commune » avec le roi Hussein, et a abandonné Beyrouth sans organiser de résistance sérieuse. A chaque fois, dans l’histoire de l’OLP, la lutte pour un Etat palestinien indépendant sur la base du nationalisme arabe a mené à une catastrophe.
De l’intifada aux accords d’Oslo
Le soulèvement des masses palestiniennes, en 1987, s’est produit indépendamment des dirigeants de l’OLP. Arafat n’a pas voulu l’intifada et ne la contrôlait pas. Après des années de bavardages sur le thème de la « lutte armée », la direction de l’OLP a laissé la jeunesse palestinienne affronter la puissance militaire israélienne au moyen de cailloux et de bâtons.
Comme tous les projets concoctés entre les impérialistes et la direction de l’OLP, les accords d’Oslo, qui ont débouché sur la création de l’Autorité Palestinienne, n’étaient qu’un leurre et une trahison de la cause palestinienne. La deuxième intifada, à partir de 2001, était dirigée contre l’Etat israélien, mais aussi contre la situation désastreuse qui avait été « négociée » sous les auspices de l’impérialisme américain. Dans les territoires prétendument « autonomes », la population palestinienne vit comme dans une cage, entièrement sous le contrôle militaire de l’Etat israélien et sans aucune viabilité économique. Enfermée dans des bidonvilles et des parcelles de terrain éparpillées, la vaste majorité des travailleurs et des jeunes vit dans la misère absolue. Selon un rapport de l’ONU, en 2003, 63% des Palestiniens vivent avec moins de 2,10 euros par jour. Depuis, la situation économique et sociale s’est encore nettement dégradée.
Connivence avec l’impérialisme
En substance, l’Autorité palestinienne est un outil des impérialismes américain et israélien, qui la chargent de maintenir l’ordre et le respect des « accords » signés avec les pires ennemis de la masse des Palestiniens. Aujourd’hui, Mahmoud Abbas et les dirigeants du Fatah sont ouvertement de connivence avec l’impérialisme américain et israélien – et, comme depuis toujours, avec les régimes arabes réactionnaires. Ils n’offrent aucune issue aux travailleurs et aux jeunes des territoires.
C’est la corruption et le comportement traître des dirigeants du Fatah qui a favorisé la montée du Hamas et sa victoire aux élections de janvier 2006. On voit ici l’hypocrisie totale de l’administration Bush, qui est pour la « démocratie » aussi longtemps qu’elle opère au profit de ses propres intérêts. L’administration américaine fournit armes et financements au Fatah pour écraser le Hamas. Il s’agit d’une lutte entre deux milices, au service, l’une comme l’autre, de cliques corrompues et réactionnaires. Loin d’être la solution, ces organisations font partie du problème. Clairement, sur la base du nationalisme – c’est-à-dire de la connivence avec les régimes réactionnaires des pays arabes – et de la recherche d’un compromis avec l’impérialisme, aucune issue n’est possible pour les Palestiniens.
Une stratégie socialiste et internationaliste
Ce qui est nécessaire, c’est une stratégie et un programme fondés sur le socialisme et l’internationalisme, non seulement de la part des travailleurs et des jeunes de Cisjordanie et de Gaza, mais aussi de ceux de l’ensemble des pays arabes. Une direction digne des Palestiniens – à la différence des gangsters qui dirigent le Fatah et le Hamas – tendrait une main fraternelle aux travailleurs du Moyen-Orient, sur la base d’un programme révolutionnaire et socialiste. Il faut lier la lutte contre l’oppression des Palestiniens à la nécessité d’exproprier les capitalistes et de renverser les régimes réactionnaires dans leurs pays respectifs, en vue de créer une Fédération Socialiste du Moyen-Orient. Ceci permettra aux Palestiniens et Israéliens de vivre librement, sur des territoires autonomes, par une coopération d’égal à égal, sur la base d’une planification économique démocratique, socialiste et mutuellement bénéfique.
On ne peut prétendre fixer à l’avance les frontières exactes des Etats et zones autonomes qui formeront les entités initiales d’une telle Fédération. Mais sur la base du socialisme, il sera possible de répondre aux aspirations d’autodétermination nationale et d’émancipation sociale de tous les peuples de la région, ce qui est absolument impossible sur la base du capitalisme.
Le talon d’Achille de l’impérialisme israélien
Il est absolument indispensable, du point de vue de la lutte pour l’émancipation nationale et sociale des Palestiniens, de chercher des points d’appui dans le mouvement ouvrier israélien et chez les travailleurs arabes vivant en Israël. Le talon d’Achille de l’impérialisme israélien, c’est la classe ouvrière israélienne. Un mouvement palestinien authentiquement révolutionnaire soulignerait constamment, en paroles et en actes, qu’il ne dirige pas son action « contre les juifs », mais uniquement contre la classe capitaliste israélienne, qui est l’ennemi commun de tous les travailleurs de la région, quels que soient leur nationalité ou leur religion.
Ceci impliquerait nécessairement un rejet catégorique des méthodes du terrorisme individuel. Les Palestiniens ont bien évidemment le droit de se défendre contre les incursions meurtrières de l’armée israélienne. Nous ne sommes pas des pacifistes. Mais les attentats terroristes n’affaiblissent en rien l’impérialisme israélien. Bien au contraire : ce dernier s’en est largement servi pour souder la population israélienne autour de sa politique répressive et militariste. Sur la base d’une politique socialiste, révolutionnaire et internationaliste, compte tenu de la crise sociale et économique qui sévit en Israël, où plus de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté, il serait possible d’y construire une importante réserve de solidarité et de soutien actif à la cause palestinienne, ce qui compliquerait la tâche des impérialistes et renforcerait considérablement la lutte contre l’oppression des Palestiniens dans les territoires. Depuis la défaite militaire subie par Israël au Liban, la société israélienne est entrée dans une période de crise sociale et politique qui ne pourrait que favoriser l’impact de cette approche internationaliste.
Les soulèvements palestiniens de 1987 et de 2001 ont démontré l’impact potentiel d’un mouvement de masse sur la classe ouvrière israélienne, à commencer par les travailleurs israéliens d’origine arabe. De tels soulèvements, armés d’un programme résolument socialiste et internationaliste, c’est-à-dire débarrassés du langage nationaliste et de la stupidité contre-productive du terrorisme individuel, auraient scindé la société israélienne en deux, suivant le clivage de classe qui existe en son sein.
Le marxisme et la question nationale
La question des nationalités occupe une place très importante dans la théorie marxiste, depuis l’époque de Marx lui-même. Pour lui, comme pour Engels, Lénine et Trotsky, la lutte pour le socialisme était indissociable de la lutte contre tout ce qui divise et démoralise les travailleurs, et donc contre toutes les formes de patriotisme, de nationalisme et de racisme. Socialisme et internationalisme sont totalement inséparables. La tâche des communistes consiste à œuvrer pour l’unité de tous les travailleurs, indépendamment de leur nationalité, dans une lutte commune contre le capitalisme. Selon les auteurs du Manifeste Communiste, les travailleurs « n’ont pas de patrie ». Ceci doit être le point de départ de notre approche envers la question nationale, y compris dans son application à la question palestinienne. Au Proche-Orient, comme partout ailleurs, la classe ouvrière est la seule classe capable d’offrir une issue aux nationalités opprimées, car c’est la seule classe qui est capable, une fois consciente de sa propre puissance et mobilisée autour d’un programme socialiste, d’éradiquer la cause de l’oppression nationale, à savoir le capitalisme et l’impérialisme.
En tant que marxistes, nous défendons le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Cependant, cette revendication est le plus souvent présentée d’une manière qui n’a rien à voir avec ses véritables objectifs. Présentée isolément, en dehors de toute perspective révolutionnaire, cette revendication devient une couverture pour le nationalisme. Pour un marxiste, cette revendication n’a de contenu progressiste que dans la mesure où elle facilite l’union et la lutte commune de tous les travailleurs, de part et d’autre des frontières, en permettant de surmonter les divisions nationales.
Chez Lénine, comme pour La Riposte, le droit à l’autodétermination ne signifie nullement un engagement à créer de nouveaux Etats selon des critères linguistiques, nationaux ou ethniques. Il signifie un engagement à lutter contre toutes les formes d’oppression nationale – y compris la rétention contrainte et forcée d’une nation dans les frontières d’un Etat. La nation concernée doit pouvoir décider librement de son appartenance ou non à un Etat donné. Autrement dit, le marxisme ne prône pas la séparation, mais l’union volontaire, et l’importance cruciale du droit à l’autodétermination réside en ce qu’elle favorise cette union volontaire.
Devoir internationaliste
Ici en France, notre devoir est non seulement d’être « solidaires » des Palestiniens, mais aussi de les aider, politiquement, à trouver le chemin qui mène à leur émancipation. Sur cette question, la direction du Parti Socialiste, occasionnellement « solidaire » en paroles, aligne sa politique sur celle de l’impérialisme américain et israélien. Les dirigeants du PCF, quant à eux, sont manifestement incapables d’élaborer une politique indépendante – une politique de classe – envers ce problème. Aucune solution à la question palestinienne n’est possible sur la base du capitalisme. En conséquence, elle ne viendra ni de la Maison Blanche, ni d’une instance entièrement dominée par les grandes puissances impérialistes, comme l’est l’ONU. Elle viendra des travailleurs du monde arabe et d’Israël, mobilisés autour d’un programme révolutionnaire et internationaliste.