A l’heure où nous écrivons ces lignes, Israël prépare une offensive terrestre contre la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Selon Benyamin Netanyahou, il s’agit de placer Israël « à quelques semaines d’une victoire totale ».
D’après l’Unicef, Rafah a dû accueillir 1,3 million de Palestiniens, dont 600 000 enfants. Une offensive contre la ville provoquerait des milliers de morts, alors que près de 30 000 Palestiniens ont déjà été tués par l’armée israélienne depuis le 7 octobre.
Les contradictions de la politique israélienne
Cette offensive se prépare dans un contexte marqué par la division de la classe dirigeante israélienne, dont une partie craint les conséquences politiques et sociales d’une guerre trop longue, alors que l’économie israélienne est déjà en difficulté. Depuis le dimanche 25 février, des représentants égyptiens, qataris, américains, israéliens et des cadres du Hamas ont relancé les négociations pour aboutir à une trêve.
Cependant, le 25 février, Netanyahou déclarait : « Nous n’arrêterons pas. Si nous avons un accord pour une trêve, ces objectifs seront reportés mais seront quand même remplis. Et si nous n’avons pas d’accord, nous les atteindrons de toute façon. Notre but est la victoire totale ».
Il y a deux raisons évidentes à cet acharnement. D’une part, Netanyahou veut rester au pouvoir à tout prix. Si la guerre prenait fin, des élections seraient convoquées. Or il serait battu et devrait répondre de plusieurs affaires de corruption devant les tribunaux. Il cherche donc à prolonger la guerre autant que possible, en s’appuyant sur les sionistes les plus radicaux, qui prônent ouvertement l’expulsion ou l’extermination de tous les Palestiniens de Gaza.
Par ailleurs, une couche significative de la population israélienne, traumatisée par l’attaque du 7 octobre et soumise à la propagande intensive du gouvernement, ne veut pas que la guerre s’arrête avant d’avoir complètement « détruit » le Hamas. Par son jusqu’au-boutisme, Netanyahou flatte cette couche de la population israélienne – au risque de déclencher une guerre régionale.
Tout en massacrant les Gazaouis, l’armée israélienne multiplie les provocations contre des pays voisins. Le 21 février, des avions israéliens ont bombardé Damas, la capitale de la Syrie, et tué deux personnes. Le 26 février, des bombardiers israéliens ont frappé un village libanais, près de Baalbek, et tué plusieurs personnes. En réponse, le Hezbollah libanais a tiré des dizaines de roquettes vers Israël. Ces affrontements renforcent la possibilité d’un deuxième front, opposant Israël au Hezbollah, et d’un embrasement de toute la région.
Inquiétudes impérialistes
Le 29 février, un membre de l’administration Biden déclarait à CNN que le gouvernement américain « partait du principe qu’il y aura une opération militaire israélienne [contre le Liban] dans les mois à venir, [...] peut-être plus tard au printemps ». Cette perspective est une source de grande inquiétude pour les impérialistes occidentaux. Après avoir apporté leur appui inconditionnel à Netanyahou au début de la guerre, ils en redoutent de plus en plus les conséquences.
Le carnage organisé par le régime sioniste, à Gaza, révolte de larges couches de la jeunesse et de la classe ouvrière du monde entier. Aux Etats-Unis, Joe Biden est surnommé « Genocide Joe » par une bonne partie de la jeunesse, qui le considère – à raison – comme un complice du massacre des Palestiniens. Par ailleurs, une déstabilisation durable du Moyen-Orient serait une menace directe pour les intérêts des impérialistes occidentaux.
C’est ce qui explique les déclarations récentes de Biden sur la possibilité d’une trêve à Gaza pendant le ramadan. Pour les mêmes raisons, Macron a déclaré que « le bilan humain et la situation humanitaire [à Gaza] étaient intolérables » et que « les opérations israéliennes devaient cesser ». Il s’agit pour eux d’exercer une légère pression sur le gouvernement israélien – et, surtout, de montrer à leurs opinions publiques qu’ils ne restent pas complètement passifs. Sans surprise, rien de tout cela n’a eu d’effet, à ce jour, sur le gouvernement israélien. Les impérialistes de Washington ou de Paris sont donc contraints de contempler avec inquiétude le chaos qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer.
La poursuite de la guerre contre Gaza inquiète aussi les régimes de la région. Le régime égyptien d’Al-Sissi a menacé de rompre l’accord de paix avec Israël – conclu en 1979 – si l’assaut terrestre contre Rafah avait lieu. Sous la pression de sa propre population, Al-Sissi ne peut pas se permettre de rester passif. En outre, il n’a aucune envie de voir l’arrivée en Egypte de centaines de milliers de réfugiés que provoquerait un assaut israélien sur Rafah. Entassés dans des camps de réfugiés dans le Sinaï, les réfugiés palestiniens seraient une source permanente de tensions avec Israël.
Al-Sissi n’est pas le seul à se débattre dans de telles contradictions. La guerre à Gaza pourrait être l’étincelle d’une nouvelle série de révolutions dans les pays arabes. Seul un tel mouvement de masse, mobilisant les travailleurs et les jeunes de la région contre les régimes inféodés aux impérialistes, pourrait mettre fin aux souffrances des Palestiniens.