Présenté par Benyamin Netanyahou comme la date limite du déclenchement de l’offensive terrestre contre Rafah, le 10 mars est pourtant passé sans que cette attaque ne soit lancée. Est-ce que Netanyahou hésite à l’idée de provoquer un carnage pire que tout ce dont nous avons été témoin depuis le 7 octobre ? Non. Le Premier ministre israélien n’a pas de tels états d’âme. Le « retard » pris par l’assaut contre Rafah est le fruit des pressions contradictoires qui s’exercent sur les dirigeants de l’Etat sioniste.
L’hypocrisie de Washington
Les Israéliens sont notamment soumis à la pression croissante des Etats-Unis. Biden et les dirigeants américains craignent qu’une offensive israélienne sur Rafah déstabilise encore un peu plus des pays de la région comme la Jordanie ou l’Egypte, qui sont d’importants alliés des Etats-Unis.
La situation à Gaza est aussi devenue un élément de la politique intérieure américaine. Le soutien de Biden à la guerre a provoqué la colère de couches significatives de la population, notamment dans la jeunesse. Or les élections présidentielles approchent. Si Biden veut éviter la défaite que tous les sondages lui prédisent, il doit au moins donner l’impression qu’il tente de mettre fin à la boucherie de Gaza. Par exemple, la représentante américaine à l’ONU s’est abstenue de poser son veto à une résolution appelant à un cessez-le-feu.
Mais Washington n’a pas pour autant interrompu, ni réduit, son aide militaire à Israël. C’est que Biden est soumis à d’autres pressions. Cesser d’aider Israël, qui est son plus fidèle allié dans la région, porterait un coup à la crédibilité de Washington auprès des classes dirigeantes d’autres pays alliés des Etats-Unis, comme l’Arabie Saoudite. Quelle est l’utilité d’une alliance avec les Américains s’ils cessent de vous soutenir dès que cela les arrange ? Autant trouver un autre « protecteur », qui sera peut-être plus fidèle. Alors que des pays comme la Chine ou la Russie contestent de plus en plus la domination américaine à l’échelle mondiale, les Etats-Unis ne peuvent pas lâcher Israël sans risquer de s’aliéner d’autres alliés.
Netanyahou est bien conscient du dilemme dans lequel sont plongés les stratèges de l’impérialisme américain. C’est pour cela qu’il se permet d’opposer une fin de non-recevoir à toutes les demandes de cessez-le-feu.
La division de la bourgeoisie israélienne
Cependant, les dirigeants sionistes sont eux-mêmes divisés et indécis. Loin d’avoir été « détruits », les combattants du Hamas sont toujours actifs à Gaza, y compris dans des zones que l’armée israélienne a occupées dès le début de son offensive. Certains dirigeants israéliens hésitent face à la perspective d’une guerre longue et meurtrière pour leurs propres soldats, sans que la victoire finale ne soit assurée.
Par ailleurs, la situation ne cesse de se tendre à la frontière nord d’Israël. L’armée israélienne a multiplié les frappes au Liban et le Hezbollah y a répondu par des tirs de roquettes de plus en plus nombreux. Parmi les éléments sionistes les plus radicaux, certains prônent l’ouverture d’un « second front ». L’ancien ministre israélien de la Défense, Avigdor Liberman, a appelé le gouvernement à « étendre la guerre en territoire ennemi », c’est-à-dire au Liban. Les Etats-Unis redoutent beaucoup cette perspective, car cela ouvrirait la voie à une extension du conflit à toute la région, ce qui pourrait les contraindre à intervenir directement.
Netanyahou est lui-même dans une situation très inconfortable. Si la guerre prenait fin, des élections se tiendraient – qu’il perdrait à coup sûr. Il devrait alors comparaître devant la justice pour plusieurs affaires de corruption. Il a donc intérêt à prolonger la guerre indéfiniment. Ceci le rend toujours plus dépendant de l’extrême droite sioniste, qui pousse pour envahir le Liban et mener la guerre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’expulsion ou l’extermination des Palestiniens de Gaza.
De son côté, Benny Gantz, le principal rival de Netanyahou au sein du gouvernement israélien, a été récemment reçu à Washington comme s’il était déjà Premier ministre. En affirmant sa préférence pour un cessez-le-feu temporaire, afin de négocier la libération des otages, il a obtenu l’approbation des cercles dirigeants américains.
Tout cela explique la situation actuelle : les criminels impérialistes se débattent dans les affres de leurs propres contradictions. Et pendant ce temps, le carnage continue. Après six mois de guerre, 32 000 personnes sont mortes, dont un grand nombre d’enfants. La famine ravage Gaza, et l’épée de Damoclès d’une offensive israélienne plane sur Rafah.
Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, les puissances impérialistes n’ont aucun intérêt à soulager la souffrance du peuple palestinien, et moins encore à mettre fin à l’oppression qu’il subit. Seule une mobilisation révolutionnaire des travailleurs de la région, contre le colonialisme israélien, contre l’impérialisme et contre les régimes réactionnaires de la région – qui sont leurs serviles laquais – permettra d’en finir avec 75 ans d’oppression et de carnage en Palestine.