Cet article date du 12 juillet.
Une tempête de bombes et de feu a été déclenchée par le gouvernement israélien sur la population civile de Gaza. Au cours des derniers jours, plus de 400 tonnes de bombes ont frappé des cibles dans la bande de Gaza densément peuplée, tuant au moins 100 civils, dont de nombreux enfants, et en blessant des centaines.
Pendant ce temps, Gaza est privée de fournitures médicales et de toute forme d’aide en raison de la décision du gouvernement égyptien de fermer tous les tunnels à travers la frontière, tunnels qui ont été utilisés pour la contrebande d’armes, mais également pour passer de la nourriture, du carburant, des médicaments et presque tout ce qui est nécessaire à la survie de la population. Cela aggrave les pertes civiles.
L’attaque lancée par l’armée israélienne n’a aucune justification, en dépit de toutes les excuses relayées par les médias internationaux. Il est dégoûtant de voir comment les médias internationaux font écho au prétexte avancé par Israël, selon lequel la campagne de bombardement est destinée à frapper des cibles militaires. Tous les efforts seraient faits pour éviter des pertes civiles, notamment en prévenant la population des lieux ciblés. C’est une affirmation ridicule qui pue l’hypocrisie. Outre le fait que les soi-disant « bombes intelligentes » s’avèrent très souvent ne pas être intelligentes du tout, frappant indistinctement civils et objectifs prétendument « militaires », la bande de Gaza est l’une des zones les plus densément peuplées au monde. Les « avertissements » aux civils ont été émis moins d’une minute avant les frappes, ce qui rend impossible pour n’importe qui, dans les bâtiments visés, d’échapper aux attaques. Les images et vidéos que publient des habitants de Gaza montrent des enfants et des civils enfouis sous les décombres.
Puissances de feu incomparables
La justification officielle de ce bombardement de la bande de Gaza est la même qu’en 2008 et 2012. Ces frappes seraient nécessaires, selon le gouvernement israélien, pour détruire les équipements et les bases utilisés pour les tirs de roquettes visant des villes israéliennes, qui ont été décidés par la direction du Hamas le lundi 7 juillet. Mais ces roquettes, une fois lancées, se sont avérées totalement inefficaces et faciles à détecter et à détruire pour la défense sophistiquée de l’armée israélienne. Les villes israéliennes qui pourraient être ciblées par ces fusées sont sécurisées et des refuges sûrs sont disponibles en cas d’urgence. La preuve en est qu’il n’y a aucune victime civile en Israël, à ce jour, contre plus de 100 à Gaza. Ces seuls chiffres montrent clairement qui est le véritable agresseur. La puissance de feu des deux parties n’est pas comparable.
Cette situation a fait la « une » des médias internationaux, mais elle est simplement la poursuite, à un niveau supérieur, de cette réalité qu’est la violence quotidienne impitoyable de l’Etat israélien pour asphyxier la population palestinienne. Les Palestiniens ont depuis des années souffert de harcèlement constant de la part des forces armées israéliennes, avec des maisons démolies, des jeunes arbitrairement arrêtés et beaucoup de Palestiniens tués, s’ajoutant ainsi au niveau de chômage élevé et aux conditions de vie très mauvaises en général. L’organisation des droits de l’Homme israélienne B’Tselem a comptabilisé 565 Palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes depuis janvier 2009 (depuis la fin du massacre de Gaza connu sous le nom « Opération Plomb Durci », qui a coûté la vie à 1 400 Palestiniens et à 13 Israéliens), tandis que 28 civils israéliens et 10 agents de sécurité israéliens ont été tués au cours de la même période. Encore une fois, ces chiffres montrent qui est l’opprimé et qui est l’oppresseur.
L’enlèvement et le meurtre de trois colons adolescents
Cette crise pourrait échapper au contrôle des impérialistes. L’armée israélienne engage la mobilisation de 40 000 réservistes, Netanyahu menaçant la bande de Gaza d’une intervention terrestre. Si tel était le cas, le nombre de victimes augmenterait certainement de façon rapide des deux côtés. Mais quoi que fasse le gouvernement, cela n’a rien à voir avec des préoccupations relatives à la sécurité des citoyens israéliens. Répandre plus de sang palestinien ou même restaurer une occupation israélienne directe de la bande de Gaza, comme certains l’exigent, ne ferait qu’augmenter la détermination d’une nouvelle génération de jeunes Arabes à combattre l’occupation par tous les moyens possibles.
L’enlèvement et le meurtre de trois adolescents le 12 juin, en Cisjordanie, par un groupe de voyous censés être proche du Hamas, ont mis fin à la trêve conclue en 2012. Cet incident a tout simplement été exploité pour élever le niveau de tension. En d’autres circonstances, cela aurait été considéré comme un événement tragique de plus dans un conflit qui dure depuis des décennies. Cette fois, cependant, cet événement a été utilisé comme une excuse pour lancer une campagne médiatique hystérique autour de la recherche des adolescents kidnappés. Il semble clair que les services de sécurité israéliens savaient que les trois adolescents avaient été tués. Cependant, la campagne intitulée « Ramener nos garçons » s’est tout de même poursuivie pendant des semaines, afin de gagner du soutien à l’idée d’une punition dure et d’une vengeance, de rallier l’opinion publique à l’Etat sioniste, et ainsi de justifier le bombardement actuel de la bande de Gaza.
Il est évident que le plan d’attaque de la bande de Gaza a précédé l’enlèvement et l’assassinat des trois adolescents. Le meurtre des adolescents a simplement rendu plus facile la tâche du gouvernement israélien pour convaincre « l’opinion publique » qu’une telle attaque était nécessaire... pour des « raisons de sécurité ».
Sans aucune preuve solide, la responsabilité des meurtres a été immédiatement placée sur la direction du Hamas par les autorités israéliennes. Cependant, de nombreux commentateurs ont souligné l’amateurisme de l’opération d’enlèvement, avec des erreurs qui ont abouti à l’assassinat des trois jeunes. Le Hamas a nié toute implication, mais le gouvernement Netanyahu n’a pas hésité à le tenir responsable et à riposter par une campagne d’arrestations de centaines de Palestiniens en Cisjordanie, sans aucun rapport avec le meurtre des adolescents.
Le comportement particulièrement brutal des forces de sécurité israéliennes est connu de tous, avec des passages à tabac systématiques et des cas de torture de prisonniers. Même Human Rights Watch a dénoncé l’utilisation illicite de la force, les arrestations arbitraires et les démolitions illégales de maisons. Amnesty International a dénoncé les violations flagrantes des lois internationales humanitaires et des droits humains de la part des forces de sécurité israéliennes.
La réponse du Hamas a été de lancer une série de tirs de roquettes, qui ont ensuite été utilisées par Israël comme excuse pour engager le pilonnage massif de Gaza. Cependant, la description de l’enchainement des événements ne fournit pas les raisons fondamentales de cette crise, qui sont liées à l’instabilité croissante de toute la région.
Modification des équilibres au Moyen-Orient
L’ensemble du Moyen-Orient est instable. C’est la conséquence des convulsions révolutionnaires de la dernière période et des interventions et manœuvres impérialistes visant à y mettre un terme.
L’issue de la guerre civile en Syrie a renforcé la position des alliés de l’Iran dans la région (le régime d’Assad en Syrie, le Hezbollah au Liban). L’Iran en sort renforcé comme puissance régionale. D’un autre côté, les limites de l’impérialisme américain sont clairement apparues, notamment avec sa débâcle en Syrie et le soulèvement sunnite en Irak. Les Américains sont contraints de se tourner vers l’Iran pour tenter de sortir la région d’un chaos qu’ils ont eux-mêmes engendré. Ils ne peuvent plus s’appuyer sur les Etats du Golfe et l’Arabie Saoudite, leurs alliés traditionnels.
En conséquence, l’impérialisme israélien se sent menacé par l’influence croissante de l’Iran. Aussi cherche-t-il à réaffirmer sa position. En bombardant Gaza, Israël envoie un message clair au gouvernement américain, lui rappelant qu’il est son allié le plus solide dans la région – et qu’Obama ne doit pas aller trop loin dans sa promotion du régime iranien.
Enfin, il y a la crise sociale en Israël, qui a débouché sur des mobilisations massives en 2011. Le gouvernement est en crise permanente. Israël Beitenu a rompu la coalition avec Netanyahou. La classe dirigeante sioniste a besoin d’une situation de tension aux frontières d’Israël pour étouffer la contestation interne. Elle alimente les sentiments nationalistes pour contrecarrer la différenciation de classe qui se développe dans la société israélienne.
Au cours des dernières années, des manifestations palestiniennes ont également visé la direction corrompue du Fatah. De son côté, lorsque le Hamas avait pris le contrôle de Gaza, il s’était présenté comme l’adversaire de la corruption des chefs du Fatah. A présent, les Palestiniens voient qu’ils ne valent pas mieux.
Pendant des années, l’Autorité Palestinienne – et même la direction du Hamas à Gaza – a collaboré avec les forces de sécurité israéliennes pour réprimer la population palestinienne, sous prétexte de démanteler des réseaux jihadistes et d’appliquer les soi-disant « accords de paix ». Au fil des années, la crédibilité de l’Autorité Palestinienne a chuté. Cela vaut aussi pour les dirigeants du Hamas, qui jusqu’à récemment négociaient leur entrée dans un gouvernement national avec le Fatah.
Tous ces facteurs poussent à la radicalisation des différents acteurs du conflit, qui espèrent ainsi consolider leur base.
La farce des « négociations de paix »
La direction palestinienne a également été discréditée par les récentes « négociations de paix » tenues sous supervision américaine. Le président palestinien, Abou Mazen, a renoncé de longue date au droit au retour des réfugiés palestiniens. Il était même prêt à accepter une réduction du territoire palestinien à 22 % de la Palestine d’origine – et partiellement fragmenté en enclaves sans communication.
Des concessions inédites ont été faites à Israël. Par exemple, l’Etat palestinien serait démilitarisé. Les milices seraient démantelées. Israël et des forces internationales garderaient les frontières. 80 % des colons israéliens de Cisjordanie et de Jérusalem seraient autorisés à rester dans leurs colonies illégales. Mais même cela ne suffisait pas aux dirigeants israéliens, qui refusaient de faire la moindre concession.
De la part des chefs du Hamas, la décision de lancer des roquettes sur des cibles civiles israéliennes constitue une tentative cynique de retrouver une partie de leur crédibilité perdue. Comme nous l’avons expliqué à de nombreuses reprises, les tirs de roquettes ne peuvent pas faire avancer la cause juste du peuple palestinien. En fait, ils sont totalement contre-productifs, car ils renforcent temporairement la mentalité d’assiégés de nombreux Israéliens, sur laquelle s’appuient Netanyahou et le sionisme.
Solidarité avec le peuple palestinien !
Le peuple palestinien résiste héroïquement depuis des décennies. Cependant, il ne parviendra pas à la victoire au moyen de tirs de roquettes du Hamas. Dans l’histoire de la résistance palestinienne, il y a eu des moments où cette lutte a eu un impact majeur en Israël même. C’était le cas lors de la première intifada. De telles mobilisations de masse sont la seule voie, aujourd’hui encore. En outre, les révolutions en Egypte et en Tunisie ont renforcé la cause palestinienne. La révolution est à l’ordre du jour dans tout le monde arabe. La crise du capitalisme est la cause fondamentale de cette effervescence révolutionnaire – et elle a eu un impact en Israël même.
Les manœuvres au sommet, aussi bien de la classe dirigeante sioniste que des dictatures arabes, visent à maintenir le statu quo et à faire dérailler la vague révolutionnaire. L’offensive actuelle contre Gaza fait partie de ces manœuvres.
Une position de classe et internationaliste est nécessaire. Il n’y a pas longtemps, il semblait impossible que des régimes tels que ceux de Moubarak et Ben Ali soient renversés. Or ils ont été renversés. Une lutte massive des travailleurs israéliens contre leur propre gouvernement est également possible, comme l’ont montré les mobilisations d’août 2011.
La lutte des jeunes et des travailleurs d’Egypte, d’Iran et de Turquie s’étendra à d’autres pays de la région. Toutes les cliques dirigeantes seront renversées. Dans cette perspective, il est possible d’envisager une authentique et durable solution à la question palestinienne, sous la forme d’une Fédération socialiste du Moyen-Orient, qui garantirait les droits – y compris le droit à l’auto-détermination – de tous les peuples de la région.
Non au bombardement de Gaza !
A bas l’occupation !
Pour une Fédération socialiste du Moyen-Orient !